Il n’y a plus qu’une machine sur vingt qui tourne
indique, amer, Fabrice Boudart, secrétaire de FO Bridgestone et délégué syndical à l’usine de Béthune, où il travaille depuis plus de 24 ans, pour le manufacturier japonais de pneumatiques, qui se targue d’être le leader mondial dans son secteur. Si Bridgestone a déclaré, le 21 septembre, vouloir participer activement à la recherche de solutions pour le site et le territoire
, Fabrice Boudart est très inquiet : La plupart des salariés n’ont jamais fait que ça, sont âgés de 40, 50 ans, et sans diplôme. Le reclassement va être très difficile
. Avec son usine de pneus pour véhicules légers, Bridgestone est le premier employeur de Béthune (quelque 25 000 habitants) dont le bassin d’emploi possède l’un des taux de chômage les plus importants du Nord de la France.
C’était prémédité
Pour le militant, c’était prémédité. La direction a surtout investi dans la dépollution du site, dont un désamiantage, une étape indispensable pour une vente. Son processus date de plusieurs années, au moins cinq ans. Et d’année en année, on avait de moins en moins d’activité
. Rien d’étonnant à ce qu’aujourd’hui la situation soit tendue, même plus que tendue
, confie Fabrice Boudart, également conseiller du salarié.
FO, qui avait effectué aux dernières élections à Bridgestone un score remarquable pour une nouvelle section syndicale, est membre de l’intersyndicale, laquelle exige le maintien de l’activité et la recherche d’un repreneur. Les discussions entre syndicats et direction ont débuté lors d’un comité social et économique extraordinaire les 1er et 2 octobre mais les véritables négociations ne commenceront que le 6 octobre. L’intersyndicale a également appelé à une marche de soutien, prévue pour le 4 octobre, dans les rues de la ville.
La fédération FO Chimie a pour sa part dénoncé un coup de massue pour les salariés, ainsi que pour les centaines d’emplois indirects
et stigmatisé les implantations dans des pays où la main d’œuvre est bien moins chère qu’en France
afin d’accroître les dividendes reversés aux actionnaires
. Bridgestone a en effet investi en Pologne, profitant au passage de subventions européennes.
Quid des aides publiques ?
Le président de la région Hauts-de-France, qui a évoqué un assassinat prévu de longue date
, s’est quant à lui indigné des millions d’aides publiques françaises (subventions régionales, CICE, chômage partiel…) perçus par Bridgestone, dont une partie pour « moderniser » l’entreprise. Le secrétaire général de FO, de son côté, a fustigé l’attitude du fabricant de pneumatiques, attitude à l’image de toutes ces entreprises habiles à absorber les aides publiques avant d’aller voir ailleurs, où c’est moins cher
ou de trouver un autre dispositif
. Yves Veyrier a d’ailleurs rappelé que la conditionnalité des aides publiques, massives en ce moment constitue une question centrale
. Cela s’est vu notamment avec les cas d’Auchan, de Nokia, de Smart... La secrétaire d’État à l’Industrie a indiqué pour sa part que leur remboursement n’était pas envisagé, puisque l’ensemble des salariés ont jusque-là conservé leur emploi
…
Logique de rentabilité actionnariale
Devant l’émotion, le gouvernement a multiplié déclarations et visites locales sans vraiment faire bouger les lignes. Bridgestone a d’ailleurs réaffirmé que le projet de cessation totale d’activité
était la seule option pour répondre à la surcapacité de production structurelle de Bridgestone et donc de sauvegarder la compétitivité de ses opérations en Europe
. Ce à quoi Yves Veyrier a répondu que l’entreprise avait elle-même mise en difficulté son usine pour justifier de sa fermeture. Il a dénoncé un manque absolu d’humanité
découlant d’une logique de rentabilité actionnariale où les salariés sont réduits à une valeur marchande
et a invité les pouvoirs publics à faire pression
sur la direction et mettre les moyens nécessaires pour qu’on maintienne l’activité
.