Les étrangers de la commune de Paris

1871-2021 par Christophe Chiclet, L’inFO militante

Nadar
(Public Domain)
Article publié dans l’action Les 150 ans de la Commune de Paris

Des révolutionnaires du monde entier vont rejoindre la Commune. Ils la serviront politiquement, administrativement, mais surtout sur les barricades. Beaucoup y laisseront leur vie.

Le plus connu des étrangers dans la Commune est Guiseppe Garibaldi (1807-1882). Pourtant, il n’y a pas participé. Il combat aux côtés des républicains brésiliens, puis avec les Uruguayens contre les Argentins. Ayant besoin d’habiller sa petite légion italienne, il trouve les chemises des ouvriers des abattoirs de Montévidéo : les fameuses chemises rouges. Puis il devient le fer de lance du Risorgimento participant aux guerres de l’unification italienne (1848, 1860, 1866). Durant la guerre franco-prussienne, il se met au service de Gambetta. Mais ce dernier se méfie du vieux lion révolutionnaire. Il lui confie l’armée des Vosges en octobre-novembre 1870. En janvier 1871, Garibaldi reprend Dijon aux Prussiens, puis rentre en Italie le 13 mars. Le 24, la Commune naissante lui offre le commandement de la Garde Nationale. Mais il refuse, arguant qu’il faut un commandement français. Mais surtout, ses vieilles blessures de guerre le font souffrir.

La majorité des volontaires étrangers, brigades internationales avant l’heure, sont Italiens, Belges et Polonais. Mais il y a aussi des Espagnols, des républicains irlandais, des Hongrois, des Luxembourgeois, des Grecs et même quelques Arabes, Américains et Uruguayens.

En l’absence de documents précis, on ne connaît pas les nationalités de tous ces combattants étrangers. Mais nous savons qu’il y eut 1 725 étrangers arrêtés par les Versaillais, dont 737 Belges et 500 Polonais. Durant la semaine sanglante, le seul fait d’avoir un nom à consonance étrangère suffisait pour être collé contre le mur. Le Figaro appelle alors à l’extermination de tous les Polonais interlopes, tous les Valaques de fantaisie !

La solidarité révolutionnaire internationale

Lucien Combatz, peu connu, est pourtant l’archétype du combattant internationaliste. Né en 1835 en Savoie, donc citoyen piémontais, il fait partie des Chemises rouges dans la guerre du Tyrol contre les Autrichiens début 1866. À la fin de cette année, il débarque avec le corps garibaldien à Héraklion pour aider les insurgés crétois contre les Ottomans. Deux ans plus tard, il se bat avec les révolutionnaires aragonais. Il arrive en France au début de la guerre franco-prussienne. Il rejoint naturellement la Commune et en tant qu’officier des transmissions, il est nommé directeur des télégraphes de la Commune.

Quant aux volontaires polonais, on dit d’eux qu’ils furent les meilleurs généraux de la Commune. Jaroslaw Dombrowski (1836-1871) et Walery Wroblewski (1836-1908) ont participé tous deux à l’insurrection polonaise de 1863 contre les empires russe et Austro-hongrois. Le premier s’exile en Allemagne puis en France où il rejoint l’AIT. Il est à Lyon au début de la guerre franco-prussienne, puis rejoint la Commune en mars où il dirige la 12° légion, avant d’être nommé Commandant en chef de la place de Paris.

Il est tué sur la barricade de la rue Myrrha le 23 mai. Le second est exilé en France dès 1864. La Commune le nomme commandant des forts d’Ivry et d’Arcueil. Il sera un des derniers défenseurs de la Butte aux Cailles et de la Bastille. Exilé en Angleterre, il sera enterré au Père Lachaise.

Il y eut bien d’autres combattants étrangers à l’instar des généraux Okolowicz et Tchernomski ou encore des colonels Rozwadowski, Rogowski, Tomaszewski, Matuszewicz. La légion fédérale belge est commandée, elle, par le colonel Melotte mort au combat le 23 mai. Il y a aussi une poignée de Grecs garibaldiens venus de Crète et de l’Heptanèse, six officiers luxembourgeois, des Fenians irlandais, quelques Maghrébins combattants sous l’uniforme des zouaves, le colonel américain Block, le médecin militaire britannique William Johnson et des Italo-uruguayens.

Côté politique, l’anarchiste russe Mikhaïl Bakounine (1814-1876) prend l’hôtel de ville de Lyon le 28 septembre 1870, mais doit battre en retraite. De Suisse, il appellera ses partisans à défendre la Commune de Paris. L’autre Russe, la marxiste Élisabeth Dmitrieff, venue participer aux événements à la demande de Marx en personne, va galvaniser les femmes communardes. Citons aussi, le bijoutier juif hongrois, Léo Frankel (1844-1896), membre de la Garde nationale, élu membre du Conseil de la Commune dans le 13e arrondissement, membre de la Commission du travail et du commerce, puis des finances. Il pourra rentrer en France en 1890. Il est enterré au Père Lachaise. Quant à l’érudit syrien, Anys al Bitar, il s’occupera d’une partie de la Bibliothèque nationale. Bref, une tour de Babel révolutionnaire.

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération