Le nombre de travailleurs détachés a augmenté de 46% entre 2010 et 2014 (lire encadré ci-dessous), selon les statistiques officielles de l’Union européenne. « Ces vingt dernières années, le marché unique s’est élargi et les écarts salariaux se sont creusés, ce qui a malheureusement incité les entreprises à recourir au détachement pour tirer profit de ces écarts », reconnaît la Commission européenne.
Qu’est-ce que le détachement de travailleurs ?
Un travailleur détaché n’est pas un travailleur migrant à la recherche d’un emploi à long terme. Il est envoyé par son employeur dans un autre État membre pour y accomplir un travail à titre temporaire, soit pour l’exécution d’une prestation de services dans le cadre d’un contrat entre deux entreprises, soit dans le cadre d’une mobilité intra-groupe ou d’une mise à disposition par une agence d’intérim.
Le 8 mars, la Commission européenne a transmis aux ministres de l’emploi et de la protection sociale des États membres de l’Union européenne une version révisée de la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs. « Cette révision traduit l’engagement (...) de promouvoir le principe d’une rémunération identique pour un même travail effectué au même endroit (...) » indique la Commission dans un communiqué.
Cette initiative répond en soi à une revendication de la Confédération européenne des syndicats, défendue notamment par FO. Mais cette révision répond-elle pour autant à toutes les attentes ?
Une révision « ciblée », donc limitée
Le nouveau texte ne touche pas au cœur de la directive détachement, à savoir que les travailleurs détachés continueront de dépendre du système de sécurité sociale de leur pays d’origine, ce qui est précisément la principale source de dumping social.
Il ne change rien non plus au fait que les travailleurs détachés dépendent de la législation de leur pays d’origine pour la protection contre le licenciement abusif.
La principale modification porte sur la question du salaire auquel a droit le travailleur détaché. La directive actuelle établit que les travailleurs détachés perçoivent le « taux de salaire minimal ». La nouvelle version remplace cette notion par celle de « rémunération ». La rémunération peut inclure d’autres éléments que le taux horaire minimum, comme par exemple le 13e mois. Toutefois, le nouveau texte ne précise justement pas ce que recouvre le terme « rémunération », ce qui peut être source de contentieux. Certes, il renvoie aux règles des conventions collectives d’application générale et ce pour l’ensemble des secteurs, contrairement à la version actuelle qui ne le prévoit que pour le seul secteur de la construction. Mais, pourquoi se limiter aux conventions collectives d’application générale ? Pourquoi le travailleur détaché n’aurait-il pas droit à l’accord d’entreprise si celui-ci est plus favorable ?
Dans le cadre des « chaines de sous-traitance », le nouveau texte établit que les États membres -« peuvent »- choisir d’appliquer aux travailleurs détachés les mêmes règles en matière de rémunération que celles qui lient le contractant principal y compris si ces règles résultent de conventions collectives d’application non générale. L’emploi du verbe « pouvoir » indique qu’il n’y a aucune obligation en la matière.
Au-delà de deux ans...
La Commission propose également que « les travailleurs dont le détachement dure plus de deux ans (détachements de longue durée) soient au moins couverts par les règles impératives de protection fixées par le droit du travail de l’État membre d’accueil ».
Une dernière question s’impose : pourquoi fixer une durée maximale aussi longue, alors que, selon les statistiques de la Commission elle-même, la durée moyenne d’un détachement est actuellement de quatre mois ?
État des lieux chiffréL’Union européenne comptait 1,9 million de travailleurs détachés en 2014 contre 1, 3 million en 2010. |