La recherche de profit de Sanofi semble décidemment sans limites. Alors qu’en pleine crise sanitaire, tous ses efforts devraient être concentrés sur la recherche d’un vaccin anti-Covid, le géant pharmaceutique s’apprête à annoncer prochainement la suppression de plusieurs centaines de postes de chercheurs.
L’annonce officielle de cet énième plan social devrait se faire en CSE central le 28 janvier. Selon FO, il concerne 600 suppressions de postes en recherche et développement, assorties de 200 embauches dans les domaines du digital et de la biotechnologie. Il prendrait la forme d’un plan de départs volontaires. La direction, qui a confirmé 400 suppressions de postes auprès de l’AFP, prétend que celles-ci s’inscrivent dans la nouvelle stratégie de l’entreprise annoncée en juin 2020, et qui prévoit 1700 suppressions de postes en Europe, dont un millier en France.
Pour le syndicat FO, il n’en est rien. Avec les suppressions déjà actées dans les fonctions centrales, l’industrie, la chimie ou le médical, on dépasse déjà les 600 à 700 postes, explique Pascal Lopez, délégué central FO chez Sanofi. Si on rajoute encore 600 postes, on est à minima entre 1200 et 1300 suppressions, donc loin du millier évoqué par la direction.
Perte d’expertise et de compétences
Si cette nouvelle saignée se confirmait, c’est la moitié des effectifs de recherche en France qui aura été supprimée en une dizaine d’années, passant de 6000 salariés à à peine 3000. On peut s’interroger légitimement sur la logique de l’entreprise qui la conduit à supprimer des milliers d’emplois et à perdre ainsi des expertises et compétences précieuses, quand parallèlement nous sommes incapables de produire un vaccin contre la covid19 avant la fin 2021
, réagit Pascal Lopez.
En juin dernier, à l’occasion de la visite du chef de l’État à l’usine Sanofi Pasteur de Marcy L’Etoile, le groupe, sous le feu des projecteurs, avait promis d’investir 610 millions d’euros dans la recherche de vaccins. Depuis l’annonce mi-décembre d’un retard considérable pris dans le développement du vaccin anti-covid élaboré avec GSK, le groupe est plutôt montré du doigt.
D’autant qu’en 2020, Sanofi a été dans le trio de tête des plus gros payeurs de dividendes du CAC 40, avec 3,9 milliards d’euros versés aux actionnaires, malgré la crise. Le groupe, qui a enregistré 7,5 milliards d’euros de résultats nets en 2020 selon FO, est aussi l’un des premiers bénéficiaires des aides de l’État sous forme de crédits d’impôts. Et malgré tout ça, on n’est pas capables de produire un vaccin ni de préserver l’emploi, le mécontentement est très fort dans le groupe
, poursuit Pascal Lopez.
Ras-le-bol général
Brahim Aniba, délégué FO sur le site de Sanofi-Pasteur de Marcy-l’Etoile, près de Lyon, rappelle aussi que Sanofi a vu son activité soutenue par la pandémie de Covid-19. Les ventes de Doliprane ont explosé de 320%, quand celles du vaccin anti-grippe, à forte valeur ajoutée, ont bondi de 20%.
Les résultats vont être excellents, ajoute-t-il. Les gens ont fait des efforts, certains travaillent de 10 à 12 heures par jour depuis des mois. Pourtant ils n’auront aucune augmentation salariale.
En effet, lors des NAO, la direction n’a accordé aucune augmentation générale ni rémunération variable individualisée (RVI) pour les cadres, une première selon Pascal Lopez. Le comble, c’est que la direction générale a accordé des actions aux quelques 7700 hauts cadres dirigeants du groupe, pour une valeur potentielle de 20 000 et 32 000 euros
, ajoute le militant.
A l’origine, c’est sur la base de revendications salariales qu’une intersyndicale dont fait partie FO a appelé les salariés à se mobiliser le 19 janvier dans toutes les entités du groupe. Mais ces derniers jours, d’autres sujets de mécontentement, et notamment les suppressions de postes, sont venus se greffer à l’appel. Des débrayages ont eu lieu sur de nombreux sites. Dans la journée, environ 300 salariés ont manifesté sur le site de Marcy-l’Etoile. Un certain nombre de télétravailleurs, principalement des cadres, se sont également déclarés grévistes. C’est la première fois que des cadres se mobilisent autant, le ras-le-bol est vraiment général
, souligne Brahim Aniba.