Actuellement devant le Sénat, le projet de loi Pacte doté de 70 articles et censé offrir une nouvelle étape dans la transformation économique de la France
selon le ministre de l’Economie, M. Bruno Le Maire est un plan d’action construit avec les entreprises
et pour les entreprises
se plait à indiquer le gouvernement.
Ce Pacte ambitionne de donner aux entreprises les moyens d’innover, de se transformer, de grandir et de créer des emplois et de faciliter leur transmission
. Il vise aussi notamment à démontrer la volonté de mieux financer les entreprises
.
L’organisation FO conteste la philosophie même du projet et ses modalités de conception. Ainsi constatait FO au printemps dernier les travailleurs ont été écartés de la préparation du projet de loi. Alors même que plusieurs des dispositions du projet concernent directement les travailleurs et le social, aucune concertation avec les organisations syndicales ne s’est tenue
. Pour FO, il s’agit donc surtout d’un Pacte conclu avec le patronat
et dans l’intérêt unique des entreprises
.
Privatisation en vue d’ADP, FDJ et Engie
Que contient ce projet fourre-tout ? Cela va d’une disposition pour la création d’une entreprise « en quelques clics » via une procédure dématérialisée à la suppression du stage obligatoire de préparation à la création d’une entreprise artisanale en passant par l’allègement et la simplification des obligations liés aux seuils d’effectifs dans les entreprises PME ou encore le relèvement des seuils de certification légale des comptes, la simplification des règles encadrant l’épargne retraite, la création d’un fonds pour l’innovation de rupture
doté de 10 milliards d’euros, la création de procédures pour faciliter aux chercheurs travaillant dans le secteur public un parcours leur permettant de créer ou participer à la vie d’une entreprise… Le projet propose aussi de développer l’actionnariat salarié dans les entreprises à capitaux publics, de supprimer (selon conditions) le forfait social (sur l’intéressement et l’épargne salariale) dans les entreprises, de renforcer la présence des administrateurs salariés dans les conseils d’administration des entreprises et étendre cette présence aux mutuelles, unions, fédérations… Le projet Pacte prévoit aussi des cessions de participations publiques.
Ce dernier point qui fait l’objet actuellement de vifs débats au Parlement signifie en fait que l’État vise à se désengager de ses participations dans trois entreprises publiques : Aéroports de Paris (ADP), la Française des jeux (FDJ) et Engie.
L’État comme simple régulateur ?
Pour le gouvernement si l’État (via l’agence de participation) détient des parts dans quatre-vingts entreprises et cela pour une valeur totale 100 milliards d’euros, il n’est nul besoin pour lui de demeurer au capital de ces entreprises. Dans certains secteurs d’activité, la régulation suffit à contrôler l’activité des entreprises sans nécessiter de présence à leur capital
explique ainsi le gouvernement ajoutant que la cession de parts dans les trois entreprises visées pour l’instant servira à alimenter, notamment, le Fonds pour l’innovation de rupture
. Par ailleurs dans le cadre de l’encouragement de l’actionnariat individuel, une partie du capital cédé par l’État sera proposée aux Français souhaitant investir dans les entreprises concernées
.
En octobre, lors de l’examen en première lecture du projet de loi, l’Assemblée avait adopté le principe des cessions dont ADP (l’État est actionnaire à 50,6% ce qui représenté un capital de neuf milliards). Lors de l’examen du texte par le Sénat, celui-ci s’y était opposé. Alors que le projet va revenir le 13 mars en deuxième lecture à l’Assemblée, la commission spéciale de l’Assemblée nationale sur la loi Pacte s’est prononcée ce 6 mars pour la privatisation d’ADP.
De leur côté, les syndicats d’ADP dont FO ADP contestent cette privatisation. Créé en 1947, ADP ex-établissement public détenu par l’État est devenu une société anonyme en 2005. La majorité du capital est restée détenue par l’État. Ce choix avait été décidé au vu du caractère stratégique et de la situation de monopole de l’entreprise
. Et ce caractère stratégique perdure souligne FO.
Gros risques sur l’emploi
Les salariés d’ADP rappellent aussi la bonne affaire qu’a déjà réalisée l’État. Avant l’introduction en bourse, en 2006, l’État détenait 100% d’une entreprise valorisée à 3,84 milliards d’euros. Entre 2006 et 2018, l’État actionnaire a engrangé 1,59 milliard d’euros en vendant ses actions à Schiphol, Vinci…, ainsi que 1,32 milliard d’euros de dividendes, soit au total 3,91 milliards d’euros. C’est plus que la valorisation d’ADP en 2006 !
Parallèlement, au fil des années, la situation de l’emploi dans l’entreprise s’est dégradée. En dix ans, les salariés ont subi trois plans sociaux. 2 000 emplois sur 8 000 ont été supprimés.
Le 7 mars, lors la commission examinant le projet de loi, les députés ont redit aussi leur approbation de la privatisation de la Française des jeux (FDJ) actuellement détenue à 72% par l’État et rétabli le texte initial. Les sénateurs s’étaient opposés à cette privation à l’automne.
La section FO des Casinos et cercles de jeux (relevant de la fédération des employés et cadres/FEC-FO) conteste notamment ce projet de privatisation de la FDJ en raison des risques qu’il fait courir pour les casinos et leurs salariés
. Ce projet donne carte blanche à Bercy pour décider seul et sans concertation sur l’activité des jeux en France, exposant à un véritable risque 60 000 emplois directs et indirects dans les territoires
.
FO demande que l’État renonce
Pour le syndicat FO obnubilé par la privatisation de la FDJ (1 500 salariés), le gouvernement semble ignorer que cette décision politique et budgétaire va aussi entraîner le bouleversement des équilibres entre les différentes filières des jeux
. Pour FO, le seul but
du projet de privatisation de la FDJ est de laisser les mains libres aux services de Bercy sur ce dossier, qui ne cherchent qu’à maximiser le profit tiré de la privatisation tout en protégeant leur pouvoir de décision maximal et exclusif sur la FDJ
.
Les sénateurs viennent d’accepter en revanche que l’État, via la prochaine loi PACTE, détienne moins de 33% de parts au capital du fournisseur d’énergie Engie. La fédération FO Énergie et Mines continue de son côté à demander au gouvernement de renoncer à cette privatisation, mais aussi de jouer tout son rôle dans le Conseil d’Administration de cette société dans l’intérêt du pays et des salariés, qui n’en peuvent plus face à la dégradation du climat social dans ce grand groupe français
.