Résister et ne rien lâcher
. Le syndicat FO de SoLocal (ex-Pages jaunes, 2 300 salariés) voit une nouvelle fois récompensé le principe qu’il a fait sien. Première étape dans son combat pour faire reconnaître la privation d’indemnités
subie par les salariés de SoLocal placés en télétravail sans compensation de frais pendant la crise sanitaire, alors qu’une indemnité était prévue dans l’accord d’entreprise en vigueur depuis 2015 (donc signé bien avant la pandémie), le tribunal judiciaire de Nancy (Meurthe-et-Moselle) s’est déclaré compétent pour examiner l’affaire.
Le tribunal judiciaire n’a pas encore statué sur le fond. Mais le fait qu’il juge recevable la demande de FO est une première victoire pour les salariés concernés, et une première étape vers leur possible indemnisation
, s’enthousiasme Frédéric Gallois, délégué syndical FO de la société spécialisée dans la commercialisation d’espaces publicitaires sur internet.
Un litige qui met en jeu des intérêts collectifs
Dans sa décision, rendue publique fin mai, le tribunal judiciaire déboute en effet SoLocal, qui contestait sa compétence sur le sujet. Les avocats de la direction soutenaient que l’affaire relevait du conseil des prud’hommes. A tort, puisque la compétence des conseils des prud’hommes ne vise que les litiges d’ordre individuel, et non les litiges mettant en jeu des intérêts collectifs
, précise le militant. Or, ici, le cœur de l’affaire concerne l’accord collectif sur le télétravail, en vigueur chez SoLocal au moment de la pandémie.
Cette première décision du tribunal judiciaire doit permettre au syndicat national de presse, d’édition et de publicité (FO-SNPEP) —qui représente FO SoLocal— d’y défendre les droits des salariés. Le jugement devrait intervenir début 2023
, précise Frédéric Gallois, qui reste néanmoins prudent.
Car cette seconde étape est désormais suspendue à la décision de la cour d’appel de Nancy. SoLocal l’a saisie le 3 juin, sitôt connue la décision du tribunal judiciaire.
FO défend le principe d’égalité de traitement
L’attitude de SoLocal n’a rien de surprenant, vu le montant potentiel des indemnités que l’entreprise pourrait être tenu de verser. Elles s’évaluent à plusieurs centaines, voire milliers d’euros
, souligne Frédéric Gallois, DS FO. Le syndicat demande, en effet, la condamnation de l’entreprise à payer, aux salariés placés en télétravail du fait de la pandémie, une indemnité forfaitaire de 7,50 euros par jour télétravaillé à compter du 17 mars 2020
. La majorité des 2.300 salariés ont été concernés.
Cette indemnité forfaitaire était prévue par l’accord sur le télétravail, en vigueur chez SoLocal depuis 2015. Jusqu’à la pandémie, seuls quelque 200 cadres autonomes en bénéficiaient. Au nom du principe d’égalité de traitement, FO SoLocal demande le versement de l’indemnité à l’ensemble des salariés concernés, et que le tribunal judiciaire mette l’entreprise sous contrainte de pénalités financières (à raison de 100 euros par infraction et par jour de retard), en cas de non-exécution du jugement.
Déjà de la jurisprudence sur le sujet
Il existe déjà une jurisprudence sur le sujet. Dans une décision datée du 21 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a condamné l’AFD (agence française de développement) à verser, à l’ensemble des salariés placés en télétravail du fait de la pandémie, l’indemnité prévue par l’accord d’entreprise sur le télétravail conclu avant la crise.
Dans leur décision, les juges rappellent la portée de l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le télétravail du 26 novembre 2020, pour laquelle FO, qui en est signataire, a longuement lutté afin de sécuriser le cadre réglementaire. L’ANI, étendu par arrêté du 02 avril 2021, stipule bien que la prise en charge des frais professionnels s’applique aussi aux situations de télétravail en cas de circonstances exceptionnelles.
Le tribunal judiciaire de Paris précise les choses. Dans son jugement, il considère que le fait d’avoir, ou non, signé un avenant au contrat de travail n’est pas un critère permettant à l’employeur de traiter différemment des salariés placés dans une situation identique du fait de la crise sanitaire.
En revanche, il circonscrit la période devant être prise en compte pour la régularisation indemnitaire : il l’a fait débuter à la date de l’assignation en justice. Dans l’affaire SoLocal, FO a saisi le tribunal judiciaire en juin 2021.