L’Usine Nouvelle - Le gouvernement a annoncé qu’une prime « mobilité durable » pourrait être versée par les employeurs à leurs salariés se rendant à leur travail en covoiturage ou vélo, et que cette prime serait exonérée de cotisations et impôts jusqu’à 400 euros. Est-ce que cela répond à vos attentes ?
Yves Veyrier - Qu’on inclue dans la prime Transport des dispositifs qui favorisent les mobilités durables, je suis bien sûr pour. Mais cela ne peut pas suffire ! En 2005, Force ouvrière s’est battu pour que les salariés qui ne bénéficient pas d’une prise en charge à 50% de leur abonnement aux transports en commun, parce qu’ils sont obligés de prendre leur voiture, ne soient pas pénalisés en termes de pouvoir d’achat. A l’époque, FO parlait de « chèque transport ». Nous avons été partiellement entendus, puisque depuis 2008, si un accord d’entreprise le prévoit, l’employeur peut verser une prime transport, exonérée de cotisations jusqu’à 200 euros par an et par salarié. Mais ce n’est pas obligatoire. Plutôt que d’inventer des dispositifs nouveaux, l’État devrait redonner une impulsion à cette prime.
Comment ? Quel peut être le rôle de l’État sur un sujet qui relève du dialogue social interne à l’entreprise ?
D’une part, l’État peut demander aux branches de signer des accords sur ce sujet. Les employeurs sont très peu nombreux à avoir instauré une prime de transport, parce que selon eux elle crée une distorsion de concurrence. Si toutes les entreprises d’une même branche sont obligées de se soumettre à la même règle, cette distorsion disparaît. D’autre part, l’État peut relever le plafond d’exonération de charges sociales de 200 euros. Je propose une négociation tripartite entre organisations syndicales et patronales, sous l’égide du ministère du Travail, sur ce sujet. Les employeurs ne peuvent pas se contenter de refuser de payer pour les mobilités, comme ils l’ont fait sur Twitter. Ils doivent faire des propositions. Actuellement, ce sont les salariés qui paient, seuls.
Le gouvernement a également annoncé que des autorités régulatrices des transports seront mises en place partout sur le territoire, alors qu’elles n’existent aujourd’hui que sur quelques agglomérations. Elles pourront, comme en Ile-de-France, réclamer aux entreprises un versement transport destiné à financer une alternative au tout-voiture. Est-ce une bonne solution ?
Une fois de plus, cela ne concerne que les territoires qui peuvent trouver des solutions collectives, pas les autres. Cela ne va donc pas aider ceux qui ont choisi de manifester en gilets jaunes. Or il y a urgence ! Les Gilets jaunes expriment une urgence, il faut agir, tout de suite. Faire appliquer, en la généralisant, une disposition qui existe déjà permettrait d’aller vite et serait simple. On a par ailleurs proposé, pour répondre à cette protestation, de relever le Smic, et de suspendre les nouvelles taxes, le temps de discuter. On ne peut pas demander aux salariés de commencer par payer, en leur promettant que cet argent sera utilisé pour les transports en commun. Cela ne marche jamais comme ça, on l’a vu avec la vignette automobile.
Force Ouvrière, après avoir hésité, soutient donc le mouvement des Gilets jaunes ?
La question n’est pas de savoir si FO s’y reconnaît au pas. Le mouvement est là, c’est une réalité. Nombre de salariés se sont saisis de ce sujet pour manifester leur mécontement, qui va bien au-delà des mobilités. FO n’a pas attendu les gilets jaunes pour le dire. Le 9 octobre, il y a plus d’un mois, on manifestait, et la défense du pouvoir d’achat était au cœur de nos revendications. Car il y a un vrai problème de pouvoir d’achat : selon l’Insee, les Français ont perdu 500 euros en moyenne depuis 2008. FO est le syndicat de la feuille de paie. Notre principale revendication, c’est le salaire, parce qu’il est un revenu et parce qu’il finance les prestations sociales, chômage, retraite, maladie. Si on ne nous écoute jamais, qu’on ne s’étonne pas que les mécontentements partent dans d’autres espaces.