Retraites : une conférence IRES/AJIS se penche sur le financement du système

Les articles de L’InFO militante par Ariane Dupré, L’inFO militante

Le 11 juillet, lors d’une matinée organisée par l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires) et l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis), économistes et interlocuteurs sociaux ont livré leurs analyses sur un système de retraites manquant surtout de financement, et évoqué les solutions possibles pour y remédier. Frédéric Souillot, secrétaire général de FO, a rejeté toute forme d’ouverture à la capitalisation. Et a par ailleurs rappelé son opposition à toute tentative de désindexer les pensions des retraites. Quatre jours plus tard, dans le cadre d’une année blanche sur les dépenses publiques, le Premier ministre a annoncé un gel des pensions.

Au nom de la baisse des dépenses publiques, le système de retraites fait l’objet de réformes constantes depuis 30 ans en France. Mais le système souffre surtout d’un manque de recettes. D’où vient ce besoin de financement ? Et quels seraient les leviers de financement ? Le 11 juillet à Paris, l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires) et l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis) se sont penchés sur ces questions, lors d’une matinée réunissant économistes, chercheurs, organisations patronales et syndicales. Représentant près de 14 % du PIB, les retraites constituent la première dépense sociale en France. C’est une composante majeure du contrat social. Il y a un fort attachement des Français au système des retraites a rappelé d’emblée Frédéric Lerais, directeur de l’IRES.

Trop peu de hausse de cotisations

Si les dépenses pour les retraites (13,9 % du PIB aujourd’hui) augmenteraient peu à l’avenir (14,1 % en 2045 et 14,2 % en 2070 d’après les hypothèses du COR), les ressources diminueraient pour passer de 13,9 % du PIB en 2024 à 12,8 % en 2070. Il y a eu peu d’actions pour agir sur les ressources de l’assurance vieillesse. Pour les salariés, le taux de cotisation retraite est resté stable depuis la fin des années 1990. Et le taux de cotisation patronale, lui, a diminué très fortement. Il y a bien eu des mesures pour diversifier les ressources, notamment des transferts croissants en provenance de la branche famille vers l’assurance vieillesse. Mais l’essentiel de l’action s’est concentré sur des réformes qui ont augmenté l’âge de départ à la retraite et fait baisser le niveau des pensions. Elles ont évité tout relèvement des cotisations retraite a pointé Antoine Math, économiste à l’IRES. Une politique qu’il désapprouve : On peut penser que des hausses de cotisations se justifie, compte tenu de la particularité de l’assurance-retraite, constituée de droits contributifs assises sur des cotisations sociales. La hausse des cotisations est un peu une diabolisation, mais les Français adhèrent fortement à ce salaire différé. Toutes les études le montrent : les salariés préfèreraient que leurs cotisations augmentent, plutôt que d’avoir une baisse de pension ou un recul de l’âge de départ à la retraite.

La dérive des exonérations de cotisations

A l’instar de FO qui l’a indiqué souvent, Antoine Math a souligné le problème des cotisations non compensées qui plombent le système des retraites. Entre 2018 et 2023, la Sécurité sociale dans son ensemble a perdu 8,1 milliards d’euros de recettes, dont plus de 60 % impactant l’assurance vieillesse, en raison de réductions de cotisations sociales non compensés sur les compléments de revenus. Il faudrait peut-être s’atteler à réfléchir à cette dérive des exonérations de cotisations a souligné l’économiste. Le problème des exonérations de cotisations sociales, lesquelles privent les régimes de retraite de ressources, a été également soulevé par certaines organisations syndicales. S’opposant aux réformes de retraite subies par les salariés, FO défend depuis longtemps de revoir le système des exonérations de cotisations et de poser une conditionnalité à l’octroi des aides publiques aux entreprises. Tous dispositifs confondus, elles auraient atteint 211 milliards d’euros en 2023, selon un récent rapport de la commission d’enquête du Sénat.

Et toujours la réduction des dépenses…

Côté financement des retraites, améliorer le taux d’emploi des seniors pourrait aussi apporter des recettes au système, ont fait valoir certains experts. L’emploi des séniors devrait aussi gagner en poids dans l’économie. Selon les estimations, l’emploi des seniors pourrait rapporter entre 3 et 5 points de PIB. C’est un véritable enjeu à la fois pour les ressources du système des retraites, mais aussi sur le plan économique a souligné Olivier Redoulès, directeur des études de Rexecode, institut proche du patronat.

Pour l’économiste Michaël Zemmour, le problème des ressources des retraites tiendrait plutôt à l’État : Il suffirait de maintenir le niveau actuel des ressources publiques pour qu’il n’y ait pas de déficit du système des retraites a-t-il assuré. Or, ce n’est pas le cas, l’État ayant développé les primes pour des fonctionnaires (et non accordé des mesures générales, Ndlr), primes qui ne comptent pas dans leur retraite. C’est un moyen de réduire les dépenses, en ayant moins de retraites à payer. De son côté, le secrétaire général de FO, Frédéric Souillot, a fait remarquer que le système des retraites par répartition, assis sur les cotisations salariales et patronales, souffrait aussi d’un détournement d’une part des impôts (CSG, CRDS) qui devrait lui revenir : Si ces impôts étaient correctement fléchés vers les retraites, il n’y aurait pas de perte au feu !.

Les retraités, qu’on leur foute la paix !

A cette occasion, Frédéric Souillot a rappelé la franche opposition de FO à toute forme de capitalisation des retraites pour dégager des économies, une idée défendue par le patronat de la CPME à la tribune. Le secrétaire général de la confédération a fait par aussi de l’opposition de FO à la mise à contribution des retraités au redressement des comptes publics : Les retraités, qu’on leur foute la paix ! a-t-il lancé, en réponse au gel des pensions de retraites en 2026. Une annonce faite par la suite par le Premier ministre lors de son exposé, le 15 juillet sur les axes budgétaires pour 2026.

Ariane Dupré Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération