À Go Sport, un début d’année dans la tourmente

Les articles de L’InFO militante par Chloé Bouvier, L’inFO militante

Francois HENRY/REA

Patrick Puy dirigera l’enseigne spécialisée dans les articles de sport, annonce la société mère HPB en ce début janvier. La nomination de ce dirigeant qui a mené de nombreux plans sociaux inquiète les salariés de Go Sport. D’autant plus qu’un juge-enquêteur a été nommé afin de déterminer avec certitude le montant de la dette et s’il y a ou non cessation des paiements. Le 16 janvier, le tribunal de commerce de Grenoble décidera ou non d’une procédure de redressement judiciaire pour Go Sport.

Pour les salariés de Go Sport, la fin de l’année 2022 se conjuguait sur le mode de l’inquiétude. Et 2023 n’incite pas pour l’instant à l’optimisme. Alors que l’enseigne, dont le siège est basé e en Isère, a un rendez-vous au tribunal de commerce de Grenoble le 16 janvier, la direction a annoncé ce début janvier qu’elle fait appel à Patrick Puy, spécialiste de la restructuration d’entreprise. A Force Ouvrière, on le connaît bien, contextualise Christophe Lavalle, délégué FO. Il a conduit de nombreux plans sociaux pour Moulinex Brandt ou encore Vivarte, qui avait supprimé plus de 500 emplois et contre lequel le syndicat s’était battu.

Ce polytechnicien ne fait ni dans les sentiments ni dans le social : sa réputation de tueur d’entreprise le précède. Dans son communiqué, Hermione, People & Brands (HPB), société mère de Go Sport, précise que sa mission est de poursuivre la nécessaire transformation de Go Sport grâce à sa solide expérience dans la mutation des entreprises. Pour les 2 150 salariés de l’enseigne, la crainte d’un plan social est réelle. Ce qui n’empêche pas la maison-mère et son dirigeant, Michel Ohayon, de préciser que Patrick Puy s’attachera tout particulièrement à renforcer la confiance des collaborateurs de Go Sport, notamment à la suite des informations erronées, infondées ou dénigrantes récemment diffusées.

Le tribunal mettra en lumière la situation financière de l’enseigne

Cette nomination intervient alors que le tribunal de commerce de Grenoble, qui devait décider du sort de l’entreprise en difficulté, a désigné un juge enquêteur spécifique. L’examen du dossier étant reporté à la mi-janvier, Force Ouvrière espère que la justice sera respectée, souligne Christophe Lavalle. Dès octobre, les représentants du personnel avaient lancé une procédure de droit d’alerte économique via le CSE. Les commissaires aux comptes de l’entreprise, KPMG et Ernst & Young, ont envoyé à la direction de Go Sport un rapport spécial d’alerte, le 22 novembre. Les deux cabinets soulignaient la dégradation, constatée fin août 2022, du chiffre d’affaires de l’enseigne par rapport au budget -une dégradation de près de 10%- et des décaissements relatifs à des éléments non récurrents pour un montant de 36,3 millions d’euros, qui obèrent très significativement la trésorerie de la société.

Les deux cabinets ont estimé que, au stade et au vu du peu d’information fournie par la direction, ils ne disposaient pas d’un degré de confiance suffisant sur les prévisions d’activité et de trésorerie de la société Groupe Go Sport dont la continuité d’exploitation semble compromise. De son côté, HBP a mandaté le cabinet Eight Advisory pour dresser son propre état des lieux. Le rapport indique que les 36 millions d’euros manquant sont liés à une opération de fusion-acquisition en cours.

La direction nous avait dit qu’elle pourrait nous en dire plus fin décembre. Mais nous n’avons toujours aucune information, dénonce Christophe Lavalle. Pour le juge enquêteur nommé par le tribunal de commerce, sa la mission est de dresser un état des lieux précis de la situation financière de l’entreprise afin de déterminer avec certitude le montant de la dette et s’il y a ou non cessation des paiements.

Un plan social ne peut être la solution

Si, de son côté, HPB critiques les chiffres, les syndicats ne sont pas dupes. Christophe Lavalle et les autres salariés ont en tête la liquidation de Camaïeu, qui appartenait également à Michel Ohayon. Si, devant le tribunal, on nous dit que non tout va bien car les magasins les moins rentables vont être fermés, cela ne pourra pas aller, estime le délégué syndical. Bien sûr que la colère est là : la direction va rémunérer à prix d’or ce dirigeant pour qu’ils licencient les salariés. Que vont devenir ceux qui perdent leurs emplois ?

Pour le délégué, il faut également que l’État s’empare du dossier. Et ce d’autant plus que HBP a bénéficié d’un prêt garanti par l’État, d’une valeur de 20 millions d’euros, pour redresser Go Sport. Qu’a fait HBP de cet argent ? A-t-elle utilisé ce prêt pour sauver Camaïeu, ce qui signifie qu’il est parti avec la liquidation ? Il faut que l’État tape sur la table, et fort. Pour FO, c’est une nouvelle preuve en faveur de la conditionnalité des aides publiques aux entreprises, ce que ne cesse de demander l’organisation.

Chloé Bouvier

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération