L’affaire France Télécom-Orange sur grand écran

Les articles de L’InFO militante par Sandra Déraillot, L’inFO militante

Un documentaire revient sur le combat syndical mené au sein de France Télécom-Orange pour obtenir la condamnation des dirigeants et de leurs politiques de gestion des ressources humaines durant la privatisation de l’ancien établissement public.

Par la fenêtre ou par la porte. Ainsi Didier Lombard, P-DG de France Télécom, proposait-il, en 2006, de pousser vers la sortie quelque 22 000 employés de l’établissement public dont la privatisation avait été lancée en 2004. S’ensuivra une vague de départs forcés, de dépressions, de suicides. En 2019, avec cinq cadres de son équipe dirigeante, l’homme devient le premier président du CAC 40 à être condamné pour harcèlement institutionnel caractérisé.

Un documentaire éponyme de Jean-Pierre Bloc revient sur cette affaire qui avait choqué l’opinion française. À travers de nombreux témoignages de syndicalistes, le film rappelle les prémices du drame : le processus de préparation de la privatisation dès la fin des années 1980, largement retardé par les grèves des agents de ce qui était alors un service fort de 155 000 fonctionnaires. « Il a fallu vider l’entreprise de la notion de service public », résume Danièle Linhart. La sociologue est l’une des neuf chroniqueurs (historiens, avocats, psychanalyste, économiste, professeur en droit du travail…) sollicités durant le procès en appel pour rédiger des chroniques et qui témoignent dans le film. Ils racontent ce qu’ils ont entendu : la mise en place d’une stratégie de la peur, les plans successifs déployés par les ressources humaines, les témoignages des salariés et de leurs proches, mais aussi le mépris de la part des prévenus, l’utilisation de tous les recours possibles pour retarder l’audience, les tentatives pour se défausser de leur responsabilité dans les suicides…

Une victoire quand même

Jean-Pierre Bloc rapporte surtout le combat syndical inédit mené pour que police et justice se penchent sur la question. Et cherche à montrer les perspectives ouvertes par la condamnation prononcée. Une condamnation amoindrie en appel (la prison ferme y a été remplacée par du sursis), mais une victoire quand même, selon le réalisateur. Voir Didier Lombard passer du statut d’employeur à celui de délinquant peut faire réfléchir un certain nombre de dirigeants, note Juliette Bourgeois, avocate spécialisée en droit du travail. Cette décision consacre aussi la notion de harcèlement moral institutionnel et permet de faire entrer dans ce champ beaucoup de situations qui en étaient exclues jusqu’à présent.

De nombreuses projections-débat sont prévues partout en France. Et le 4 décembre le film sera projeté à l’Assemblée nationale. Y sèmera-t-il quelques idées dans l’esprit des parlementaires pour améliorer organisation et conditions de travail ?

 

« Par la fenêtre ou par la porte », un film de Jean-Pierre Bloc, 1h29. Sortie en salle le 8 novembre. Liste des projections-débat : www.parlafenetreouparlaporte.fr

Sandra Déraillot Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération

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