[Exposition] Enki Bilal au Musée de L’Homme

Culture par Christophe Chiclet, L’inFO militante

Le grand dessinateur de bandes dessinées dénonce dans cette exposition les excès de l’innovation risquant de transformer l’Homme en mutant.

Enki Bilal est né à Belgrade en 1951 d’un père tailleur Musulman bosniaque. Musulman avec un « M » majuscule comme l’a voulu Tito lors de la nouvelle constitution de 1974, pour offrir une nationalité aux Bosniaques, pour contrer le nationalisme serbe et faire plaisir aux pays arabo-musulmans membres du mouvement des non-alignés dont il était l’un des leaders. La mère d’Enki était tchèque. La famille arrive en France en 1961 et est naturalisée française en 1967. Le jeune Enki commence à collaborer à l’hebdomadaire Pilote dès 1971. En 1987, il reçoit le Grand prix du festival d’Angoulême.

Dès ses premiers albums, il dénonce les dictatures, l’Espagne franquiste dans Les phalanges de l’ordre noir, puis des Démocraties populaires de l’Europe de l’Est dans Partie de chasse. Durant les guerres yougoslaves (1991-2001) il n’aura de cesse de dénoncer la folie meurtrière des nationalismes de tous bords.

L’exposition est divisée en six parties : Je suis un animal d’exception, Je suis un champion, Je suis un cyborg, Je suis un mutant, Je suis immortel, On va tous y passer. La tête de zèbre naturalisée est installée au milieu de la trentaine de toiles et de dessins de l’artiste. L’animal totem de Bilal trône depuis des années dans son atelier. Il étonne par sa normalité dans l’univers des mutants où les humains se parent de câbles, de prothèses métalliques, de caparaçons blindés.

Paroles d’Enki

Pour l’artiste : Le futur de l’Homme est balisé de frontières, de bordures, de marges, qu’il se fait un plaisir (en auto-proclamée perfection du vivant sur cette planète), de repousser, de provoquer, voire d’affronter, obsédé par le contrôle de son pouvoir aveuglant, cet humain se trouve mis à nu –je le réalise, presque surpris-, au cœur de toutes mes créations, et depuis bien longtemps. Cette exposition le prouve.

La question centrale est de savoir jusqu’où peut-on utiliser les avancées technologiques pour réparer les corps sans en faire des robots ou des mutants. Bilal répond : Il faut reconnaître que le thème me colle à la peau et que c’est assez naturellement, je crois, que le Musée m’a proposé cette exposition. Je n’ai d’ailleurs eu aucun mal à trouver dans mes dessins des images qui pouvaient en illustrer le propos.

Et d’ajouter : Ce qui me fascine, ce sont les excès de l’innovation. Il y a une forme d’arrogance dans cette recherche d’immortalité. C’est même parfois grotesque. Je suis curieux de voir combien de milliardaires vont pouvoir dépenser et jusqu’où ils vont aller dans cette quête. Dans le fond, ce spectacle m’amuse plutôt. Moi, ce qui m’intéresse, qui est le fil rouge de cette exposition et de mon œuvre, c’est l’homme, l’humain et sa survie. Même s’il ne fait pas beaucoup de doute que notre espèce va finir par disparaître.

 

« Aux frontières de l’humain », Musée de l’Homme, 17 place du Trocadéro, Paris 75016, jusqu’au 30 mai, tarif de 9 à 12 €, catalogue 20 €, 112 pages.

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération