Absentéisme : le thermomètre grimpe dans le privé

Protection Sociale par Michel Pourcelot, Serge Legagnoa

Des études récentes affichent un absentéisme dans le privé en hausse, un phénomène concernant toutes les tranches d’âge, mais différemment.

En 2018, l’absentéisme dans le secteur privé a augmenté de 16 % depuis 2014 et 3,6% par rapport à 2017, selon une étude du cabinet de conseils aux entreprises Gras Savoye Willis Towers Watson, dévoilée fin août 2019. Cette dernière s’est fondée sur un panel de 546 entreprises (sur 256 054 salariés) à partir des chiffres de la Sécurité sociale, retenant tous les arrêts supérieurs à 3 jours, après les 3 jours de carence de la Sécurité sociale et excluant congés maternité/paternité, congés sabbatiques / non payés, absences injustifiées, congés spéciaux, etc. Pour le baromètre annuel du groupe de conseil Ayming, qui a porté sur plus de 2,2 millions de salariés employés dans le privé et publié le 3 septembre, l’absentéisme a atteint 5,10 % en 2018, soit une hausse de 8 % par rapport au taux 2017.

Ce genre d’étude revient chaque année. Cette fois-ci, celle de Gras Savoye souligne que contrairement peut-être aux idées reçues, c’est la tranche d’âge moyen qui voit son absentéisme se dégrader le plus en 5 ans, soit le 30-49 ans. Jeunes et seniors restent cependant les deux tranches d’âge où l’on trouve le plus d’absentéisme, mais de manière différente. Plus d’arrêt mais moins longtemps pour les premiers et inversement pour les seconds. D’autre part, l’augmentation est plus importante chez les non-cadres (13 %) que chez les cadres (4 %).

Femmes

L’absentéisme reste toujours plus élevé chez les femmes que chez les hommes, et ce d’environ 50 %, D’après l’étude de Gras Savoye. Cet écart s’explique en grande partie par les arrêts maladie en période de grossesse (avant le congé maternité). Tranche d’âge la plus concernée : entre 30 et 49 ans. Secteurs : la santé, puis le transport ou et le commerce. Ces secteurs sont d’ailleurs particulièrement concernés par l’absentéisme en général, leur taux respectif dépassant largement la moyenne nationale : la santé (61 % de plus que la moyenne nationale, en croissance de 31% sur 5 ans) et le transport et la logistique (55 % de plus que la moyenne nationale, en croissance de 20%). Une étude pour le cabinet Ayming, autre bureau de conseil, soulignant aussi l’an dernier, l’absentéisme féminin, notamment dans les métiers physiques, notait que les raisons invoquées sont la plus forte tendance qu’ont les femmes à développer des maladies chroniques ou des tendinites, mais également une lourde charge de famille. Dans 80 % des cas, les femmes sujettes à l’absentéisme ont des enfants à charge.

Monoparentales

Sans surprise, Gras Savoye souligne l’importance des difficultés personnelles dans l’absentéisme, dédouanant ainsi plus ou moins l’entreprise, et pointant les familles monoparentales, davantage susceptibles de multiplier les petits arrêts fréquents. Et l’on sait, d’après l’Insee, que 82 % des familles monoparentales sont constituées d’une mère avec ses enfants. Ayming-AG2R, bien que discrètement, avait, quant à lui, relié l’absentéisme aux postes qu’elles occupent, générateurs de problèmes de santé plus importants, comme les troubles musculosquelettiques (TMS). Déjà en février 2013, la Dares (direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques) avait écrit que l’absentéisme augmentait fortement avec le niveau d’exposition aux contraintes physiques et psychosociales et, d’autre part, que l’absentéisme maladie suit le rythme des maladies saisonnières.

Présentéisme

La question du coût des indemnités journalières, et donc des arrêts-maladie, est revenue, en août dernier, sur le tapis avec dans le débat des velléités d’instauration d’un « jour de carence d’ordre public » s’appliquant à tous les salariés. A cette occasion, le secrétaire confédéral de FO chargé de la Santé au travail, Serge Legagnoa, avait souligné que l’on ne s’attaquait pas là aux causes qui étaient connues : le recul de l’âge de la retraite, la dégradation des conditions de travail, notamment suite aux dernières « réformes », et une prévention plutôt défaillante. Il avait aussi rappelé que la France détient le record d’Europe de présentéisme, avec, selon une étude de Loudhouse pour le fabricant Fellowes parue en 2017, 62% des employés français se rendant au travail même lorsque leurs performances sont affectées par des problèmes de santé liés à leur emploi. Ce qui a aussi un coût.

Michel Pourcelot Journaliste à L’inFO militante

Serge Legagnoa Ex-Secrétaire confédéral au Secteur de la Protection Sociale Collective