Quelles raisons motivent les personnels des finances à faire grève une nouvelle fois, le 28 mars à l’appel de cinq organisations dont FO-DGFIP et à descendre dans la rue ? Une cascade de raisons. Suppressions d’emplois massives depuis des années, restructurations des services à outrance…
Pour les agents publics des finances, « la situation est grave. L’objectif des pouvoirs publics est simple : externaliser, privatiser et abandonner des missions, supprimer des emplois, réduire par quatre le nombre des implantations, limiter l’accueil du public aux contacts dématérialisés, abattre notre statut, détruire le service public et ainsi, mettre à mal l’égalité de traitement des citoyens ».
Alors que de nombreux sites des finances publiques sur le territoire ont déjà effectué plusieurs grèves en quelques mois, les agents appellent à « amplifier la mobilisation » afin « d’empêcher la destruction » de l’administration des finances publiques.
Un nombre d’implantations divisé par quatre
Une administration qui a déjà payé « un lourd tribut » aux réformes diverses et variées rappellent les syndicats. Ainsi des dizaines de milliers d’emplois ont été supprimés en quinze ans mais cela ne semble pas suffire à l’exécutif. Alors que celui-ci programme la suppression de 120 000 postes dans l’ensemble de la Fonction publique dont 50 000 à l’État, le secteur des finances publiques serait une fois de fois impacté par ce massacre dans le cadre du plan pluri-annuel. « Les projections envisagées pour la DGFiP donnent le tournis : 10 000, 15 000 voire 30 000 agents » verraient leurs postes supprimés s’insurgent les syndicats.
Concernés aussi bien par le projet de loi de réforme de la Fonction publique (extension du recours au contractuels, restructuration des instances représentatives, plans de départs volontaires, développement de la notion de mérite dans le salaire…) qui doit être présenté en Conseil des ministres ce 27 mars que par les projets de réformes propres à l’administration des finances, les agents disent stop.
« Le périmètre de nos missions est attaqué et la manière de les exercer bouleversée. Elles sont vidées de leur sens au détriment de l’intérêt général. La géographie revisitée va aboutir à un déménagement violent et massif du territoire et divisera par quatre le nombre de nos implantations. Pour faciliter le tout, la loi Fonction publique va permettre de recruter des contractuels un peu partout, de mettre à mal nos garanties individuelles et collectives en supprimant le rôle des CAP, d’introduire une compétition malsaine entre services, entre les agents et entre titulaires et précaires. C’est bien un avenir à la France-Telecom qui nous est promis… Si nous ne nous rebellons pas ! »
Toujours des suppressions d’emplois par milliers
Les syndicats dont FO-DGFIP tirent donc la sonnette d’alarme : « personne ne peut aujourd’hui se croire à l’abri, quel que soit son grade, quelle que soit son affectation, quelle que soit la mission qu’il exerce ».
Tous les services de l’administration des finances publiques sont en effet concernés par des restructurations. Le service des impôts aux particuliers (SIP) ? Les syndicats redoutent les quelque 3000 suppressions d’emplois évoquées par le ministre de l’Action et des Comptes publics, M. Gérald Darmanin, notamment dans le cadre de la suppression de la taxe d’habitation et de l’arrivée du prélèvement à la source.
Ces suppressions auraient lieu « sans aucun redéploiement sur des missions déficitaires ou affichées prioritaires, comme la lutte contre la fraude fiscale » s’indignent-ils. Le service du cadastre ? « Le transfert vers l’IGN (institut national de l’information géographique et forestière) est aujourd’hui sur les rails s’alarment encore les syndicats.
Faire fi d’un grand principe républicain comptable ?
Dans le domaine du SPL autrement dit la gestion des finances du service public local, là encore l’inquiétude est de mise. « La création d’agences comptables va finir de mettre à mal la gestion publique, et le principe fondamental de séparation entre ordonnateur et comptable, sans aucun intérêt financier pour la collectivité locale » souligne FO-DGFIP.
Dès 2017, M. Gérald Darmanin avait évoqué la possibilité de supprimer la séparation ordonnateurs/comptables dans les grandes collectivités territoriales. Une telle suppression acterait la fin du principe républicain comptable relatif à la séparation des fonctions et du pouvoir entre le « comptable », celui qui paie les dépenses ou recouvre les recettes et « l’ordonnateur », celui qui engage une dépense ou une recette. Or ce principe relève d’une précaution dans la gestion des deniers publics…. Ce qui intéresse tous les citoyens.
« L’administration est prête à lâcher le secteur public local et les principes qui s’y rattachent, le tout par pur dogmatisme et souci d’économies budgétaires » s’irrite FO-DGFIP.
Alors que la séparation des rôles permet un meilleur contrôle en amont de l’utilisation des fonds publics, elle permet aussi de s’assurer de la probité des personnes impliquées dans cette gestion de l’argent public. Cette séparation des pouvoirs existe ainsi au niveau de l’État (un ministre ou un préfet est ordonnateur mais pas comptable), des territoires au sein des collectivités locales mais aussi dans les établissements publics (hôpitaux…) ou encore dans les établissements publics locaux d’enseignement (EPLE).
Au nom des économies...
Ainsi dans une collectivité territoriale (région, département, commune…), l’ordonnateur (le maire, le président du conseil général, régional...) qui occupe une position statutaire (l’exécutif de la collectivité) est celui qui prescrit l’exécution des dépenses et des recettes. Toutefois, ce n’est pas lui qui manie l’argent. C’est le comptable.
Ce dernier est un fonctionnaire de la DGFIP qui occupe la fonction de comptable public (non liée au grade) ce qui signifie entre autres que sa responsabilité pécuniaire est engagée. S’il est affecté à une autorité ordonnatrice, le comptable public n’est pas soumis à l’autorité de l’ordonnateur. Environ 2200 comptables publics sont affectés au réseau des trésoreries spécialisées et trésoreries mixtes de la DGFIP et s’occupent plus spécialement des comptes des collectivités locales. Cet effectif ne cesse de décroître au fil des années…. Et des restructurations.
Alors que l’administration des finances publiques -et bien sûr le ministère- s’ingénient actuellement à sous-entendre que la qualité du service rendu pour cette gestion des finances publiques locales serait bien meilleure après réforme (qui prévoit entre autres que la rémunération des agents comptables affectés à une collectivité puisse être payée pour moitié par celle-ci…) les agents publics ne décolèrent pas. « Si la qualité, à l’avenir, rime avec visa a posteriori (des comptes publics, NDLR), pressions de l’ordonnateur sur son agent comptable rétribué et sous ses ordres, il est évident que la séparation ordonnateur/comptable ne sera plus tenable » s’insurge FO-DGFIP.
Pour de « véritables discussions sur le devenir des missions »
La colère des agents publics de la DGFIP porte aussi sur une possible réforme du recouvrement. Ils contestent les velléités ministérielles et plus largement celles de l’exécutif. « Les pouvoirs publics portent bel et bien l’idée d’une agence unique de recouvrement des recettes fiscales et sociales hors du périmètre de la DGFIP. Cela mettra à mal sans aucun doute les SIE », les services dédiés à la fiscalité des entreprises s’inquiète FO. Le syndicat fustige par ailleurs le recours, vanté par l’administration, aux systèmes d’intelligence artificielle censés prendre de plus en plus de place dans le domaine du contrôle fiscal. « C’est utilisé pour déshabiller les services de base » réagit FO-DGFIP.
Alors que l’exécutif annonce « la mise en œuvre d’une géographie revisité » pour la DGFIP, notamment dans le cadre d’une réforme de ses implantations (en lien avec une nouvelle réforme des services déconcentrés de l’État annoncée le 24 juillet dernier par le Premier ministre), les agents s’inquiètent de la « refonte complète » du réseau des finances publiques et contestent les conséquences désastreuses en termes d’emplois, de conditions de travail et des services rendus aux usagers.
Ils demanderont notamment le 28 mars, jour de grève et de manifestation nationale à Paris l’arrêt des suppressions d’emplois » ou encore « l’ouverture de véritables discussions sur le devenir des missions, des implantations territoriales et le maintien des garanties individuelles et collectives dans le cadre des CAP sur la base de règles de gestion transparentes et négociées au niveau national ».