Renault : les chemins flous de Choisy à Maubeuge

Industrie par FO Métaux, Michel Pourcelot

© Pascal SITTLER/REA

La fermeture annoncée du site Renault à Choisy-le-Roi s’effectuera sans souffrances sociales, selon le président du groupe français. FO Métaux qui veillera à ce qu’il en soit bien ainsi pour les 260 salariés, s’inquiète quant à la déclinaison encore très floue du plan d’économies de deux milliards d’euros en trois ans annoncé par le fleuron de l’automobile française.

Les salariés de Renault à Choisy-le-Roi (Val-de-Marne) sont en grève reconductible depuis le mardi 2 juin 6h du matin à l’appel d’une intersyndicale dont fait partie FO. Ils ont bloqué les accès au site. Quelques jours auparavant, le 29 mai, à la veille du week-end de la Pentecôte, les salariés avaient appris officiellement la fermeture de leur usine et le transfert de son activité (recyclage, économie tertiaire) vers Flins (Yvelines), à une soixantaine de kilomètres de là.

Le 3 juin, à l’issue d’une manifestation spontanée des salariés dans Choisy-le-Roi, Laurent Smolnik, secrétaire fédéral de FO Métaux chargé de l’industrie automobile, et Brahim Hachouche, délégué syndical central (DSC) adjoint, salarié à Choisy, ont obtenu d’être reçus avec une délégation le 4 juin à Bercy par le directeur de cabinet du ministre de l’Economie.

Mais on ne s’attend pas à un coup de baguette magique, confie Laurent Smolnik, pour qui tout cela va être très difficile et entraîner un gros travail d’accompagnement et de reconversion. En effet, explique-t-il, peu de salariés veulent aller à Flins, située à une bonne heure et demie de route, et même plus pour certains…

A Choisy, l’un des objectifs de la grève était aussi de pouvoir rencontrer des représentants de la direction. Cela a été chose faite le 4 juin, l’adjoint de la directrice générale et, entre autres, le directeur fabrication et logistique du Groupe Renault s’étant déplacés. Sans toutefois qu’il en sorte grand-chose constate Brahim Hachouche, les décisions concrètes devant être dévoilées lors du CSE du 16 juin prochain.

Quoi qu’il en soit, à l’assurance par le président du groupe Renault, le 29 mai, qu’il n’y aurait pas de licenciements secs ni de souffrances sociales, tout devant se passer sur la base du volontariat, il a été répondu : C’est la promesse de la direction, ce sera le combat de FO Métaux !.

Développement durable

Alors que beaucoup sont venus travailler pendant le confinement, les salariés de Choisy sont dans l’incompréhension la plus totale. Leur usine, un site historique datant 1949 et la seule à devoir fermer dans le cadre du plan d’économie, est rentable et citée comme modèle pour la transition écologique de l’économie française. Elle recycle chaque année des dizaines de milliers de moteurs. Elle s’est même vue décerner, en 2014, le trophée de « l’Economie Circulaire » par le ministère de l’Ecologie et du Développement durable. Ce qui en fait l’une des vitrines de l’engagement environnemental du groupe, souligne Brahim Hachouche.

Le « flou total »

Les salariés de Choisy-le-Roi attendent des réponses de la part de la direction afin de justifier le transfert de leur activité à l’usine de Flins, a souligné FO-Renault. Choisy pourrait bien être une victime collatérale de la restructuration engagée par Renault et visant en particulier Flins, dont l’activité d’assemblage apparaît menacée à terme, estime Laurent Smolnik. Il dénonce ainsi le flou total entretenu par le constructeur automobile quant à son plan de restructuration et de réduction des coûts : à part Choisy, on a aucun détail, même pas sur l’Europe. On ne sait pas si le projet est vraiment acté, s’il y a encore de l’espoir ou non, déplore de son côté Brahim Hachouche. Depuis l’annonce, le 14 février dernier, de pertes historiques pour le constructeur, la plupart des informations sont venues des média. Pour Laurent Smolnik, le problème se situe plus du côté de l’affectation de la construction de modèles rentables à des usines situées hors de France (Slovaquie, Turquie, Maroc…), laissant les sites français en surcapacité.

Le rôle de l’État actionnaire

Le gouvernement a bien émis des velléités en matière de relocalisation suite à la crise sanitaire mais jusqu’ici l’État actionnaire de Renault (15%) ne s’était guère montré vigilant quant à la politique industrielle du constructeur, notamment sa course au volume. Après l’annonce par Renault de la suppression en France de quelque 4 600 emplois, il arrive bien tardivement avec sa garantie d’un prêt de cinq milliards signée le 2 juin avec à la clé un maintien de l’emploi, du moins jusqu’en 2023, sur le site de Maubeuge. Les salariés de cette usine ont repris le travail le 4 juin après s’être mis en grève le 29 mai, inquiets d’une possible fusion avec le site de Douai.

Quant à la secrétaire d’État à l’Economie, elle a déclaré le 3 juin que l’État accompagnait Renault dans une des plus graves crises de son histoire mais qu’il fallait accepter qu’il y ait une partie de restructurations. Pour FO Métaux, l’automobile est certes au cœur de transformations historiques et doit faire face à des défis qui nécessitent d’aménager des mutations structurelles mais, cela doit se faire avec plus de justice et de cohésion sociale : la seule question qui vaille c’est de prendre en compte la réalité et proposer des solutions pour le maintien des sites en France et garantir nos emplois, ceux d’aujourd’hui et de demain.

 

FO Métaux Métallurgie

Michel Pourcelot Journaliste à L’inFO militante

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