L’affaire des pauses pipi chez Pro BTP, caisse de retraite et de prévoyance du secteur du bâtiment qui emploie quelques 3 500 salariés dans toute la France, prend un tour de plus en plus ubuesque. Depuis le 1er avril 2022, selon une note annexée au règlement intérieur, les salariés ont l’obligation de débadger dès qu’ils prennent une pause, quel qu’en soit le motif : un passage aux toilettes, un temps d’échange avec les collègues, une cigarette… La direction leur accorde un temps de pause rémunéré de 10 minutes par jour. Au-delà de cette durée, les interruptions de travail sont décomptées du temps de travail, donc du salaire.
Sébastien Guerre, délégué FO sur le site de Nancy en Meurthe-et-Moselle, avait été le premier à monter au créneau pour dénoncer cette disposition qui concerne aussi les pauses dites « physiologiques », et exiger son retrait. Le militant avait médiatisé l’affaire qui avait fait grand bruit, d’autant plus dans un organisme à but non lucratif.
FO, premier syndicat sur le site de Nancy et deuxième dans l’ensemble du groupe, avait également alerté plusieurs inspections du travail correspondant à divers établissements du groupe. Ces dernières ont depuis rendu des décisions donnant raison à FO. Que ce soit pour des raisons physiologiques ou pathologiques, pour certaines personnes, une pause de 10 minutes par jour est insuffisante
, souligne ainsi dans un courrier daté du 29 avril 2022 une inspectrice du Travail de Bordeaux, qui juge la nouvelle règle outrancière et déplacée
.
Faire respecter la dignité des salariés
Comme l’inspection du travail du Val-de-Marne, elle rappelle que selon le code du travail, les salariés peuvent être légalement contraints de débadger pour des pauses dès lors qu’ils vaquent librement à des occupations personnelles.
Mais l’inspectrice précise qu’il ne saurait être accepté que les salariés soient contraints de débadger pour satisfaire des besoins essentiels : aller simplement se chercher à boire (à distinguer des pauses café), pauses physiologiques, mesures d’hygiène de base et celles liées à la crise sanitaire.
Elle dénonce une mesure attentatoire aux libertés individuelles voire à la dignité du salarié
et discriminatoire en raison de l’état de santé
. En conclusion, elle demande à la direction de l’établissement de Floirac, en Gironde, de procéder au retrait ou modifier cette note de service
.
Si la disposition est toujours officiellement en vigueur dans le groupe selon Sébastien Guerre, le directeur général se serait engagé à être bienveillant
quant au contrôle de ces pauses et la situation semblait apaisée.
Mais nous venons d’apprendre par voie de presse que notre Directeur général, ancien conseiller de François Hollande, a saisi le ministère du Travail pour casser les décisions des inspections du travail, il en fait une affaire personnelle, il n’en a même pas informé les syndicats
, raconte le militant FO. Selon le média Tripalio, le P-DG aurait en effet envoyé un courrier au ministère le 21 février dernier pour un recours hiérarchique
contre les décisions prises par trois Dreets. En retour, le syndicat FO de Pro-BTP vient de saisir la confédération FO pour lui demander d’intervenir également au niveau du ministère du Travail de manière à ce que la dignité des salariés soit respectée
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