Orano : grèves répétées pour une meilleure rétribution du rythme en 5x8

InFO militante par Fanny Darcillon, L’inFO militante

Les salariés postés en 5x8 du site d’Orano Recyclage à La Hague font grève le week-end depuis un mois et demi, afin d’obtenir une augmentation de la prime qui vient rétribuer ce rythme de travail épuisant.

Les 9, 10 et 11 juin ont marqué le quatrième week-end d’arrêt de la production sur le site d’Orano Recyclage à La Hague. Celui-ci, où travaillent 2800 salariés actifs, reçoit les combustibles usés sortant des centrales nucléaires EDF, sépare les matières réutilisables et conditionne les déchets en attendant une solution pérenne d’enfouissement. Au sein des deux usines concernées, UP2-800 et UP3, plus de 60% des salariés ont fait grève durant treize jours depuis un mois et demi. En cause, le refus de la direction d’Orano d’augmenter de 100 euros la prime liée au rythme posté en 5x8 (cinq équipes travaillant huit heures, en alternant deux matins, deux après-midis, deux nuits et quatre jours de repos), qui s’élève à 500 euros mensuels. Un rythme de travail qui empiète largement sur la vie privée, et dont les effets sur la santé (perturbations du sommeil et du système hormonal, risque accru d’hypertension et de maladies cardiovasculaires) sont bien connus.

Les salariés postés à l’initiative des grèves

Mettant en avant ses difficultés économiques, Orano – groupe auquel appartient Orano Recyclage, anciennement Areva – a conduit plusieurs restructurations cette dernière décennie, dont certaines ont eu un impact sur les effectifs de salariés en 5x8. Le projet « Convergence », dernier en date, prévoit la disparition de 132 postes par non-remplacement de départs à la retraite, ce qui vient s’ajouter à 65 suppressions d’emplois déjà annoncées. Ce projet représente une économie de 20 millions d’euros pour l’entreprise, précise Fabrice Mahieu, délégué syndical central chez Orano Recyclage. Naturellement, les postés qui sont les premiers à subir cette réduction d’effectifs demandent leur part du gâteau, au regard des efforts consentis.

Les jours de grève, essentiellement les week-ends et ponts du mois de mai, ont été choisis afin de ne pas pénaliser les salariés qui travaillent sous d’autres régimes horaires. C’est cette catégorie de salariés qui nous a demandé de porter leurs revendications précise le délégué. Aux dernières élections professionnelles chez Orano Recyclage, FO a obtenu plus de 28% des voix, et est même majoritaire à l’échelle du groupe Orano.

Deux à trois millions d’euros perdus chaque jour

Au nom de la sécurité des infrastructures nucléaires, environ 50% des salariés sont réquisitionnés les jours de grève, mais n’assurent que des missions de surveillance. Avec la direction locale, on a cru un moment qu’une solution serait trouvée, poursuit Fabrice Mahieu. Jusqu’au moment où la direction nationale a décidé de temporiser, craignant une contagion du mouvement au reste du groupe. L’impact financier de la grève est pourtant considérable pour l’entreprise, de l’ordre de deux à trois millions d’euros par jour selon le délégué. Une réunion prévue dans le cadre des négociations annuelles obligatoires (NAO) sur les salaires pourrait être l’occasion de déminer le conflit. Mais Fabrice Mahieu veillera à ce que ces discussions n’aient pas d’impact défavorable sur les négociations salariales des salariés non impliqués.

Le contexte économique national pourrait jouer en faveur des grévistes : en février dernier, l’exécutif a annoncé la construction de six nouveaux EPR nouvelle génération, tandis que huit autres sont en projet. On va avoir besoin de salariés et besoin de compétences, souligne Fabrice Mahieu. C’est un argument que la direction peut entendre.

L’attractivité du groupe en jeu

A l’échelle régionale, c’est l’attractivité d’Orano qui est en jeu, car le bassin d’emplois du Nord-Cotentin accueille deux autres grandes firmes : EDF et Naval Group, vers qui de plus en plus d’employés d’Orano se tournent. Autour de Cherbourg, on est quasiment en situation de plein emploi, témoigne Ken Belli, représentant FO à la Hague chez Orano DS, une autre filiale du groupe. Alors les salariés partent parce que l’herbe est plus verte ailleurs. Chez Orano DS aussi, le sentiment d’une trop faible reconnaissance attise le mécontentement. Dans un secteur du site appelé AD2, l’enveloppe d’augmentations individuelles n’a servi qu’à rétribuer des chefs de quart et des adjoints, mais aucun opérateur. FO a interpellé la direction à ce sujet, car cette décision renvoie un mauvais message : sur les 55 opérateurs de l’atelier, aucun n’a performé, regrette Ken Belli.

Le militant rapporte une impression générale dans l’entreprise de perte d’avantages année après année. Lorsqu’il a débuté dans le métier, un dispositif permettait aux salariés soumis aux rythmes horaires difficiles de partir à la retraite cinq ans plus tôt – reconnaissance de la pénibilité du travail qui a depuis été enlevée chez Orano DS. Le risque n’est plus payé, résume-t-il. Le sujet, c’est qu’on ne fait plus rien pour motiver et garder le salarié. Et dans le nucléaire, c’est même dangereux : si le salarié n’est plus motivé et a une moindre conscience professionnelle, les enjeux de sécurité sont plus importants qu’ailleurs.

Fanny Darcillon

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération