[Peinture] Une deuxième vie pour Rosa Bonheur

Culture par Christophe Chiclet

Rosa Bonheur dans son atelier (1893). George-Achille Fould / Public domain

L’ancien domaine de la peintre animalière est totalement ouvert au public à Thomery en Seine-et-Marne [1]. Une sorte de réhabilitation de cette artiste libre, chantre du féminisme, à tort injustement oubliée.

Dans nos colonnes nous avions présenté des artistes femmes et les difficultés qu’elles ont rencontrées pour se faire une place dans ce monde d’hommes (peintres, sculpteurs, galeristes, marchands d’art…) [2]. On a beau être peintre avant-gardiste, bien souvent on considère la femme comme un simple modèle, au mieux comme une muse, mais très rarement comme un alter ego en atelier.

En son temps, Rosa Bonheur est bien plus connue, plus célèbre et plus chère que des Monet ou des Renoir ! Elle est née le 16 mars 1822 à Bordeaux. Son père Raymond est peintre et professeur de dessin. La famille s’installe à Paris en 1829 où le père rejoint un « couvent » de Saint simonien, abandonnant un temps sa famille. À la mort de sa mère, la jeune Rosa devient apprentie couturière. Pris sans doute de remords, Raymond la prend dans son atelier et lui apprend dessin et peinture. La jeune fille a l’œil et le coup de pinceau facile. Fascinée par les bêtes, elle pense que ces dernières ont une âme et elle le montrera à travers leurs regards. Elle obtient la médaille d’or du Salon de 1848 pour son « Bœufs et taureaux, race du Cantal », puis en 1855 pour « Fenaison en Auvergne ».

La femme indépendante

Pour peindre ses modèles, Rosa Bonheur demande et obtient une « permission de travestissement » délivrée par la préfecture de Paris, renouvelable tous les six mois, pour pouvoir fréquenter les foires aux bestiaux et monter à cheval. En effet, à l’époque les femmes n’étaient pas libres de leur habillement ! C’est ainsi que déguisée en maquignon, elle va croquer avec dextérité veaux, vaches, cochons… Son œuvre fait un tabac, à tel point que dès 1856 toute sa production est vendue à l’avance. C’est même la première peintre qui, de son vivant, voit le marché de l’art spéculer sur ses tableaux. Le milliardaire américain Vanderbilt achète son « Marché aux chevaux » 268 500 francs-or.

Amie de Buffalo Bill depuis leur rencontre à l’exposition universelle de Paris, elle est encore plus connue aux Amériques qu’en France. En 1865, elle est la première artiste à devenir chevalier de la légion d’honneur et en 1894, la première femme à accéder au grade d’officier dans cette distinction. Avec tout cet argent, elle achète et s’installe au château de By, à Thomery, non loin de Fontainebleau. Elle y vivra avec Nathalie Micas, puis avec la jeune peintre américaine Anna Klumpke qui héritera du château à la mort de Rosa, le 25 mai 1899. La demeure sera mise en vente en 2014 pour 2,5 millions d’euros. Il sera finalement acheté et 2017 par Katherine Brault, qui va en partie l’ouvrir au public en juin 2018, puis la restaurer petit à petit. Ce qui fait que désormais, le public peut en admirer beaucoup plus qu’auparavant. Cette grande féministe a gardé ses admirateurs qui en 2005 ont fondé une association, « Les amis de Rosa Bonheur » [3].

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante