Après une grève de deux jours début septembre, les salariés des 24 antennes régionales de France 3 avaient décidé de laisser à leur direction le temps de prendre en considération leurs revendications. FO est une organisation qui privilégie le dialogue,
Il était donc temps de durcir le mouvement, a estimé l’intersyndicale à laquelle participe FO. Depuis le 8 novembre, une grève reconductible très suivie bloque la fabrication et la diffusion des éditions régionales.
En cause, l’entrée en vigueur début septembre de la réforme « Tempo », qui a acté la disparition du journal national diffusé depuis 1986 sur France 3. Selon la nouvelle formule baptisée « Ici », les antennes régionales doivent fabriquer elles-mêmes l’ensemble du journal en piochant dans des sujets préparés par les rédactions nationales de France Télévisions. Objectif selon la direction des chaînes publiques d’information : redonner la parole à des gens que l’on voit peu sur les antennes, et de la place à ce qui se passe en dehors des lieux de pouvoir
, expliquait la directrice générale de France Télévisions, Delphine Ernotte, dans Le Monde début septembre.
Burn out et semaines à rallonge
Si FO n’émet pas une opposition de principe à cette régionalisation, les représentants réclament un moratoire sur sa mise en place. Il faut arrêter la casse : l’organisation du travail a été mal pensée, la réforme doit être suspendue le temps de trouver les moyens de la déployer correctement
, résume Renaud Bernard.
Le délégué syndical rapporte des conséquences en cascade pour les équipes essorées par ce bouleversement organisationnel : semaines de 50 heures, arrêts maladie, burn out, malaise d’un présentateur à l’antenne. Soixante postes ont été promis en renfort, mais n’ont à ce jour pas tous été déployés, et pas toujours pour ravitailler les métiers sur lesquels la surcharge de travail pèse le plus.
Face à l’entêtement aveugle de la P-DG
, les représentants FO encouragent les salariés à déclarer leurs horaires réels, afin d’exposer au grand jour l’insuffisance des moyens alloués. Il n’est pas normal de travailler 50 heures par semaine,
Des négociations sont toujours en cours pour tenter de sortir de ce mouvement de grève, qui s’est en outre étendu à France 3 Toutes Régions, une entité de France Télévisions située à Vaise (Rhône), qui se substitue en cas de besoin aux JT régionaux. La direction a énoncé des propositions jugées insuffisantes par l’intersyndicale. Tout en feignant de comprendre nos arguments, la direction formule des engagements a minima, qui manquent de fermeté. Mais nous ne voulons pas des promesses de déploiement d’équivalents temps plein, nous voulons des actes : il y a urgence !
, insiste Renaud Bernard. Un sentiment de gâchis prédomine : Nous avons eu un an de préparation avec un comité de pilotage pour bien penser ce projet. Les salariés ont une impression d’amateurisme.
La crainte d’un arrêt de l’information nationale et d’une fusion avec France Bleu
La mobilisation durable des journalistes et des techniciens est par ailleurs motivée par le refus de voir disparaître, à terme, l’information nationale et internationale des antennes de France 3. Pour FO, ce n’est pas forcément une mauvaise idée de régionaliser, rappelle Renaud Bernard. Mais nous sommes pour une régionalisation responsable et efficace, avec les moyens nécessaires.
Le délégué syndical rapporte une grande peur qu’il y ait un agenda caché, celui d’une régionalisation absolue et, finalement, d’un rapprochement voire d’une fusion avec France Bleu
, qui regroupe les stations de radio régionales publiques.
En effet, Delphine Ernotte ne cache pas son souhait de voir France 3 et France Bleu se rassembler progressivement sous une marque unique dénommée « Ici » – celle-là même que portent déjà les journaux de France 3 dans leur nouvelle mouture. Face à cette incertitude, la défiance monte parmi les équipes. Ce qui caractérise la présidence Ernotte à France Télévisions, c’est un manque de transparence, une énorme verticalité
, dénonce Renaud Bernard. De quoi attiser les craintes des salariés : En provoquant ce mouvement de grève reconductible, on en arrive à nous pousser à casser notre outil de travail, se désole le militant. Et quand on veut piquer son chien, on lui inocule la rage.