La situation est préoccupante et le phénomène du non-recours aux droits sociaux est loin d’être marginal. Déjà en 2012, le chercheur Philippe Warin tirait la sonnette d’alarme dans une monographie consacrée à ce sujet [1]. Citant l’exemple de l’accession aux tarifs sociaux du gaz et de l’électricité, il indiquait que le manque à percevoir pour les ménages éligibles à ces tarifs était de plus de 767 millions d’euros depuis leur mise en place en 2008.
Le rapport des députés a quant à lui réduit le périmètre aux prestations principales : revenu de solidarité active (RSA), allocation de solidarité spécifique (ASS), allocation adulte handicapé (AAH), CMU complémentaire (CMU-C), allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS).
Les chiffres sont hélas très éloquents : 35 % de non-recours pour le RSA socle, destiné aux personnes n’exerçant aucune activité et n’ayant pas droit au chômage ou à l’ASS, et 68 % de non-recours au RSA activité, versé aux très petits salaires et remplacé en 2016 par la prime d’activité.
En tout, les sommes non distribuées au titre du RSA s’élèvent à 5,3 milliards d’euros. Un montant que les députés ont rapproché des 425 millions d’euros de fraude sociale détectée en 2014.
Complexité des procédures
Plus de 3 millions de personnes n’auraient en outre pas fait valoir leurs droits aux dispositifs de santé (1 million pour la CMU-C et 2 millions pour l’ACS). Quant aux autres prestations, le manque d’études suffisamment fines ne permet pas de se faire une idée précise.
De son côté, Philippe Warin explique le non-recours principalement par un manque d’information sur les droits et par la complexité des procédures, parfois jugées non acceptables car trop contraignantes et intrusives
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Le Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique distingue huit raisons : la mauvaise image de la prestation, le manque d’information, l’absence de pro-activité de la part de l’usager, l’éligibilité inconnue, un déficit de médiation et d’accompagnement, la complexité de la prestation, la rupture du processus d’instruction et enfin, un faible intérêt pour la prestation ou sa concurrence avec d’autres.
Quelles qu’en soient les raisons, le non-recours contribue à aggraver la pauvreté et l’exclusion. Les auteurs du rapport recommandent de mieux évaluer et analyser le phénomène et de fixer des objectifs de diminution. Parmi leurs propositions : mettre les outils de lutte contre la fraude au service de la diminution du non-recours.
Selon une enquête récente du magazine 60 millions de consommateurs, un usager qui téléphone à la CPAM, Pôle emploi ou à la CAF pour connaître ses droits
ou les démarches à effectuer est souvent renvoyé par l’opérateur vers le site web de l’organisme.
Or 11 % de la population française âgée de 18 à 65 ans est illettrée et 21 % n’utilise pas Internet. Un Français sur cinq risque donc de se retrouver exclu des aides sociales de base et de devoir renoncer à ses droits.
Pour ceux qui ne figurent pas dans cette catégorie, un site permet de simuler le montant des aides et prestations : mes-aides.gouv.fr