Treize jours de grève, à se retrouver chaque jour sur le parvis des thermes Callou de Vichy, de 6h du matin à 19h. C’est ce qu’ont vécu la soixantaine de salariés, majoritairement des femmes, des thermes de Vichy. Cette mobilisation, du 16 juin au 28 juin, dépasse le cadre de l’établissement. Car les deux établissements des thermes (Dômes et Callou) ont été fermés et c’est toute la ville de Vichy qui a été impactée.
Tout démarre des NAO qui se sont terminées en mai. Après une revendication de hausse salariale de 10%, les salariés, pour aboutir rapidement, revoient leur demande. Nous demandions une augmentation salariale de 5 % pour tous
, explique Fabienne Belin-Jeannin, déléguée syndicale FO. La majorité des employées, dont certaines enchaînent les CDD, sont au Smic, avec un salaire horaire minimal de 11,52 euros brut. 5 %, cela représentait pour elles un « gain » de 57 centimes d’euros. La direction leur a refusé. Elle pinaille concernant nos revendications, excluant toujours telle ou telle catégorie de salariés, notamment ceux aux faibles salaires
, s’indigne la déléguée.
Toujours plus de rendement…
Face à ce mépris manifeste de la direction, le mécontentement n’a cessé d’augmenter chez ces salariées exerçant le métier consistant à prendre en charge les curistes. Métier, très féminisé. D’autant qu’une enquête sur les risques psycho-sociaux a été faite il y a à peine 3 mois. On nous alertait des burn-out et des départs, mais aussi des arrêts maladies… Autant de signes qui montrent un mal-être au travail
souligne Fabienne Belin-Jeannin. Ce refus de revalorisation salariale, plus que nécessaire, qui plus est en ces temps d’inflation, n’a fait qu’attiser le mal-être.
Après le rachat en 2021 par le groupe France Thermes de la Compagnie de Vichy, exploitant historique des thermes pour le compte de la Ville de Vichy, l’arrivée au domaine thermal de la nouvelle direction a entraîné la réorganisation des protocoles des soins. De 22 minutes pour une prise en charge de deux curistes, la direction exige désormais que cela soit fait en 20 minutes… Ce qui signe bien sûr une dégradation des conditions de travail. Les salariées évoquent un management inhumain, un travail qui perd son sens, et un manque énorme de reconnaissance, financière et professionnelle, énorme.
Le rapport de force établi par treize jours d’une grève intense
Le 15 juin, Fabienne Belin-Jeannin propose une grève. Nous communiquions entre nous et j’ai mis cela sur la table. Personnellement ma décision était prise, mais il fallait que ce soit la décision de tous. Et la réponse, favorable, a été unanime.
Alors que la grève dure, les salariées oscillent entre force et découragement. Certaines personnes ont craqué, à rester devant leur établissement de thermes durant plus de 10 heures sans avoir de nouvelles de la direction certains jour ! C’était dur, intense. Heureusement que nous avons eu des soutiens. Moi, c’est ce qui m’a portée.
La militante a notamment pu compter sur FO. On a été accompagnées durant tout le mouvement. Et par ailleurs certains travailleurs sont venus nous voir le matin, ou en fin de journée, après leur travail. La grève a également été très soutenue par les curistes, mais aussi des politiques et des collègues agents de maîtrise, cependant pas concernés directement par l’objet de la mobilisation.
La pétition lancée par les grévistes a recueilli près de 300 signatures.
Des salariés solidaires et unis
Tout cela a permis aux grévistes de créer un rapport de force avec la direction. Après une dizaine de jours, cela devenait compliqué de suivre le mouvement. Mais nous avions posé des conditions sine qua non
, explique Fabienne Belin-Jeannin. Et alors que le centre thermal était fortement impacté dans son activité, la direction n’a pu se dérober.
Si l’accord signé avec la direction est loin de répondre à toutes les attentes, les grévistes ont obtenu la mise en place d’une revalorisation de la grille permettant de s’approcher du niveau de la grille de la convention collective nationale (du thermalisme). Pour les salaires les plus bas, cela représente entre 12 et 39 euros de plus sur la fiche de paie
, explique la déléguée. L’accord prévoit aussi d’étaler les journées de grève sur les mois de juillet et août.
Les salariées —que l’on appelle aussi agentes des thermes— ont obtenu une prime de 200 euros. C’est grâce à nos collègues agents de maîtrise qui ont accepté d’abaisser leur demande salariale de 3% à 2 %,
, se réjouit-elle. Si la direction a essayé de diviser les salariés, ils ont obtenu l’effet inverse. Nous avons fait bloc et le personnel ne se laissera plus malmener. Pour les prochaines NAO, la direction ne pourra pas faire comme si cette grève n’avait pas eu lieu.
Si la première grève des thermes de Vichy a pris fin le 28 juin, la mobilisation va continuer, souligne la militante.
Une victoire signée FO
Le 29 juin au matin, les salariées ont donc repris le travail, dans la pagaille. Et ce n’est pas de leur fait. Autant nous, nous avions anticipé le retour dans les thermes, mais pas la direction ! Rien n’était prêt : alors que la reprise des soins était progressive, certaines collègues n’avaient pas été contactées et elles sont venues alors qu’elles n’avaient rien à faire
, raconte Fabienne Belin-Jeannin. Quand je pense que durant la grève, la direction nous disait que si nous voulions retourner travailler, tout serait prêt en un claquement de doigt !
Pour Fabienne Belin-Jeannin, si cet accord n’est pas à la hauteur de l’effort de ces 13 jours de grèves, les salariés peuvent marcher la tête haute
. Et la militante aussi, ô combien ! Déléguée syndicale FO, elle a obtenu la majorité des voix aux élections professionnelles. Mais j’ai été la seule syndiquée pendant plusieurs années. Maintenant ça va changer !
Quelques-unes de ses collègues l’ont lui ont déjà fait part de leur décision : elles prendront leur carte à FO très prochainement.