La Commune de Paris n’a duré que deux mois et demi (18 mars-28 mai 1871), mais elle a profondément marqué les esprits. Ses origines viennent de la convergence de trois facteurs : militaire, politique et économique. Si Napoléon III, l’ennemi juré de Victor Hugo qui l’appelait « Napoléon le petit », a été le premier à donner quelques libertés au mouvement ouvrier naissant, ce n’est pas un fin stratège.
Le 21 juillet 1858, il signe à Plombières-les-Bains, dans les Vosges, l’accord secret avec Cavour sur la réunification italienne, qui aura bien lieu trois ans plus tard. Au passage, l’Empereur obtient la Savoie et le comté de Nice. Ce sera sa seule victoire diplomatico-militaire.
C’est alors qu’il se lance dans l’aventure mexicaine, envoyant un contingent de décembre 1861 à juin 1867 et y installant Maximilien de Habsbourg comme empereur. Le contingent français sera massacré et Maximilien fusillé !
Après ce désastre, il ne trouve rien de mieux que de déclarer la guerre à la Prusse, le 19 juillet 1870, alors que cette dernière a vaincu les Austro-Hongrois à Sadowa deux ans plus tôt. Napoléon III est fait prisonnier à Sedan le 2 septembre, il capitule sans condition et abdique.
Deux jours plus tard, les Parisiens proclament la République à l’Hôtel de Ville. Mais le 19, les Prussiens encerclent la capitale où la pénurie alimentaire et la pauvreté font leur apparition durant cet automne, suivi d’un hiver particulièrement rigoureux.
C’est là que la Commune va inscrire sa spécificité : libération nationale et sociale contre les Prussiens et leurs alliés français regroupés à Versailles sous le commandement d’Adolphe Thiers. D’autant qu’aux élections législatives du 8 février 1871, la France, majoritairement rurale, envoie 400 élus monarchistes partisans de la paix, contre 150 républicains favorables à la poursuite de la guerre. La nouvelle assemblée désigne Thiers comme chef du gouvernement, un orléaniste conservateur, partisan d’une monarchie constitutionnelle.
L’étincelle
Entre défaite militaire (perte de l’Alsace-Lorraine), famine et risque de retour de la monarchie, les Parisiens, viscéralement républicains, se souviennent de l’Armée de l’an II de 1792 et de la mobilisation pour défendre la patrie en danger. Mais l’avant-garde socialiste et une grande partie des travailleurs se souviennent aussi de la révolution de juin 1848 qui avait été la première à brandir le drapeau rouge, repris par les communards, face au bleu-blanc-rouge des Versaillais !
La capitale étant solidement équipée pour se défendre, tant en nombre d’hommes qu’en artillerie, les stratèges prussiens préfèrent tenir le siège plutôt que de faire entrer leurs troupes dans Paris, ne prenant pas le risque d’affronter une guérilla urbaine en terrain inconnu, d’autant plus que l’armée prussienne ne connaît rien à ce type de combat. Et ils assistent, à leur grand étonnement et plaisir, à une guerre civile franco-française. Bismarck laisse le « sale boulot » à Thiers, d’autant que ce dernier est focalisé sur le rêve de sa vie : l’unification allemande sous la houlette de la Prusse berlinoise.
Cent cinquante mille bourgeois parisiens quittent la capitale pour rejoindre le camp versaillais. Bon débarras pour les communards. Autant de bouches à ne pas avoir à nourrir. Le 18 mars, Thiers tente un coup de force en essayant de récupérer les cent canons installés sur la butte Montmartre. Le coup de main échoue et les deux généraux chargés de l’opération sont arrêtés et fusillés sur-le-champ. Mais les communards en armes ne sont guère que 30 000, face à 130 000 Versaillais. Le 21 mai les loups entrent dans Paris par la porte de Saint-Cloud. La Semaine sanglante commence. Le 27 mai dans l’après-midi, les derniers communards se battent au corps à corps entre les tombes du cimetière du Père-Lachaise. Les 147 derniers combattants de la Commune sont fusillés contre le mur d’enceinte de la division 76, dans le haut du cimetière, et leurs corps jetés dans une fosse commune creusée à l’endroit même du massacre.
Le 23 mai 1880, à l’appel de Jules Guesde, un premier défilé commémoratif, réunissant 25 000 personnes, a lieu devant ce mur désormais connu comme « le Mur des Fédérés ». Un second défilé sera beaucoup plus massif le 24 mai 1936, derrière Léon Blum et Maurice Thorez, avec 600 000 manifestants. Enfin le
14 novembre 1983, par décret, le mur est déclaré monument historique.
Chronologie du 2 septembre 1870 au 28 mai 1871
2 septembre : défaite de Sedan ; Napoléon III est fait prisonnier.
4 septembre : la déchéance de l’Empire est prononcée et la République proclamée. Les armées prussiennes avancent et on distribue des armes au peuple de Paris. La population parisienne se saigne à blanc pour payer, par souscription, les canons nécessaires à la défense de la capitale.
18 septembre : début du siège de Paris par les Prussiens.
5 janvier 1871 : le bombardement de la capitale commence.
28 janvier : après avoir connu la famine et quelques tentatives d’insurrection brutalement réprimées, Paris capitule.
8 février : à Bordeaux, une assemblée nationale, en majorité monarchique, est élue.
18 mars : Thiers fait converger des troupes vers Paris pour prendre les canons payés par les Parisiens. Ces derniers réagissent et deux généraux sont fusillés à Montmartre.
Le drapeau rouge flotte sur l’Hôtel de Ville.
28 mars : la Commune est proclamée.
21 mai : après deux mois de lutte contre l’encerclement de Paris par les Versaillais, aidés de 80 000 prisonniers libérés par les Allemands (après des tractations avec Bismark), la Commune agonise et les Versaillais entrent dans Paris.
22 mai : la capitale se hérisse de barricades ; c’est le début de ce que l’Histoire appellera la « Semaine sanglante ».
Paris est en feu et les Versaillais vont conquérir une à une toutes les barricades âprement défendues par les fédérés. Ils fusilleront, en général séance tenante, tous ceux qui sont réchappés de la bataille.
28 mai 1871 : le dernier combat aura lieu au cimetière du Père-Lachaise. Les fédérés survivants seront fusillés devant le mur d’enceinte, devenu depuis un lieu de rassemblement annuel. Les derniers coups de fusil des derniers combats furent tirés à Belleville, et en ce dimanche 28 mai 1871,
à 14 h, un grand silence annonce la fin de la Commune.
La répression est terrible : 13 440 condamnations sont prononcées, dont 270 à la peine capitale ; 26 seront exécutées. La majorité des fédérés condamnés sont déportés dans les bagnes en Nouvelle-Calédonie.