Panama Papers : prochain rendez-vous, début mai

International par Nadia Djabali

L’affaire des Panama papers révèle l’ampleur des failles du système de régulation international mis en place pour lutter contre les paradis fiscaux.

Il va y avoir du sport début mai. Le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) devrait publier la liste complète des noms (entreprises et individus) mentionnés dans les 11,5 millions de documents qui ont fuité du cabinet panaméen Mossack Fonseca. Le nom de dizaines de milliers d’entreprises sera mis sur la place publique, de quoi alimenter la machine médiatique pendant des semaines.

L’OCDE, tête de pont du G20 dans la lutte contre les paradis fiscaux

Une dimension de l’affaire reste cependant peu évoquée : celle des failles du système de régulation mis en place après le sommet de Londres d’avril 2009. Dans un contexte de crise financière aigüe, le G20 avait demandé à l’OCDE de divulguer publiquement une liste des paradis fiscaux et de renforcer le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements.

Fondé en 2000, ce Forum compte 125 membres et publie des évaluations des cadres juridiques et administratifs en matière de transparence et d’échanges d’informations fiscales. « Malheureusement, remarque Pierre Habbard, qui couvre les dossiers relatifs à la réglementation financière à la Commission syndicale consultative auprès de l’OCDE (TUAC), deux ans après le sommet de Londres, la liste noire de l’OCDE a été vidée. Le peu de sévérité des critères a permis à de nombreux États d’en sortir. »

Un système en deux phases

L’OCDE a abandonné son code couleur en 2011. « A la place, poursuit Pierre Habbard, le Forum pour la transparence effectue une revue par les pairs. » Un système qui permet aux pays membres du Forum d’apprécier le niveau de transparence fiscale et la capacité des services fiscaux des différents États à échanger des informations.

Les pays sont évalués sur deux phases. Phase 1, on vérifie, sur le papier, si les lois permettent aux autorités fiscales d’intervenir. L’évaluation du cadre juridique comporte dix standards dont certains sont plus importants. Notamment celui de la divulgation de l’information sur la propriété ultime d’actions ou de sociétés. Traduction : Le Forum regarde s’il est facile ou non de savoir qui se cache derrière les cascades de société écrans qui pullulent dans les paradis fiscaux. Si un État ne passe pas la phase 1, il est considéré comme un paradis fiscal non coopératif.

Pour la phase 2, des agents, dépêchés par le Forum dans les pays, vérifient si les mesures adoptées en faveur de la transparence et de l’échange des informations fiscales sont bien réelles.

Le Panama avait passé la phase 1

En tant que membre du Forum, le Panama a un certain nombre d’obligations. En février 2016, l’OCDE a regretté, dans un rapport remis au G20, que le Panama traîne des pieds pour signer le standard de l’OCDE sur l’échange automatique d’information. « Mais ce que ne dit pas l’OCDE, raconte Pierre Habbard, c’est que le Forum avait jugé satisfaisant le cadre réglementaire panaméen » alors que le pays ne respectait pas deux critères sur dix. En particulier celui de la « disponibilité de l’information. » Des réserves ont également été exprimées sur la transparence concernant la propriété effective des sociétés. Pour faire simple : impossible de transmettre aux services fiscaux le nom des propriétaires d’un compte offshore quand ce dernier est anonyme.

D’autres pays sont concernés

Le Panama n’est pas le seul pays à avoir passé la phase 1 sans avoir répondu à la norme de la « propriété effective. » Parmi eux, figurent certains pays de l’OCDE comme la Suisse, la Pologne ou la Turquie. Le TUAC constate que si 80% des territoires passés en revue par le Forum sont considérés comme conformes ou largement conformes à la norme OCDE, moins de 50% des territoires notés satisfont pleinement au critère concernant « la disponibilité des renseignements sur la propriété. »

La balle est dans le camp des États

L’OCDE a donc encore du chemin à faire mais est limitée par un mandat non contraignant. Elle est cantonnée au naming and shaming (nommer et montrer du doigt). L’ampleur de la tâche est titanesque. « C’est pour ça que FO doit continuer de travailler sur ces questions, remarque Pierre Habbard. Elle le fait de manière très active avec l’ensemble du mouvement syndical français et les ONG. » La balle est donc dans le camp des États et des grands ensembles régionaux tels que l’Union européenne qui ont la capacité d’identifier une liste de pays qui pourraient être exclus des accords commerciaux ou d’investissements et des programmes d’achat publics. Mais l’adoption, le 13 avril 2016, de la directive sur le secret des affaires n’invite pas à l’optimisme.

Nadia Djabali Journaliste à L’inFO militante