Le programme « Action publique 2022 » lancé le 13 octobre dernier par le Premier ministre, M. Édouard Philippe prévoit une « transformation du service public » via des mesures qui devraient être mises en place à partir de mars 2018. Ce plan affirme son principal objectif : « accompagner la baisse des dépenses publiques avec un objectif assumé de -3 points de PIB d’ici 2022 ».
Pour le développement de ce Programme qui bénéficie d’un « portage politique de haut niveau par le Président de la République et le Premier ministre », le ministre de l’Action et des Comptes Publics, en charge de la Fonction publique, M. Gérald Darmanin sera particulièrement à la manœuvre de même que le secrétaire d’État au numérique, M. Mounir Mahjoubi.
Pour M. Darmanin, le Programme a « une triple ambition : une plus grande qualité de service pour les citoyens, de meilleures conditions de travail pour les agents et des économies pour les français ». Ce dernier point semble revêtir le caractère de postulat.
Une revue des missions et de la dépense publique…
Le ministre indique ainsi qu’Action publique 2022 devra « interroger en profondeur le périmètre de l’action publique ». Traduit en termes moins ministériels cela signifie que le périmètre actuel pourrait être remis en question. Il ne serait donc pas impossible que certaines missions publiques sortent de ce périmètre à l’issue de ce plan de « transformation » du service public qui prévoit d’étudier la situation à l’État, chez ses opérateurs, dans les administrations de sécurité sociale et dans les collectivités territoriales.
Sur fond d’austérité salariale confirmée ce 16 octobre par le gouvernement aux fonctionnaires –austérité qui comprend notamment un plan de suppressions de 120 000 emplois publics sur cinq ans- le Programme Action publique 2022 n’a rien pour rassurer les agents.
Son agencement même inquiète les personnels. Partant de six principes dont celui d’une « priorité donnée à la transformation numérique », Action publique 2022 disposera d’un financement de 700 millions sur cinq ans dont 200 millions en 2018 se plaît à indiquer le gouvernement. Le programme se déroulera en deux phases. La première, dès ce mois d’octobre et jusqu’au mois de mars 2018 consistera en un « diagnostic ».
Cette première phase sera composée de trois parties. Il y aura ainsi la réalisation d’une « revue des missions et de la dépense publique menée par les ministres et par un comité indépendant » mais aussi la mise en place de « cinq chantiers interministériels » servant de « boîtes à outils » et enfin la création d’un « Forum de l’action publique impliquant usagers et agents publics ».
« Revoir profondément les missions »
Les fonctionnaires FO craignent que ce Forum « constitue un prétexte pour « écouter les agents et les citoyens par le biais de la consultation directe mais considérant les objectifs (budgétaires, Ndlr) fixés que les dés soient déjà pipés ». Début octobre, l’UIAFP-FO avait ainsi suspendu sa participation aux réunions de préparation de ce forum et demandait un « bilan honnête des réformes précédentes »… Le gouvernement n’a pas annoncé pour l’instant un quelconque bilan.
La deuxième phase du Programme consistera dès le mois de mars 2018 et « après les arbitrages du Président de la République » en une « élaboration » de mesures qui mettront « en œuvre de façon opérationnelle des plans de transformation, ministériels et transversaux ».
Rien de rassurant pour les 5,4 millions d’agents des trois versants de la fonction publique. Dès septembre dernier, le Premier ministre indiquait dans une circulaire adressée aux différents secteurs ministériels que l’un des « objectifs prioritaires » consistait en un « engagement ferme » du Programme à « accompagner rapidement la baisse des dépenses publiques ».
Le Premier ministre soulignait que ces objectifs de réduction de la dépense publique « impliquent de revoir profondément et durablement les missions de l’ensemble des acteurs publics ». M. Édouard Philippe livrait quelques pistes de travail au Comité d’action publique (CAP22) qui devra présenter un rapport d’ici mars 2018.
Au menu : transferts au privé, abandon de missions…
Le CAP22 pourra ainsi travailler sur « l’opportunité du maintien et le niveau de portage le plus pertinent de chaque politique publique. Cela pourra notamment le conduire à proposer des transferts entre les différents niveaux de collectivités publiques, des transferts au secteur privé, voire des abandons de missions. Il identifiera également les chevauchements et les doublons de compétences qui sont source de coûts injustifiés ».
Il s’agira pour le comité dont les organisations syndicales sont écartées de « proposer des réformes structurelles et de transformation à l’horizon 2022 » souligne encore le Premier ministre.
Pour les fonctionnaires FO « le message est clair : c’est moins de services publics ».
Ce comité CAP22 comptera 34 membres dont son président M. Ross McInnes (franco-australien), actuel président du conseil d’administration de Safran. Le CAP22 fait la part belle aux hauts fonctionnaires, à des personnalités du secteur privé et à des personnalités étrangères (tel M. Enrico Letta, ex-président du Conseil Italien ou encore M. Per Molander, haut fonctionnaires suédois). Une seule personnalité de ce comité est issue du monde syndical. Il s’agit de Mme Annie Thomas, ex-secrétaire nationale de la CFDT.
Réformer encore l’organisation territoriale des services ?
Le 16 octobre le ministre de l’Action et des Comptes publics indiquait que si les organisations syndicales ne sont pas présentes au sein de ce CAP22 « le gouvernement en est exclu lui aussi ». Quant aux interrogations portant sur le bien-fondé de la présence de personnalités étrangères pour évoquer l’avenir de la fonction publique, M. Darmanin rétorquait laconique « le bonheur n’est pas qu’en France ». Fermez le ban.
Les « chantiers ministériels boîtes à outils » qui feront appel à quelques ministères pilotes consisteront eux à mettre au point des lignes de réformes. Ils travailleront sur plusieurs domaines (rénovation du cadre de gestion des Ressources humaines, transformation numérique, simplification et amélioration de la qualité de services, organisation territoriale des services publics, modernisation de la gestion budgétaire et comptable) et selon des axes qui renvoient aussi à une finalité de réduction de la dépense.
Ainsi concernant l’organisation territoriale des services (déjà perturbés par les réformes RGPP, Reate, réforme des services déconcentrés de l’État, loi NOTRe…), le gouvernement préconise « d’approfondir la déconcentration » de l’organisation territoriale « en allégeant le cadre d’action des agents et en responsabilisant les autorités locales grâce à une déconcentration accrue des décisions ».
Le Programme qui prône aussi de travailler sur « un recentrage de l’État sur ses missions en regardant les missions à l’aune du rôle que doit jouer l’État » prévoit d’étudier les possibilités « d’une profonde rénovation du cadre de gestion des agents publics » notamment au plan des ressources humaines (RH). Ce plan Action public publique 2022 prévoit ainsi d’étudier ces possibilités de réformes dans les domaines du « cadre statutaire, rémunération, recrutement, dialogue social, formation, parcours professionnels… ». Vraiment rien pour rassurer les agents.