Quatre ans de procédure pour le « vol » d’un parapluie cassé

Cour de Cassation par Nadia Djabali

Une salariée accusée d’avoir dérobé un parapluie cassé a été licenciée pour faute. Épaulée par l’Union départementale FO de l’Ain, elle obtient gain de cause au Prud’hommes puis en appel. Mais l’employeur s’acharne jusqu’à la Cour de cassation.

Surréaliste pourrait bien être le maître mot de cette affaire. Le 13 juillet 2016, la Cour de cassation a mis un terme à quatre ans de procédure : Jugement des Prud’hommes de Bourg-en-Bresse, le 7 juin 2013. Puis, deux ans plus tard, décision de la chambre sociale de la Cour d’appel de Lyon. Et enfin ce jugement de la Cour de cassation.

L’affaire débute en mai 2012 lorsqu’une salariée de l’Office public de l’habitat de l’Ain (Dynacité) est licenciée pour faute grave. Que lui reproche son employeur ? D’avoir volé un parapluie à une de ses collègues.

Entretien préalable et mise à pied conservatoire

Temps pluvieux dans l’Ain en avril 2012. Élodie [1] s’apprête à regagner son domicile. Elle aperçoit un parapluie en mauvais état dans le sas d’entrée de son travail. Pensant qu’il est abandonné, elle le prend, le temps d’affronter les éléments, pour ensuite le mettre à la poubelle pour cause de baleines défectueuses.

Durant deux semaines, rien ne se passe au travail. Personne ne fait état d’un parapluie volé. Jusqu’à ce qu’elle soit convoquée pour un entretien préalable de licenciement avec mise à pied conservatoire. La mise à pied laissant augurer une faute grave ou lourde. C’est au cours de l’entretien qu’Élodie apprend que son employeur lui reproche d’avoir dérobé un parapluie. Elle propose alors d’en racheter un mais son employeur ne veut rien entendre.

Sans cause réelle et sérieuse

Sous le choc, elle se tourne alors vers l’UD de l’Ain qui lui conseille de saisir les Prud’hommes. Assistée par Fanny Arnault, déléguée syndicale FO, elle obtient gain de cause. Le Conseil des Prud’hommes déclare son licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il lui accorde la plupart de ses demandes indemnitaires, tant pour son préjudice moral lié au contexte vexatoire de la rupture, que celui financier et professionnel lié à la perte de son emploi.

L’affaire aurait pu s’arrêter là mais l’Office public de l’habitat de l’Ain décide de faire appel de la décision. La cour d’Appel de Lyon déboute à son tour l’employeur qui se pourvoi en cassation. La cour de cassation siffle la fin des hostilités le 12 juillet 2016 en rejetant le pourvoi de Dynacité.

Tout n’est pas encore permis

À l’UD de l’Ain, c’est le soulagement. Mais malgré cette victoire, les dégâts sont là. Élodie demeure très affectée par cette affaire et n’a toujours pas retrouvé d’emploi à durée indéterminée.

« Cette affaire est malheureusement un nouvel exemple dans lequel un employeur outrepasse son pouvoir disciplinaire, se désole-t-on à l’UD de l’Ain. Il met en œuvre une décision dénuée de morale et de proportionnalité vis-à-vis du salarié, quel qu’en soit l’impact sur la vie de ce dernier. »

À Bourg-en-Bresse, les militants FO ne peuvent s’empêcher de mettre cette affaire en résonance avec les reformes actuelles qui rendent progressivement le droit du travail plus flexible et accroissent la marge de manœuvre des employeurs. La décision de la Cour de cassation les rassurent tout de même : « Nous ne pouvons que nous satisfaire de ce fragile garde-fou qui rappelle que tout n’est pas (encore) permis à l’employeur… »

Nadia Djabali Journaliste à L’inFO militante

Notes

[1Le prénom a été changé à la demande de la salariée qui souhaite garder l’anonymat.

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