Aéronautique civile : les équipes FO Métaux limitent la casse sociale

InFO militante par Elie Hiesse, L’inFO militante

© Lydie LECARPENTIER/REA

Le secteur ne devrait retrouver le niveau de production de 2019 qu’à partir de 2023. Bien qu’il ait connu en 2020 la pire crise de son histoire, avec de lourdes destructions d’emplois chez les sous-traitants, la casse sociale apparaît limitée. Les équipes FO Métaux, qui ont négocié de longs mois pour éviter les licenciements contraints et préserver les compétences, ont joué un rôle déterminant.

L’industrie aéronautique civile connaît le plus gros trou d’air de son histoire. Depuis que la crise sanitaire a frappé, l’effondrement du trafic aérien mondial a entraîné celui des commandes, en recul de 53 % en 2020 (en termes de chiffre d’affaires), tandis que l’absence de perspectives a impacté la fabrication. La décision d’Airbus, chef de file de la filière, de réduire dès avril 2020 sa production de près de 40 % a eu des répercussions sur toute la chaîne d’approvisionnement, puisque les sous-traitants ont vu, du jour au lendemain, disparaître presque la moitié de leur activité.

Bien que l’avionneur compte augmenter ses cadences de production à partir de juillet, cette année et 2022 resteront marquées par de sévères turbulences selon le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales, qui parle d’un espoir de reprise en 2023. Il faut attendre, fin 2021, pour avoir une vision plus claire des perspectives de retour à la normale, précise Edwin Liard, secrétaire fédéral de FO Métaux chargé du secteur. De fait, la reprise de la production est conditionnée à celle du trafic aérien mondial et donc à un recul de la pandémie.

Les sous-traitants plus durement touchés par la crise

Si la filière reste plombée par la crise, la casse sociale apparaît limitée, pour l’instant. Comme le montrent les premiers bilans. Cela dit tous les acteurs ne sont pas logés à la même enseigne et le recul sur l’emploi est significatif de la crise. En Occitanie et en Aquitaine, deux régions concentrant la majorité de la production, les entreprises aéronautiques ont supprimé 8 800 emplois en 2020 (pour atteindre un total de 156 000 salariés), comptabilise une toute récente étude de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Cela représente une baisse des effectifs de 5,5 % en 2020 (sans compter les intérimaires), qui annule quasiment les créations d’emplois 2018-2019. Sans surprise, les donneurs d’ordre, qui ont la capacité de ré-internaliser certaines activités, comptent moins d’emplois détruits en 2020 (-0,9 % de leurs effectifs) que les sous-traitants (-7,5 %).

Dans tous les cas, ces chiffres sont sans mesure avec la chute de l’activité et le volume de suppressions d’emplois annoncées après l’été 2020, et aussitôt jugé disproportionné par FO. Les employeurs ont tenté d’imposer une réponse structurelle à une crise conjoncturelle. En annonçant d’importantes réductions d’effectifs, ils ont probablement essayé de se préparer à la consolidation prévue dans la chaîne de sous-traitance des grands donneurs d’ordre, comme Airbus ou Safran, martèle Edwin Liard.

APLD : plus de 400 emplois préservés chez Mécachrome, Figeac, Latécoère

Dans cette défense de l’emploi, et sa préservation, aujourd’hui soulignée par les études, les équipes FO Métaux ont joué un rôle déterminant. L’enjeu pour les équipes est d’éviter les licenciements contraints tout en conservant un maximum de compétences, dans la perspective du rebond. Chez nombre d’équipementiers, elles ont réussi à signer des dispositifs qui diminuent justement le nombre de licenciements contraints, comme l’Activité partielle de longue durée (APLD). Elles ont convaincu les employeurs de son intérêt, alors qu’ils étaient réticents à recourir à ce dispositif, revendiqué à l’origine par FO auprès de l’État, rappelle le secrétaire fédéral Edwin Liard. De fait, l’APLD est indemnisée pendant deux ans à 84 % du salaire net mais avec un reste à charge de 15 % pour l’entreprise.

Chez les équipementiers dans le sillage d’Airbus, Mécachrome France, Figeac Aéro et Latécoère, les équipes FO (majoritaires) ont obtenu gain de cause après de longs mois de négociation. Leur combativité, dans ces trois sociétés, a permis de préserver plus de 400 emplois, et d’apporter des mesures d’accompagnement complémentaires pour les salariés, souligne Edwin Liard.

L’exemple de l’usine Mecachrome d’Aubigny-sur-Nère

Grâce à l’APLD, le plan social prévu chez Latécoère a ainsi été réduit de moitié (de 475 à 246 postes, sur un effectif de 1.504). Celui de Figeac Aéro a été revu à la baisse avec 31 % de suppressions d’emplois en moins (de 320 à 220 postes, sur les 966 CDI du siège). Quant à celui de Mecachrome France, le nombre de suppressions a été abaissé de plus d’un tiers (de 306 à 194 postes, sur 971).

Chez cet équipementier, la situation de l’usine historique d’Aubigny-sur-Nère (Cher), qui fabrique moteurs et petites séries, est particulièrement emblématique. Sur les 160 emplois menacés (sur un total de 450 emplois sur ce site), 120 ont pu être sauvés grâce à l’accord APLD entré en vigueur fin décembre. Par ailleurs, 31 salariés ont choisi le plan de départ volontaire, dont les conditions ont été améliorées en négociation. Au final, il y a 9 licenciements contraints sur 40 suppressions de postes, indique Stéphane Carré, coordinateur des syndicats FO Métaux du groupe. Pour arriver à ce résultat, il a fallu 19 semaines de négociations et signer trois accords (APLD, PSE, Plan de départs volontaires).

FO essaie de sauver les emplois dans la durée

La négociation APLD a été particulièrement ardue. La direction a mis du temps à se laisser convaincre, reconnaît Stéphane Carré. En effet, pour réduire le nombre de suppressions de postes envisagés dans le PSE, FO Mecachrome a demandé —et obtenu— que le plafond d’heures chômées soit porté au maximum autorisé, de 40 % à 50 % de la durée légale du travail.

Chez Figeac Aéro, FO a aussi négocié une réduction maximale de l’horaire de travail, à 50 %, dans le cadre de l’APLD. Cela a permis de sauver 100 emplois. Signé en mars, l’accord n’est pas encore entré en vigueur. Actuellement, nous faisons 50 % du chiffre d’affaires avec 70 % des effectifs initiaux. Avec l’APLD, FO essaie de sauver les emplois dans la durée. Nous faisons le pari que, d’ici deux ans, l’activité sera repartie, espère Frédéric Bessières, délégué syndical FO de Figeac Aéro.

Elie Hiesse Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération