La mobilisation prend de l’ampleur à Radio France, où les salariés sont en grève illimitée depuis le 19 mars à l’appel de cinq syndicats, dont le syndicat national FO radio et télévision (SNFORT). Les personnels techniques et administratifs, qui ont reconduit le mouvement pour le 3 avril, devaient être rejoints par davantage de journalistes.
Dans le cadre des restrictions budgétaires et des restructurations, les salariés s’inquiètent pour l’emploi, les métiers, les contenus et l’organisation du travail. Pour la première fois de son histoire, les comptes de la radio publique sont dans le rouge. En 2015, le déficit sera de 21,3 millions d’euros.
Mathieu Gallet, le P-DG de la Maison ronde depuis février 2014, s’est engagé à économiser 50 millions d’euros d’ici à 2019. Il a été convoqué le 2 avril par la ministre de la Culture Fleur Pellerin, son autorité de tutelle. La veille, il lui avait remis son projet stratégique, traçant ses grandes orientations pour les cinq ans à venir. Une première version des propositions, remise le 25 mars, avait été jugée insuffisante par la ministre.
Ce projet stratégique doit servir à établir le prochain contrat d’objectifs et de moyens (COM) qui fixe le cadre financier de la radio publique pour la période 2015-2019. Il devait être signé fin mars entre l’État et Radio France.
Rien n’a filtré de ce projet qui devrait être présenté dans les prochains jours aux 4600 salariés, lors d’un comité central d’entreprise extraordinaire. Alors que les négociations avec la direction sont dans l’impasse, une délégation de l’intersyndicale a été reçue le 2 avril à Matignon.
Le 24 mars, le P-DG a confirmé les craintes des syndicats en évoquant en CCE un plan de 200 à 300 départs volontaires, axé sur les seniors. Il pourrait aller plus loin. La Cour des Comptes a publié un rapport très sévère sur Radio France le 1er avril. Les magistrats pointent « une situation financière en dégradation rapide » et demandent à Radio France de « rénover en profondeur ses activités et ses modes de gestion ».
Ils préconisent, entre autres, la fusion des rédactions de France Inter, France Info et de France Culture, et la fusion des deux orchestres de Radio France, le Philharmonique et l’Orchestre national de France. Mathieu Gallet a rapidement écarté la fusion des rédactions, se disant attaché au « pluralisme de l’information » et à « la complémentarité des antennes de Radio France ». Mais il estime que Radio France n’a pas les moyens de financer deux orchestres symphoniques.
Suppression de 200 à 300 postes
Pour corser le tout, le Canard Enchaîné a fait depuis le début de la grève des révélations sur le train de vie de Mathieu Gallet à Radio France, en contradiction avec la politique d’économies qu’il est censé mener : rénovation de son bureau pour plus de 100 000 euros, embauche d’un conseiller personnel en communication pour 90 000 euros par an, sans passer par la procédure des appels d’offre… Le P-DG de Radio France a présenté ses excuses aux salariés pour ne pas avoir reporté la rénovation de son bureau. L’inspection générale des finances a décidé de mener l’enquête.
Dans un tract, le SNFORT-FO et le syndicat des artistes SNLA-FO jugent « totalement inacceptable » la fusion des orchestres ou la suppression de 200 à 300 postes. « Le service public de la radio a besoin de tous ses personnels pour l’accomplissement de toutes les missions. Et les orchestres appartiennent, comme la production de fictions et de documentaires, aux cœurs de métiers », rappellent-ils.
Ils pointent du doigt la responsabilité conjointe de la direction et de l’État, ce dernier imposant un plan d’économies à la radio publique. Ils appellent à poursuivre la mobilisation « pour que la direction de Radio réponde à toutes les revendications des personnels et pour que le gouvernement annule ses restrictions budgétaires. »