La foule n’a pas de légitimité
jugeait le président de la République, Emmanuel Macron le 22 mars au cours d’une intervention télévisée... En tout cas, depuis le mois de janvier, date du début de la mobilisation contre les retraites, la foule ne cesse de grossir. Le 23 mars, ce sont ainsi plus de trois millions de personnes, -des actifs, des jeunes, des retraités- qui dans plus de 300 cortèges et pour la 9e journée de mobilisation, ont défilé sur tout le territoire, à Paris (800 000 manifestants) et en province. Plus de trois millions ont ainsi répondu à l’appel de l’intersyndicale composée de huit organisations de salariés et de cinq organisations de jeunesse. Alors sauf à penser que les syndicats, autrement appelés interlocuteurs sociaux, n’ont rien de légitime...
Et c’est sans parler des grèves, nombreuses, massives depuis des jours et particulièrement ce 23 mars dans quasiment tous les secteurs professionnels. Des sites industriels, dont énergétiques, à l’arrêt et bloqués, des établissements scolaires et universitaires fermés et bloqués, des ports aux accès fermés et bloqués, des axes routiers avec leurs opérations escargots, des ronds-points occupés, des nombreux barrages filtrants, des transports (rail, routiers, urbains et interurbains, aérien) plus que perturbés
... Ce 23 mars, cette foule de manifestants et de grévistes a demandé une fois de plus que l’exécutif entende sa demande : le retrait de la réforme adoptée à coup de 49.3, donc sans vote du Parlement, le 16 mars.
Cette réforme, qui fait actuellement l’objet de recours devant le Conseil constitutionnel, porte à 64 ans l’âge légal de départ en retraites et prévoit une accélération du calendrier concernant l’allongement de la durée de cotisation (réforme Touraine).
Une réforme illégitime
Les travailleurs et notamment les camarades FO se sont élevés contre ce projet de réforme injuste et brutal
rappelait le 23 mars le secrétaire général de FO dans le cortège parisien. Et nous
considèrons que la réforme (passée de force via un projet de loi de finances rectificative/PLFRSS, Ndlr) est illégitime
. Tant le caractère massif des cortèges sur tout le territoire et une fois de plus en province dans les petites ville et celles de taille moyenne, ( 10 000 à Laval, 2 000 à Avranches, 17 000 à Montauban, 13 000 à Metz, 8000 à Annecy, 15 000 à St-Nazaire, 2 000 à Clisson, 3 000 à Aurillac, 14 000 à Reims, 40 000 à Caen, 55 000 à Grenoble,....) que le nombre élevées d’actions montrent la détermination sans faille à lutter contre cette réforme.
Il n’y a que par la mobilisation et la grève qu’on obtiendra le retrait
insistait Frédéric Souillot.
Le président dit La colère est légitime mais il y a systématiquement recours aux forces de l’ordre. Un recours disproportionné. Et comparer trois jeunes qui brûlent des poubelles à des factieux où faire référence à ce qui s’est passé aux États-Unis au Capitole... C’est inadmissible
.
Depuis cette utilisation du 49.3 et le rejet des deux motions de censure dont l’une à 9 voix près, la colère est montée encore d’un cran dans les rangs des travailleurs. Et en ce qui les concerne, et les jeunes sont de plus en plus engagés dans des manifestations journalières, spontanées.
Quant aux propos tenus par le chef de l’État la veille de ce nouveau temps-fort du 23 mars, ils ont agi comme l’huile sur le feu. Dans les cortèges, à Paris comme en province, nombreux manifestants, par leurs slogans et leurs banderoles, ont ainsi stigmatisé plus durement encore que lors les précédentes journées d’actions, le mépris
montré par l’exécutif, notamment en focalisant sur celui du président de la République à l’égard des travailleurs et plus largement des citoyens.
Mépriser les gens, leur mentir, réécrire l’histoire et ensuite leur dire, venez quand vous voulez, on vous accueille... Non, ça ce n’est pas possible !
Actifs, jeunes, retraités ont beaucoup réagi ce 23 mars aux propos d’Emmanuel Macron. Les représentants des organisations syndicales aussi. Pour FO, Frédéric Souillot pointait ainsi les contre-vérités
dans la parole présidentielle. Emmanuel Macron expliquait par exemple le 22 mars en substance que la réforme est nécessaire car ses prédécesseurs n’ont procédé à aucune réforme.
D’après lui, ils ont mis la poussière sous le tapis... Alors que des réformes des retraites, il y en a eu ! Sous Chirac, sous Sarkozy, sous Hollande
.
Lors de cet interview encore, le souhait déclaré du chef de l’État de voir les organisations syndicales retrouver rapidement le chemin des discussions, a produit aussi son effet de sidération et de colère. D’autant que l’exécutif a joué le silence radio depuis deux mois. Et qu’à la lettre adressée début mars à Emmanuel Macron par l’intersyndicale qui demandait à être reçue en urgence, celui-ci a répondu le 10 mars par une fin de non-recevoir. Mépriser les gens, leur mentir, réécrire l’histoire et ensuite leur dire, venez quand vous voulez, on vous accueille... Non, ça ce n’est pas possible !
, réagissait sévèrement Frédéric Souillot.
Alors on verra !
Il n’est pas question que les travailleurs payent la facture du Quoi qu’il en coûte
Et d’autres propos tenus par le chef de l’État -qui fait de la période covid et de ses perturbations sur le monde du travail une des causes du mécontentement actuel- font réagir eux aussi vivement. Pour le secrétaire général de FO, il n’est pas question que les travailleurs payent la facture du Quoi qu’il en coûte. Lorsque nous demandons une conditionnalité obligatoire des aides publiques aux entreprises, pour l’exécutif il ne faut surtout pas en parler ! Quand le président a évoqué lors de son interview les grandes entreprises qui font des bénéfices et rachètent leurs actions, on sait de qui il parle : Total Energies et Sanofi. Et les deux bénéficient du crédit impôt recherche, sans compter les aides publiques...
Au total, elles ont déjà bénéficié de plusieurs milliards d’euros.
Alors que le président -qui ne se remet jamais en question
pointe Frédéric Souillot-
veuille faire cette réforme des retraites pour avoir une bonne note de la part des agences de notation (notations à l’échelon international censées apprécier la tenue de la France vis-à-vis des marchés, sa crédibilité en termes de capacité d’emprunt et dans l’objectif d’obtenir des taux bas, Ndlr).... J’espère que sa note a été bonne mais nous on ne veut toujours pas de cette réforme !
Et alors que les entreprises, qui affichent particulièrement leurs bénéfices confortables depuis la sortie de la crise covid, ne sont contraintes en rien quand elles reçoivent des aides publiques, les travailleurs, eux vivent une tout autre situation. Les propos du chef de l’État soulignant les améliorations –qu’il place sur le terrain salarial- qui ont eu lieu depuis sa présidence –citant par exemple la revalorisation de la prime d’activité ou encore de prestations sociales- ne passent pas non plus.
Tout cela n’est pas du salaire, appuie Frédéric Souillot. Et s’il veut acter une hausse des salaires, que l’exécutif commence par augmenter les salaires de la fonction publique et qu’il applique un coup de pouce au Smic et non juste la revalorisation du Smic par rapport à l’inflation. Or, aussi, on continue à écraser toutes les grilles de salaires et ça semble bien convenir à l’exécutif
.
L’évocation aussi par Emmanuel Macron le 22 mars, d’une sorte de lourdeur des lois en tant que méthode pour mener à bien des projets – sous-entendu décrets et ordonnances pourraient être privilégiés -, est aussi source de critiques. Dire aux parlementaires, il y a trop de lois, c’est se mettre maintenant le parlement à dos. Et déjà le gouvernement ne disposait pas d’une majorité sûre au parlement et c’est pour cela qu’il y a eu un 49.3. Quand on veut aller au vote, il faut ne pas avoir peur de perdre ! Si le projet de réforme de l’exécutif avait été bon il n’aurait pas eu peur de perdre et un 49.3 n’aurait pas été déclenché !