« Le coup est trop dur, c’est inimaginable, lâche Dédé Lier, agent de nettoyage depuis douze ans dans les toilettes publiques de la Ville de Paris, et venue manifester le 22 juillet au pied du Sacré-Coeur. Un soir pour le lendemain, on m’a dit que ce n’était pas la peine de revenir. Les serrures ont été changées. J’avais laissé une bouilloire et d’autres affaires, tout a disparu. Parce qu’on est des femmes de ménage, on pense qu’on ne connaît rien et qu’on ne se défendra pas. »
Suite à un appel d’offre portant sur six lieux d’aisances situés dans des lieux touristiques comme les Champs-Elysées ou Notre-Dame, le marché a été remporté par la société Point WC du groupe hollandais 2Theloo. À sa prise de fonctions le 1er juillet dernier, le repreneur a refusé de réembaucher les agents en poste, comme la convention collective du nettoyage l’y obligeait pourtant. Cette clause figurait également dans l’appel d’offre selon FO.
Pour l’heure, les dames des toilettes parisiennes restent employées par l’ancien prestataire, la société Stem. Début juillet, elles se sont présentées tous les matins sur leur lieu de travail, en vain. Maintenant, elles restent chez elles. « Ce sont des dames âgées, certaines sont presque à la retraite, explique Jonathan Mayelle, délégué du personnel chez Stem. Elles ont souvent les toilettes pour seule expérience professionnelle, la société ne peut pas leur donner d’autres missions. »
Ce mercredi, dès sept heures du matin, Dédé Lier et ses collègues, Tran Awanbe, Angèle Lawson, Clémentine Codjia et Gabrielle Adams, se sont retrouvées à Montmartre, devant l’un de leurs anciens lieux de travail. Après 20 à 30 ans d’ancienneté, elles sont toutes en état de choc.
La mairie doit assumer ses responsabilités
Elles qui n’auraient jamais imaginé se mettre en grève le sont depuis une semaine. Sur le piquet de grève, elles ont été rejointes par des militants de la fédération Feets-FO et d’entreprises de nettoyage.
« C’est un combat pour nous tous, a insisté Jean Hédou, secrétaire général de la Feets-FO, venu les soutenir. On ne peut pas accepter que ces dames soient foutues dehors après 20 ans. Sinon, le non-respect de la convention collective deviendra la règle partout. »
La fédération a également interpellé la Maire et le conseil municipal de Paris sur « ces agissements inacceptables qui bafouent les droits fondamentaux des salariés et favorisent le dumping social. » En tant que donneur d’ordre, la municipalité a l’obligation de faire respecter le code du travail et les conditions du marché. Sinon, « le marché doit être rendu à la société précédente », a expliqué Jean Hédou. La mairie n’avait toujours pas répondu au syndicat mercredi en début d’après-midi. « Si rien ne bouge, on ira à l’Hôtel de Ville », préviennent les manifestants, bien déterminés à ne rien lâcher.
D’autant que la société 2theloo n’en est pas à sa première tentative. En janvier dernier, un conflit similaire avait éclaté lors de la reprise des sanitaires des gares parisiennes. Après neuf jours de mobilisation à l’appel de FO, les agents avaient retrouvé leur poste, avec paiement des jours de grève.