Les grandes grèves du XXe siècle

Histoire par Christophe Chiclet

Manifestation pour la défense de la Sécurité sociale le 7 décembre 1995.

Dans les souvenirs du mouvement ouvrier français deux dates demeurent irrémédiablement liées aux grands mouvements de grèves : 1936 et 1968. Mais il existe bien d’autres temps forts de la contestation sociale.

Bien malin celui qui saura prévoir le lieu, la date et l’ampleur d’un mouvement social, aimait à rappeler Marc Blondel. Et encore moins si l’incendie va se répandre avec force et vigueur.

Le premier grand mouvement du XXe siècle est sans conteste celui de 36. Le 3 mai 1936, le Front populaire gagne largement les élections. Mais, constitutionnellement, Léon Blum doit attendre un mois. Les ouvriers de Bréguet et Latécoère n’attendront pas car leurs dirigeants syndicaux venaient d’être licenciés pour avoir fait grève à l’occasion du 1er mai. Les 11 et 12 mai, les deux usines d’aviation sont occupées, une première dans l’histoire du mouvement ouvrier français. Le 14, la banlieue rouge entre dans la danse. Début juin le pays compte 6 millions de grévistes dans toute la France. Ce fut un des plus grands succès de la classe ouvrière.

En avril 1947, FO n’existe pas encore, mais les militants qui refusent la stalinisation de la CGT sont déjà regroupés autour « des Amis de Force Ouvrière ». Le PCF qui contrôle la CGT participe encore au gouvernement et impose une politique d’austérité en collaboration avec le patronat et le gouvernement. Le 26 avril, à l’appel notamment des « Amis de FO » ? les salariés de Renault se mettent en grève, rejoints rapidement par des milliers d’ouvriers, au grand dam des cadres staliniens. Ils obtiendront l’augmentation de salaire demandée.

Deux ans plus tard, la CGT-FO est née (congrès constitutif le 12 avril 1948) et commence à se structurer et s’organiser. C’est elle et elle seule qui lance le 25 novembre 1949 la grève interprofessionnelle pour obtenir l’ouverture de discussions sur les conventions collectives. Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître. Le 11 février 1950, la loi sur les conventions collectives est votée.

En 1963, FO est désormais bien ancrée dans le paysage syndical français. Chez les mineurs, les salaires sont bloqués depuis 1957. Le 29 janvier 1963, la fédération FO des mineurs lance un appel à la grève générale. Voyant la détermination des gueules noires, la CGT rejoint le mouvement du bout des doigts le 31. De Gaulle ne veut rien céder et réquisitionne les mineurs. Devant ce bide et l’inflexibilité de l’intersyndicale, le gouvernement accorde 11% d’augmentation de salaire le 4 avril.

L’INCONTOURNABLE GRÈVE

Alors que le pays connaît une prospérité inégalée, la répartition des richesses reste bloquée par le patronat. Le quotidien Le Monde écrit en avril 1968 « La France s’ennuie ». Il n’a pas vu que depuis fin mars les universités s’agitent et que des grèves dures commencent en province fin avril. Début mai, le mouvement prend de l’ampleur. Dans l’historiographie des événements, FO serait absente de ce grand mouvement de revendication. Il n’en est rien, à la base, dans les usines et les bureaux ce sont souvent des militants FO qui ont été à l’origine des occupations. Claude Jenet, ancien secrétaire confédéral, aimait à rappeler qu’avec ses camarades de Limoges, ils furent à l’origine de l’occupation de la préfecture. Le 13 mai, ils sont deux millions à défiler dans toute la France. Le 22 mai, le pays compte 8 millions de grévistes, deux de plus qu’en 36, pour finir à la fin du mois à quasi 10 millions. Le pouvoir cédera.

En novembre-décembre 1986, une nouvelle fois, les étudiants seront le fer de lance de la contestation. Le 4 décembre, ils seront 500 000 à défiler contre le « projet Devaquet » de sélection à l’université. Manifestation endeuillée par la mort du jeune Malik Oussekine sous les coups de policiers. Le projet sera retiré en catastrophe.

Moins de dix ans plus tard, en novembre-décembre 1995, c’est le « plan Juppé » sur la réforme des retraites et de l’assurance-maladie qui va fédérer les mécontentements. Il est d’usage d’entendre : FO lance la grève, la CGT la fait. En effet, FO a lancé la grève, mais elle en fut aussi le fer de lance pendant deux mois. Après être resté « droit dans ses bottes », le Premier ministre dut retirer son projet.

La nécessité que les salariés, actifs et inactifs, retraités, jeunes se mobilisent pour leurs droits et contre les projets qui les attaquent permet de gagner. C’est ce qu’ils feront, dès le 21 septembre 2019, date du rassemblement organisé par FO pour la défense de nos retraites.

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante