Contre la destruction des lycées professionnels, la mobilisation continue

InFO militante par Chloé Bouvier, L’inFO militante

Plus de 2 000 manifestants à Paris contre une réforme qui méprise le Lycée Professionnel le 19 novembre 2022. © Snetaa-FO

À l’appel notamment du Snetaa-FO, de la FNEC-FP-FO et de FO Agriculture, près de 2 000 personnes ont manifesté le 19 novembre dans les rues de Paris pour défendre le lycée professionnel. Frédéric Souillot était présent pour apporter le soutien de la Confédération. Deux jours auparavant, une journée de grève dédiée était suivie par près de 30 % d’enseignants. Alors que la concertation sur la réforme est en cours, le gouvernement a d’ores et déjà annoncé les conclusions, dénonce Pascal Vivier, du Snetaa-FO qui défend le lycée professionnel comme outil d’émancipation.

C’est une colère sourde qui s’exprime, estime Pascal Vivier, secrétaire général du Snetaa-FO, syndicat majoritaire dans les lycées professionnels. Alors que la pseudo concertation lancée par Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels, se poursuit, la mobilisation, elle aussi, continue.

Après deux grèves successives, qui ont mobilisé plus de la moitié des personnels, puis encore plus de 30%, une manifestation nationale était organisée le samedi 19 novembre, à l’appel du Snetaa-FO et de l’intersyndicale. 2 000 personnes sont sorties dans la rue, c’est inespéré ! Lorsque la police évoque 400 manifestants, c’est risible. Il suffisait de voir la rue noire de monde pour s’en rendre compte, raconte le militant. Il y avait des parents d’élèves et des lycéens. Ces derniers ont pris la parole pour exprimer, leur sentiment d’être relégués par cette réforme. S’il vous plaît, ne nous abandonnez pas, ont-ils demandé.

Une concertation avec des conclusions connues d’avance

Après avoir été réformée déjà en 2018, la voie professionnelle fait à nouveau l’objet de concertations au sein de l’exécutif. Force Ouvrière ne participe pas à ces réunions et groupes de travail. Parce que le gouvernement a d’ores et déjà annoncé les conclusions : l’augmentation de 50 % des stages pour les lycéens, la présidence des conseils d’administration des lycées professionnel ouverte aux entreprises, détaille Pascal Vivier.

Le Snetaa-FO demande la suspension des 4 groupes de travail chargés de réfléchir et proposer des pistes pour lutter contre le décrochage en lycée professionnel, la poursuite d’étude, le taux d’accès à l’emploi des diplômes et les marge de manœuvre des établissements. Il faut inviter tout le monde autour de la table, syndicats, parents, élèves et régions, pour dresser un vrai diagnostic de la voie pro, soutient le secrétaire général du Sneeta-FO. Qui sont nos élèves ? Quels sont les diplômes insérant et par quoi remplacer ceux qui ne le sont pas ? Quelle place pour l’enseignement professionnel ?

Autant de questions qui méritent en effet une attention particulière avant de bouleverser cette filière, déjà malmenée. Nos organisations syndicales ne peuvent pas valider le bilan présenté par le ministère et qui lui sert de base pour les concertations. Elles revendiquent un état des lieux partagé, honnête et rigoureux. C’est un préalable, sans lequel elles considèrent inacceptable d’envisager une quelconque réforme, écrivent les organisations de l’intersyndicale dans leur communiqué du 12 novembre. Cette nouvelle réforme introduit la notion de diplôme local au détriment des diplômes nationaux, reconnus dans les conventions collectives. Elle induit de fait une territorialisation du diplôme via la mise en place de carte de formation en adéquation avec en lien avec le bassin d’emploi et le marché du travail locaux.

Le lycée professionnel, un outil d’émancipation

Alors que le gouvernement cible l’objectif d’atteindre un million d’apprentis et évoque un pré-apprentissage, Force Ouvrière refuse que celui-ci serve de modèle pour l’enseignement professionnel. On parle d’enfants de 15 ans, parfois moins, grince le militant. Et ce sont souvent des élèves fragiles et qui sont rarement pris en apprentissage par les entreprises. Cet argument avancé par le Snetaa-FO dès la rentrée est appuyé par une étude récente du Céreq. Loin d’accueillir les élèves dont l’école ne veut plus, l’apprentissage introduit un nouveau sas de sélection déplacé en amont même de l’entrée en formation, précise l’étude.

Parce que l’enseignement professionnel porte un véritable projet d’émancipation de la jeunesse, il ne faut pas détruire cet outil de l’Éducation nationale, prévient Pascal Vivier. Les élèves que nous accueillons ont des difficultés scolaires, ils sont cabossés par la vie. Ce dont ils ont besoin c’est de remédiation en maths, en français, d’un minimum de culture générale que nous peinons à leur donner, car on nous prive de moyens. Et après on montre le lycée professionnel du doigt en disant qu’il y a trop de décrocheurs. Pour le militant, la comparaison peut être faite avec l’hôpital : C’est comme si l’on disait que l’on devait fermer le service des urgences car il y a plus de morts qu’au service dentaire. Mais le service dentaire est rarement confronté aux problèmes de vie et de mort, les urgences, si.

Sur le manque de moyens, Pascal Vivier évoque le cas de l’inclusion. Alors que 75 % des lycéens en situation de handicap sont dans la voie professionnelle, celle-ci ne concerne en tout qu’un tiers de l’ensemble des lycéens. On le voit aussi sur les élèves allophones qui sont systématiquement dirigés vers nos établissements. Ils subissent une orientation stigmatisante. Mais surtout, les lycées pro ne bénéficient d’aucun dispositif d’accompagnement, ni AESH ni Ulis.

Vers une 3e journée de mobilisation ?

Alors que Pascal Vivier, qui a déjà été reçu la semaine dernière à l’Elysée, attend un retour d’information après cette rencontre, le Snetaa-FO continue de se mobiliser. Une troisième journée de mobilisation sera évoquée lors d’une réunion de l’intersyndicale, le 23 novembre. Les associations de parents d’élèves discutent sur le fait de rejoindre le mouvement, indique le secrétaire général. Par ailleurs, fait rare, l’enseignement catholique s’est lui aussi mis en grève les 17 octobre et 18 novembre. En 23 ans de syndicalisme, je n’ai jamais vu ça !

La mobilisation pourrait encore prendre de l’ampleur et durer. Si les lycéens professionnels sortent dans la rue, que fera le gouvernement ? Déjà, on voit apparaître des soulèvements locaux et des lycées bloqués. On assiste à un mouvement de gens modestes, et qui ont vu leurs enfants exclus du système scolaire de l’enseignement général.

Chloé Bouvier

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

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