Ce dossier a été publié le 11 mars 2020 dans L’inFO militante n°3324 |
Alors que le principe « à travail égal, salaire égal » est inscrit dans le Code du travail depuis 1972, les femmes gagnent toujours en moyenne près de 24 % de moins que les hommes contre près de 34 % en 1971. Le rattrapage, rapide entre le milieu des années 1970 et celui des années 1980, a en effet progressivement ralenti pour finir par quasiment stagner depuis le début des années 2000, et ce malgré l’adoption de trois lois sur la question durant cette dernière période.
En 2018, la loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel a créé l’index de l’égalité professionnelle pour soumettre les entreprises à une enquête et à une obligation de résultat, sous peine de sanction financière. Mais si la confédération FO a salué la création de cet index comme un premier pas
, elle n’en dénonce pas moins les insuffisances.
De fait, alors que les écarts salariaux persistent, les notes moyennes obtenues par les entreprises de plus de 250 salariés dans le cadre de cet index frisent l’excellence : 82 sur 100 pour les entreprises de plus de 250 salariés et 83 sur 100 pour celles de plus de 1 000 salariés. Le paradoxe s’explique.
Les insuffisances de l’index égalité
Première lacune de l’index : les entreprises de moins de 50 salariés y échappent. Deuxième insuffisance : les comparaisons se font le plus souvent entre catégories socio-professionnelles (ouvriers, employés, techniciens et agents de maîtrise, ingénieurs et cadres) sans entrer dans le détail des différentes qualifications à l’intérieur de ces catégories. Une répartition plus fine par classification nécessite une consultation du CSE. Troisièmement, le logiciel Excel, qui recueille les données fournies par les entreprises, est programmé pour accorder automatiquement une marge de tolérance de 5 % à 2 % en matière d’écarts salariaux, appelée seuil de pertinence
.
La confédération FO conteste également la pondération entre les indicateurs de l’index. L’écart de rémunération est noté sur quarante points, l’écart de taux d’augmentation individuelle sur vingt points, l’écart de taux de promotion sur quinze points, le nombre de femmes parmi les dix salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations sur dix points, le pourcentage de salariées augmentées à leur retour de congé maternité sur quinze points. Mais au final, seule la note globale est publiée, sans le détail par indicateur, ce qui ne peut refléter la situation réelle dans l’entreprise. Un employeur peut ainsi obtenir une bonne note alors que d’importantes inégalités persistent dans son entreprise.
Autre faiblesse, et de taille : l’index ne précise pas la répartition des différents types de contrats entre les hommes et les femmes au sein de l’entreprise. Or, sur le plan national, 85 % des temps partiels sont occupés par des femmes, qui le plus souvent n’ont pas trouvé mieux. Le temps partiel explique en partie que les écarts de salaires entre hommes et femmes se creusent avec l’ancienneté, souligne l’Insee dans une étude récente.
Enfin, l’index égalité ne concerne pas la fonction publique où les femmes représentent pourtant 62 % des effectifs.
Mieux partager la parentalité
En quarante ans, la part active des femmes dans le marché du travail français a fortement augmenté, se rapprochant de celle des hommes. En 2018, 83 % des femmes étaient en activité un à quatre ans après la sortie de leur formation initiale, soit trois points de moins que les hommes, alors que l’écart atteignait trente et un points en 1975. Mais au-delà de quatre ans d’ancienneté sur le marché du travail, cet écart est plus marqué, atteignant neuf points.
Pourtant, les jeunes femmes ont plus souvent suivi des études menant à des niveaux de rémunération supérieurs que les hommes. Cette inégalité s’explique notamment par la maternité et l’éducation des enfants, souligne l’Insee qui indique qu’être parent a deux fois plus de conséquences sur la situation économique des femmes que sur celle des hommes, en particulier pour les femmes cadres. Un constat qui vient souligner la nécessité de renforcer les droits des hommes en tant que pères, en particulier en rendant le congé paternité obligatoire et en allongeant sa durée.
Salaires, droits, accès à l’emploi… Les inégalités de la vie active se répercutent brutalement sur la retraite, au point que les femmes perçoivent encore aujourd’hui des pensions inférieures de 34 % à 42 % à celles des hommes, en fonction des générations. Le système par points entérinerait cette situation. FO est prête à négocier pour que les femmes ne soient plus pénalisées, mais dans le cadre du système de retraite actuel
, expliquait déjà le secrétaire général de la confédération, Yves Veyrier, le 21 novembre dernier à l’occasion de la réunion des militants FO référents en matière d’égalité professionnelle. Des propos qui restent d’une actualité brûlante.
Quelques repères sur le long chemin de l’égalité
1907 : la loi accorde aux femmes mariées la libre disposition de leur salaire. |
Les revendications de FO pour une retraite gagnante
Les pensions de retraite des femmes restent en moyenne inférieures de 34 % à 42 % à celles des hommes, en fonction des générations.
Dans la mesure où le Smic les concerne en majorité (à 62,4 %), l’augmenter contribuerait fortement à réduire les écarts de rémunération, lesquels rejaillissent sur les pensions. Il en va de même pour le point d’indice, puisque 62 % des agents de la fonction publique sont des femmes.
La confédération FO revendique également que les heures complémentaires (heures effectuées au-delà de la durée prévue dans un contrat à temps partiel) soient majorées comme les heures supplémentaires du contrat à temps plein. Actuellement, seules les heures effectuées au-delà de 10 % en plus de la durée de travail prévue par le contrat à temps partiel sont majorées, et ce, dans la limite de 25 % du salaire.
FO défend aussi la prise en charge par l’employeur de la totalité des cotisations retraite pour tous les contrats à temps partiel.
Dans le cadre du système actuel
Elle entend également préserver les droits acquis, notamment le calcul de la pension sur la base des vingt-cinq meilleures années de la carrière et non sur sa totalité. Mais pas seulement. Le mode de calcul des droits à la retraite dans le système actuel, basé sur le nombre de trimestres cotisés, garantit la compensation des interruptions de cotisation liées à la maternité et à l’éducation des enfants.
À chaque naissance, les femmes acquièrent ainsi automatiquement quatre trimestres. De plus, les mères d’enfants nés avant 2010 ont droit à une majoration supplémentaire de quatre trimestres par enfant au titre de son éducation. Depuis 2010, cette deuxième majoration peut être partagée avec le père. Enfin, une majoration de 10 % du montant de la pension est attribuée à chaque parent qui ont eu trois enfants ou plus.
Autant de droits qu’un régime universel de retraite par points, par nature, ferait voler en éclats. Selon ce que l’on sait du projet de loi à cette étape, il y substituerait une majoration du montant de la pension de 2,5 % par enfant pour la mère au titre de la maternité et de 2,5 % au titre de l’éducation pour la mère ou le père, ou encore à partager entre les deux. Pour les femmes percevant de faibles revenus, la majoration de 2,5 % ne pourrait être inférieure à un plancher défini par décret. Une précaution qui vaut aveu d’un nivellement par le bas.
Les revendications de FO pour une retraite gagnante
Béatrice Clicq, secrétaire confédérale chargée de l’égalité professionnelle et du développement durable
De quels leviers dispose-t-on pour faire progresser l’égalité professionnelle ?
Béatrice Clicq : La campagne que nous avons menée avec la CSI et la CES a débouché sur l’adoption, en 2019, d’une convention de l’OIT contre les violences et le harcèlement dans le monde du travail. Au niveau national, nous cherchons aussi à peser sur les évolutions législatives. Nous avons ainsi donné notre avis sur l’index égalité dans le cadre du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, le CSEP. Malheureusement, le fonctionnement de celui-ci est actuellement bloqué car ses instances n’ont toujours pas été renouvelées alors que cela aurait dû être fait en juin dernier. Le gouvernement freine des quatre fers et nous craignons une fusion avec le Haut Conseil à l’égalité, qui a plutôt vocation à traiter les sujets sociétaux. Enfin, nous agissons bien sûr sur le terrain de la négociation collective, et nous obtenons de bons accords comme, par exemple, chez Orange ou chez Airbus.
La confédération s’est-elle dotée d’outils internes dédiés à l’égalité professionnelle ?
Béatrice Clicq : Depuis 2009, nous réunissons deux fois par an les militantes et militants que nos structures ont désignés comme référent(e)s pour l’égalité professionnelle. Nous organisons aussi un stage annuel de formation. Le prochain, prévu en mai, s’intitule « Négocier l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ». De plus, les unions départementales nous sollicitent de plus en plus pour animer des initiatives locales qui réunissent des dizaines de délégués de secteurs très divers, du public, du privé et d’entreprises de toutes les tailles. Il est aussi très intéressant de constater que de plus en plus d’hommes viennent à ces réunions.
Quelles revendications FO met-elle en avant ?
Béatrice Clicq : Pour faire avancer l’égalité professionnelle, il faut à la fois faire progresser les droits des femmes et ceux des hommes en tant que pères. C’est pourquoi nous revendiquons l’égalité salariale, une meilleure articulation des temps de vie pour les femmes, mais aussi, par exemple, un congé paternité plus long pour les hommes.