À La Poste de Sarlat, les grévistes font entendre raison à la direction !

Les articles de L’InFO militante par Chloé Bouvier, L’inFO militante

Par une grève du 6 au 13 novembre, les agents de La Poste de Sarlat ont fini par obtenir le gel de la mise en œuvre d’une nouvelle organisation décidée par la direction et qui aurait dégradé un peu plus les conditions de travail et l’accès au service public en milieu rural.

Sarlat, c’est la parfaite illustration locale de la politique nationale que mène La Poste, souligne Christine Simon, responsable du secteur Poste à la fédération FO-COM. C’est contre cette politique de réorganisation des services, induisant une dégradation des conditions de travail et de la qualité du service rendu aux usagers que les postiers Sarladais se sont mobilisés durant 8 jours de grève, du 6 au 13 novembre.

La direction transforme les bureaux selon les flux et passages des usagers, explique Alain Pelletingea, également du secteur Poste de la fédération. Et cette transformation est la même quel que soit le territoire, alors qu’un département rural comme le nôtre a des difficultés qui ne sont pas les mêmes que celles des territoires plus urbains, témoigne Patrick Lacoste, secrétaire départemental de FO Com dans le Périgord.

70 km entre deux bureaux...

Cette stratégie de la direction se traduit, sur le territoire du Périgord comme ailleurs, par une fusion des secteurs. Début 2023, on a appris que les secteurs de Sarlat et de Saint-Cyprien allaient fusionner pour obtenir un nouveau secteur appelé Sarlat Périgord Nord et comportant une dizaine de bureaux, explique le militant. Or, cette stratégie de recherche d’économies par la mutualisation des services et des directions impacte grandement les conditions de travail des agents. Entre les bureaux de Sarlat et ceux de Villefranche, il y a plus de 70 km. Pourtant ce serait les mêmes personnels qui y travailleraient..., résume Patrick Lacoste.

Dans cette configuration, les agents seraient les grands perdants. Alors qu’actuellement ils travaillent un samedi sur deux, cette nouvelle politique implique deux samedis travaillés sur trois, précise Patrick Lacoste. Mais les usagers seraient également perdants puisque les horaires d’ouverture seraient réduits, et il y aurait moins d’agents présents. Les gens devraient attendre plus longtemps, avec la frustration et les risques d’incivilités que cela comporte. Le lundi, seul le bureau de Sarlat serait ouvert. Pour s’y rendre, cela représente, pour certains usagers un très long trajet.

C’est la défense du service public, de sa qualité et de son accès à tous les usagers qui anime le syndicat local FO, d’autant plus que près de 50 % des guichetiers de Sarlat sont des adhérents. Nous pensons aussi bien sûr aux usagers. Pour certains qui ne possèdent pas de carte bancaire, si les guichets ne sont pas ouverts, ils ne peuvent pas par exemple percevoir leurs prestations familiales, indique le secrétaire départemental FO Com. La Poste a un rôle à part dans les milieux ruraux, c’est un vrai lien social et que l’on est en train de tuer. L’attaque de la mission publique se déploie par le biais de la baisse des effectifs : les réorganisations prévoient en effet que les départs à la retraite ne soient plus remplacés. S’il n’y a pas de plan social à La Poste pour le moment, nous manquons clairement de moyens, humains et budgétaires, pour faire fonctionner correctement ce service public, poursuit le militant.

90 % des agents ont fait grève, beaucoup pour la première fois

Ces réorganisations interviennent tous les deux ou trois ans au sein de la Poste. Celle de Sarlat a été décidée en début d’année 2023. Dès le mois de mars, les agents ont adressé un courrier à la direction pour exprimer leur malaise face à ces décisions. Retour sur des discussions en mode dégradé qui amènent au conflit... La direction des ressources humaines change son organisation elle aussi, Sarlat dépendant dorénavant de Bordeaux et non plus de Tulle. Lors des discussions avec les organisations syndicales, Patrick Lacoste se rend compte alors que les propositions des syndicats ne sont absolument pas prises en compte. En intersyndicale, nous avons décidé de déposer un préavis de grève illimitée. Le 2 novembre, nous avons été reçus par notre ancienne DRH de Tulle pour exprimer nos revendications. Notamment garder un samedi sur deux travaillé la demande aussi de la fin des fermetures le lundi, mais également la fin de la diminution des postes de travail. On nous a répondu qu’il n’y avait pas de solution...

Face à cette situation, les agents se réunissent en assemblée générale le jour-même et décident d’une grève illimitée, trois jours après. Le 6 novembre, au petit matin, ils étaient ainsi sur le parvis de la Poste, abrités de la pluie par le barnum estampillé FO. Le taux de grève a été très fort, 90 % des agents ont fait grève, beaucoup pour la première fois. Ça représente 9 guichetiers sur 10. Les élus locaux sont alertés, tout comme la population avec la circulation d’une pétition. Seule la direction de la Poste reste muette...

Cette mobilisation a soudé les équipes

Finalement, le directeur RH de Bordeaux est appelé le vendredi. Il a cherché à nous faire culpabiliser, mais on avait le personnel avec nous, se souvient Patrick Lacoste. On nous a demandé de reprendre le travail le lendemain. Les agents ont refusé. Une réunion de sortie de crise s’est alors tenue le lundi 10 novembre. Cela a été fait collectivement, avec l’ensemble de la direction, l’intersyndicale et les grévistes. Nous avons réfléchi à des pistes pour sortir de la crise.

En écoutant les personnels et leurs syndicats, la direction a finalement décidé de geler la réorganisation. Nous sommes repartis depuis le début dans les discussions, et dans une logique d’élaborer la nouvelle organisation avec les personnels. L’idée étant de monter un scénario favorable à tous, même si les moyens demeurent limités... Les grévistes ont également obtenu que sur les 8 jours de grèves, trois ne soient pas décomptés de leur salaire.

Pour les salariés, c’est une demi-victoire et avec un goût un peu amer. Nous aurions aimé que cela soit plus probant, admet le militant. Toutefois, cette mobilisation a soudé les équipes. Je crois que la direction, qui est très portée sur la productivité, y réfléchira à deux fois pour la prochaine réorganisation...

Pour FO, l’urgence de rendre attractifs les métiers de La Poste

La dégradation des conditions de travail au sein de la Poste n’est pas nouvelle, mais la politique de réorganisation tous les deux ans fait de plus en plus de mal, observent Christine Simon et Alain Pelletingeas. On le voit dans l’absentéisme des agents ou dans les démissions silencieuses, souligne ce dernier mais également dans les démissions effectives et les ruptures conventionnelles, ajoute la responsable du secteur Poste de FO Com. Lorsque ces réorganisations sont présentées, elles viennent d’en haut et sont mal expliquées. Surtout, en tant qu’organisations syndicales, nous sommes moins écoutés qu’auparavant. Les marges de manœuvre sont bien moindre, précise Christine Simon.

Pour Force Ouvrière, qui représente près de 20 % des voix au sein de La Poste, la solution au mal être des agents passe aussi et même surtout par la reconnaissance du travail par le salaire. Or, près de la moitié des postiers sont payés en-deçà du salaire médian français, s’indigne la militante. Et on leur en demande toujours plus. Face à ces conditions de travail et de rémunérations, comment en vouloir à ceux qui partent ? C’est aussi à cause de ces conditions que les métiers ne sont pas attractifs et que l’on peine à trouver des personnes. Et, grince Alain Pelletingeas, Ajoutez à ça la politique de restriction couplée à celle et de productivité et vous avez un cercle vicieux, très vicieux. Si les deux représentants se montrent inquiets quant à l’avenir, ils soulignent la nécessité de poursuivre le combat collectif afin de briser ce cercle vicieux. La bataille menée à Sarlat en est un exemple.

Chloé Bouvier

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération