Santé, Logement, emploi, fiscalité... De premières annonces issues des Assises des Finances publiques lancées par le gouvernement le 19 juin ne font pas dans la dentelle. Le jour même du lancement de ces Assises (qui font suite à une revue des dépenses publiques lancées en début d’année), le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, faisait savoir que des économies, à hauteur de 10 milliards d’euros avaient d’ores et déjà été identifiées
. Et précisait-il, c’est qu’une étape
d’ici 2027.
Mais selon le ministre, il n’est pas question d’austérité, il est question de revenir à la normale
, après la pandémie. A l’entrée de celle-ci, précédée d’années d’une politique de réduction de la dépense publique, les conséquences avaient pu être constatées cependant, entre autres sur les services publics de Santé, rendus exsangues par cette politique.
Le gouvernement qui prône une réduction sévère des dépenses publiques l’an prochain et prévoit de présenter à l’automne des projets de lois de finances pour 2024, (pour l’État (PLF) et la Sécurité sociale (PLFSS), portant 12 milliards d’euros d’économies au moins, intègrerait dans ces projets les premières mesures issues des Assises dans les champs de la Santé, du Logement, de l’Emploi ou encore de la politique fiscale en matière de carburants à énergie fossile.
Le prêt à taux zéro perd de la voilure
En matière de Logement, une réduction de la dépense à hauteur de deux milliards est visée à travers la suppression du dispositif Pinel (aide aux investisseurs qui achètent un logement pour le mettre en location) et, sans autres détails encore, une remise à plat du prêt à taux zéro (PTZ).
Créé en 1995 et destiné aux ménages modestes, le PTZ est soumis à des conditions de revenus entre autres. Ce prêt qui permettait de financer une partie de l’achat de sa résidence principale ne pourra plus être activé pour la construction/achat d’une maison individuelle neuve. En 2023, note des études, 30% de ces achats sont en partie financés par un PTZ.
Alors que, selon les spécialistes, deux fois moins de PTZ ont été accordés en 2022 qu’en 2017 par les banques, ces prêts ne pourront désormais servir qu’à acheter un logement neuf collectif en zone tendue (là où la demande en logement est plus importante que l’offre) ou encore acheter un logement ancien et y faire des travaux de rénovation, pour au moins 25 % du coût total d’achat. De nouvelles règles qui pourraient impacter lourdement la possibilité d’accession des plus modestes à la propriété.
Fin du bouclier énergétique sur le gaz et fin des tarifs réglementés...
Est évoquée aussi une réduction des aides à l’emploi, plus précisément celles concernant l’apprentissage. En 2022, on comptait deux fois plus de contrats d’apprentissage qu’en 2018, donc avant la pandémie. En termes d’entrées en apprentissage, on comptait 837 000 entrées en 2022 contre 300 000 en 2018 selon une étude de la Dares publiée en mars dernier. Il faut dire que dès le début de la crise Covid en 2020, le gouvernement a décidé d’apporter des aides publiques aux employeurs pour l’embauche d’apprentis. A l’origine 5.000 euros la première année pour le recrutement d’un mineur, 8.000 euros pour celui d’un jeune de plus de 18 ans. L’employeur reçoit aussi des aides les deux années suivantes.
Si ces aides perdurent pour les contrats déjà signés, le dispositif pour l’apprentissage et les contrats de professionnalisation (système qui s’adresse à des jeunes de moins de 30 ans, jusqu’au niveau Master) a été modifié en 2023. Depuis janvier et pour tous les contrats signés cette année, une aide unique de 6.000 euros est versée à l’employeur la première année. Le gouvernement qui vise un million de contrats d’alternants en 2027, a annoncé la poursuite de ces primes aux entreprises jusqu’à cette date. Tout en décidant d’abaisser légèrement le niveau de l’aide, laquelle, selon l’OFCE, a mobilisé 20 milliards d’euros l’an dernier (contre 16 milliards en 2021).
Est projetée aussi par les Assises l’extinction progressive d’ici 2030 des mesures fiscales liées à l’utilisation par certaines professions (agriculteurs, routiers) de carburants à énergies fossiles. Par ailleurs, la fin dès ce mois de juin 2023 du bouclier énergétique sur le gaz, déjà envisagée dès avril, a été confirmée. Le prix du gaz a baissé, le bouclier n’est plus nécessaire
a indiqué le ministre de l’Economie. La fin du bouclier sur l’électricité aurait lieu fin 2024. A noter que la suppression du bouclier sur le gaz coïncide avec la fin au 1er juillet des tarifs réglementés du gaz (conformément à la loi Energie-Climat de 2019). Comment ne pas craindre les conséquences qu’aurait pour les ménages une nouvelle envolée des prix de vente du gaz...
Le gouvernement lance la chasse aux arrêts maladie
Mais ces Assises nourrissent d’ores et déjà les inquiétudes, vives, par les annonces relatives au domaine de la Santé, au sens large. Ainsi il est question de lutter contre l’explosion
des arrêts maladie ainsi qualifiée dès le 14 juin par le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal, auditionné par le Sénat (tandis que le 6 juin, l’Assemblée avait rejeté les comptes de la Sécu). Il indiquait une progression de 7,9% entre 2021 et 2022 de ces arrêts (au nombre de 8,8 millions en 2022. Le gros des dépassements (de dépenses de l’assurance maladie, Ndlr) c’est quand même lié aux indemnités journalières et à l’explosion notamment des arrêts maladie
pointait-il, prédisant que la dépense annuelle pour les indemnités, passerait de 15 milliards d’euros actuellement à 23 milliards d’ici 2027.
Travailler plus vieux augmente la fréquence des arrêts maladie...
Sans préjuger des montants à venir des dépenses pour indemnités journalières, leur augmentation n’aurait rien d’illogique si l’on pose le lien de cause à effet entre réforme des retraites -qui repousse l’âge légal de départ et augmente la durée de cotisation- et hausse des dépenses pour arrêt maladie... Ce lien a d’ailleurs déjà été posé entre autres par le Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET) cet hiver, par la Drees, dès 2022 ou encore récemment par l’Observatoire de la mutualité française.
En février dernier, alors que grèves et manifestations se multipliaient sur le territoire, le CEET, par exemple, résumait les conséquences de la réforme de 2010, soit le passage de l’âge légal de 60 à 62 ans... Cela a entraîné une augmentation significative de la fréquence des arrêts-maladies après 60 ans
, de 1,7 point de pourcentage. Cela s’explique par la dégradation de l’état de santé lié à l’âge
et l’allongement de la vie active
.
Attaques de droits, déremboursements, ...
Sans les nommer, le gouvernement désigne par son raisonnement à la fois, les salariés et les médecins. Il assure ainsi à quel point il est facile de se procurer un arrêt
, par la fraude. Et de pointer aussi les arrêts de confort
. Des déclarations aucunement assorties d’une analyse de ces arrêts. Les médecins se sont dits scandalisés, rappelant tant les pathologies physiques que psychologiques, celles liées aux conditions de travail et/ou celles incompatibles pendant un temps avec celui-ci. L’Assurance maladie a d’ores et déjà lancé un plan de contrôle des arrêts. Sur 6 000 médecins dans son collimateur, un millier le sont particulièrement et devront accorder moins d’arrêts au risque de sanctions.
Tandis que le gouvernement entend lancer des concertations
cet automne pour trouver les moyens de lutter contre cette prétendue explosion
des arrêts, il a évoqué aussi à l’occasion de ces Assises, l’éventualité d’augmenter le nombre de jours de carence (trois actuellement dans le privé, un dans le public) dans le cadre d’un arrêt pour maladie. Hors de question a rétorqué le Medef (patronat) par la voix de son président Geoffroy Roux de Bézieux. Repasser la dépense de la Sécurité sociale aux entreprises, ça n’est pas la bonne méthode
a ainsi répondu le patron des patrons en indiquant, dans beaucoup d’entreprises et de conventions collectives les jours de carence sont pris en charge
par l’employeur. Ce qui a été obtenu par la lutte syndicale.
Le Medef qui évoque lui aussi les arrêts de complaisance
, ne manque pas d’idées. Ainsi il verrait d’un bon œil une mesure qu’il qualifie d’ordre public
consistant à un jour de carence qui ne pourrait être remboursé par personne
. Une mesure au détriment des salariés, donc.
Le gouvernement a évoqué aussi le 19 juin une action, sans la détailler pour l’instant, sur les dérives
des dépenses en médicaments a indiqué Bruno Le Maire. Déjà, en amont des Assises et tandis que les industriels du médicament font le forcing pour obtenir des hausse des prix de vente, le ministre de la Santé avait annoncé le 15 juin une possible hausse à venir des médicaments génériques. De son côté, annonçant un plan de relocalisation de la fabrication de certains médicaments dits essentiels
sur le territoire national, le chef de l’État, Emmanuel Macron, avait précisé que cela pourrait induire des hausses des prix de vente.
En matière de Santé, ces derniers jours charrient donc leur lot de mauvaises nouvelles et de projets inquiétants. Le 15 juin, le gouvernement annonçait déjà la baisse au 1er octobre de la prise en charge des soins dentaires par l’Assurance maladie. De 70%, le remboursement reculerait à 60%. La différence (évaluée à 500 millions d’euros) serait assumée par les assurances complémentaires..., lesquelles envisagent déjà une hausse de leurs tarifs.
Pour Force Ouvrière, il n’est pas question de faire payer la facture du quoi qu’il en coûte
, par les salariés.