Dans la tourmente, Pimkie cherche un repreneur

InFO militante par Fanny Darcillon, L’inFO militante

Laurent GRANDGUILLOT/REA

La nouvelle est tombée par surprise à la mi-mai : les actionnaires de la galaxie Mulliez ne garantiront les salaires des employés de Pimkie que jusqu’à décembre. Dans les boutiques de la marque de prêt-à-porter, l’inquiétude se mêle à l’indignation. Une réunion entre la direction et les syndicats aura lieu le 8 juin.

L’annonce a été faite par visioconférence, dans un certain flou et sans aucun préavis adressé aux syndicats. Le 19 mai, les salariés de l’enseigne de prêt-à-porter Pimkie, propriété de l’Association familiale Mulliez, ont reçu un coup de massue sur la tête : le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) envisagé par le nouveau directeur général a été retoqué par les actionnaires. La douche froide, raconte Valérie Cuvelier, déléguée syndicale FO dans l’entreprise et élue au Comité social et économique (CSE). Ils nous ont dit qu’on recherchait un repreneur, et que nos salaires seraient garantis jusqu’au mois de décembre.

Outre le fond du message, particulièrement anxiogène, la forme a de quoi indigner. Les représentants des salariés au CSE n’ont pas été prévenus de la situation, alors même que le comité s’était réuni la veille. Nous avons demandé au directeur des ressources humaines quelle était la teneur de la visioconférence du lendemain, il nous a répondu qu’il n’y avait pas lieu de nous en informer, s’indigne Valérie Cuvelier. Le sentiment de mépris et d’irrespect est présent. Le mot d’ordre du jour étant tout à fait flou, tous les salariés n’ont même pas pris leurs dispositions pour pouvoir se connecter à la réunion.

Un dialogue social de plus en plus compliqué

Les élus FO dénoncent dans le comportement de la direction de Pimkie un délit d’entrave, c’est-à-dire une atteinte au bon déroulement de la mission des représentants du personnel et à l’exercice du droit syndical. Pas de quoi surprendre Gérald Gautier : C’est devenu habituel, car les Inspections du travail ne bougent pas et les ministères du Travail ne disent rien. L’Inspection du travail a en l’occurrence été contactée par la FEC-FO, pour le moment sans succès.

Face à l’attitude la direction, une intersyndicale à laquelle participe FO a demandé l’ouverture d’une négociation avec la direction, afin d’être dans la boucle du processus de recherche du repreneur, précise la déléguée syndicale.

Malgré des difficultés à maintenir un dialogue social au sein de l’entreprise, une réunion entre les différentes parties doit se tenir mercredi 8 juin.

Cinq directeurs généraux en cinq ans

Qu’adviendra-t-il des 1525 salariés de Pimkie en 2023 ? Valérie Cuvelier, 33 ans de maison, ne cache pas ses craintes. A chaque plan annoncé, on se dit qu’on tient la solution. Mais après cinq directeurs généraux en cinq ans, on n’espère plus. Un turn-over qui s’explique par les exigences des actionnaires de la famille Mulliez, estime Gérald Gautier, secrétaire de la section fédérale du Commerce et VRP à la FEC-FO (Fédération des employés et cadres) : Les objectifs n’étaient, je pense, pas atteignables, les DG et les directeurs financiers ont valsé.

Au sein de l’entreprise, les difficultés de la marque Pimkie ne sont un secret pour personne. Notre situation économique étant très fragile, on s’attendait à un PSE, à une liste de magasins impactés, explique Valérie Cuvelier. Dans le projet de repositionnement de la marque jusqu’alors présenté par le nouveau DG pour 2022, 70 boutiques étaient menacées, sur un parc de 232 magasins et 81 affiliés. En 2018 déjà, un plan social avait eu raison d’une trentaine de magasins et de plus de 200 emplois. Tous les mois en CSE, on a peur, témoigne la militante. On nous annonce très souvent une nouvelle fermeture.

De plan en plan, le groupe n’a fait que diminuer les effectifs

Pour Gérald Gautier, c’est inévitable : Il va y avoir de la casse sociale. Depuis quelques années, l’Association familiale Mulliez – un groupement d’intérêt économique où toutes les entreprises sont juridiquement autonomes – n’a eu de cesse de restructurer ses marques de prêt-à-porter, parmi lesquelles Jules, Brice ou encore Rouge-Gorge. On a encore affaire aux pratiques étranges du groupe Mulliez, ses éternels PSE, ses reconversions, appuie le secrétaire fédéral. De plan en plan, le groupe n’a fait que diminuer les effectifs. Ce sont en fait des plans qui se situent dans la continuité, visant à faire toujours plus de profit. Chez Mulliez dans l’habillement, les salariés ont beaucoup souffert, les actionnaires nettement moins. La fortune de la famille Mulliez est estimée à 24 milliards d’euros.

Un douloureux précédent fait ainsi craindre pour l’avenir de Pimkie. En 2020, la marque de meubles en kit Alinéa a été placée en redressement judiciaire, pour être ensuite reprise… par ses anciens actionnaires de la galaxie Mulliez. Quelques mois plus tard, c’est la marque Phildar qui a connu le même destin. Cela a été rendu possible par une ordonnance gouvernementale de mai 2020, qui permet aux dirigeants d’une société ayant déposé le bilan de se repositionner comme acquéreurs. En pleine épidémie, la mesure avait initialement pour objectif de permettre aux patrons de petites entreprises coulées par le Covid de reprendre leur affaire. Auparavant, une autorisation préalable du tribunal de commerce était nécessaire.

Des choix stratégiques préjudiciables

Chez Pimkie, les délégués syndicaux ont pourtant fait remonter les difficultés identifiées sur le terrain. Ce n’est pas faute de leur avoir expliqué ce qui ne fonctionne pas, affirme Valérie Cuvelier. L’une des principales causes, je pense, c’est qu’on n’a pas su prendre le virage du digital. La hausse des ventes en ligne et le marché de la seconde main a plombé le marché de l’habillement, avant même la crise du Covid. A cela s’ajoute un problème d’identité de la marque : On n’arrive pas à se positionner, on change de cible à chaque collection.

D’autres choix stratégiques ont également causé du tort à l’entreprise, à commencer par le recours à la sous-traitance pour la logistique et l’informatique, qui a occasionné de nombreux bugs. Face à des conditions de travail difficiles, le fort turn-over parmi les vendeuses achève de plomber le quotidien de la marque. Impossible de blâmer les personnels qui s’en vont, insiste Valérie Cuvelier : Elles ont généralement des contrats de 24 heures par semaine, payées au Smic. Et ce sont des temps partiels modulables, elles peuvent faire 33% d’heures en-dessous ou au-dessus de leur base horaire, et ça change toutes les semaines. Par ailleurs, dans ces conditions, avoir un deuxième travail est compliqué.

Une revendication : des reclassements dans toute la galaxie Mulliez

La valse des salariées s’est encore aggravée après la dernière annonce à la hussarde de la direction. D’autres enseignes viennent démarcher les vendeuses pour qu’elles partent de chez Pimkie et les rejoignent, note Valérie Cuvelier. On a beaucoup d’équipes où il ne reste qu’une responsable, mais plus de vendeuses. Au-delà des dettes accumulées du fait des difficultés internes et externes, cette situation exacerbe les craintes : Comment peut-on faire envie à un repreneur alors que tout le monde quitte le navire ? Comment maintenir notre chiffre d’affaires dans des conditions anxiogènes et dégradées ?, s’inquiète la militante.

Si le maintien des emplois reste à ce stade une priorité pour FO, un autre combat est à anticiper pour Gérald Gautier. En cas de casse sociale, il faudra des possibilités de reclassement au sein de la totalité du groupe Mulliez, appuie le secrétaire fédéral. Toutes les marques étant jusqu’à présent considérées comme indépendantes, cette option dépend du bon vouloir de la famille Mulliez. En 2020, pour les salariés d’Alinéa et de Phildar, la porte avait été entrouverte pour un reclassement dans des marques considérées en meilleure santé : Décathlon, Boulanger, Leroy-Merlin… Alors que le fondateur du groupe présente celui-ci comme familial, les salariés eux exigent surtout que leurs emplois soient protégés !

Fanny Darcillon

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération