Le TGV en perte de vitesse ?

Rapport par Valérie Forgeront

C’est la quadrature du cercle de la grande vitesse : les collectivités locales ne veulent financer des lignes que si la SNCF multiplie les arrêts sur leur territoire… et c’en est alors fini de la grande vitesse. © Denis ALLARD / REA

Il serait coûteux et désormais peu adapté aux besoins des usagers. Le fleuron de la SNCF fait l’objet d’un jugement sévère de la part de la Cour des comptes.

Trois motifs D’inquiétude


Le chiffre d’affaires généré par le TGV à la SNCF a baissé de 200 millions entre 2013 et 2012.

La SNCF envisage d’augmenter le prix des billets TGV, de durcir les conditions de remboursement ou encore de supprimer la voiture bar sur certains trajets, pour un gain total de 40 millions par an.

L’industrie ferroviaire attend des commandes de l’État et des collectivités, car l’activité construction de TGV et de TER chutera dès 2016 pour être quasi nulle en 2019, faisant craindre la perte de 10 000 emplois dans le secteur.

Le TGV romprait-il avec le succès ? Le système ferroviaire à très grande vitesse est devenu l’outil privilégié des pouvoirs publics (État et collectivités locales) pour l’aménagement du territoire et le désenclavement des zones rurales. Les lignes TGV, qui couvrent aujourd’hui plus de 2 000 km et desservent 230 destinations, sont toutefois pointées du doigt pour leurs coûts (26 millions d’euros par kilomètre en moyenne) et leur « rentabilité » douteuse. Alors que sa fréquentation stagne depuis cinq ans car les consommateurs se tournent vers des modes de transport moins chers, la Cour des comptes a étudié le modèle TGV. Bilan : un rapport au vitriol. Pour elle, ce fleuron français est « à bout de souffle » et son coût est devenu « non soutenable ». Par ailleurs, le taux de marge que retire la SNCF de l’activité TGV serait passé de 29 % du chiffre d’affaires en 2008 à 12 % en 2013. La politique du « tout TGV » est donc à revoir.

Alors que de nombreuses destinations des Intercités ont été supprimées, les lignes TGV compteraient beaucoup trop de dessertes intermédiaires (arrêts dans des petites villes), ce qui nuirait à la vitesse et au rapport qualité/prix pour les usagers. Un TGV roule ainsi 40 % de son temps sur le réseau classique, à une vitesse inférieure à 220 km/h au lieu de 320 km/h. Cette situation renvoie au financement des projets. À la demande de l’État, les collectivités territoriales participent de plus en plus à la construction des lignes. Or elles ne le font « que si elles y trouvent des contreparties », une ou plusieurs dessertes sur leur territoire par exemple.

Des financements incertains

Pour la Cour, « les bénéfices de la grande vitesse ferroviaire pour la collectivité sont moindres qu’escomptés et l’investissement très lourd qui a été consenti s’est fait au détriment de l’entretien du réseau classique », et cela a désormais des « conséquences sérieuses » sur l’état du réseau ferroviaire. Le rapport suggère de se poser la question « de la répartition des dépenses entre réseau à grande vitesse et réseau classique ». Or elle pourrait se poser plus vite que prévu. En effet, les infrastructures de transport, dont le ferroviaire, sont financées via l’Agence de financement des infrastructures de transport, qui ne dispose que de 2 milliards comme source de financement (amendes, radars, subventions de l’État…). La Cour évoque une « impasse », sachant que l’État estime le besoin de financement du ferroviaire à 23 milliards d’ici à 2030. 

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante