En cette période estivale, nombreux sont les salariés à se poser la question des conséquences de la maladie sur les congés payés. Petit tour d’horizon de la question !
Le salarié en arrêt de travail, avant de partir en congé, perd-il ses droits à congés payés ?
Le salarié qui est arrêté (maladie, accident du travail ou maladie professionnelle…) avant son départ en congé conserve ses jours de congés payés acquis et peut demander à en bénéficier ultérieurement.
Cette règle vaut même si le salarié est arrêté durant toute la période de prise des congés (Cass. soc., 24-2-09, n°07-44488 et n°07-43479).
Les jours de maladie ne sont donc pas décomptés des jours de congés et sont indemnisés, le cas échéant, au titre de la maladie.
Le salarié perçoit l’indemnité de congés payés lorsqu’il prend effectivement ses congés.
L’employeur peut imposer la prise des congés payés non pris du fait de l’arrêt à une date qu’il fixe, notamment dès le retour du salarié de son arrêt. Il ne peut toutefois pas exiger du salarié qu’il prenne ses congés pendant la suspension du contrat de travail (Cass. soc., 31-10-00, n°98-23131), ni déduire du congé annuel les jours d’absence pour maladie.
Si le salarié est licencié, démissionne ou part en retraite avant d’avoir pu prendre ses congés payés reportés, il perçoit une indemnité compensatrice.
Dans quelle mesure les congés payés peuvent-ils être reportés ?
La loi française ne fixe pas actuellement de limite au report mais selon la jurisprudence européenne ce droit au report peut ne pas être illimité. La CJUE admet que le droit au report des congés payés puisse être limité dans le temps ; une période de report de quinze mois parait raisonnable (CJUE, 22-11-11, aff. C-214/10, KHS c/ Schulte). C’est au législateur français ou, à défaut, à un accord collectif que revient le soin de fixer (ou non) une période de report. Attention, il ne revient pas au juge de fixer cette limite ; le délai d’extinction peut être fixé par un accord collectif et doit, pour être conforme, dépasser substantiellement la période de référence.
Une intervention législative rapide n’étant pas prévue, un accord collectif pourrait admettre l’acquisition de droits à congés payés en cas de maladie ou d’accident non professionnel en contrepartie d’un droit au report des congés payés non pris pour cause de maladie limité dans le temps. |
Dernièrement, la Cour de cassation a jugé que si des dispositions ou pratiques nationales peuvent limiter le cumul des droits au congé annuel payé d’un travailleur en incapacité de travail pendant plusieurs périodes de référence consécutives au moyen d’une période de report à l’expiration de laquelle le droit au congé annuel payé s’éteint, dès lors que cette période de report dépasse substantiellement la durée de la période de référence, la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail ne fait pas obligation aux États-membres de prévoir une telle limitation.
Ainsi, le droit français peut prévoir que les congés payés qui n’ont pu être pris en raison d’une maladie peuvent être reportés sans limitation dans le temps (Cass. soc., 21-9-17, n°16-24022, PBRI).
Les salariées de retour de congé maternité ont le droit de prendre leurs congés payés quelle que soit la période de prise des congés dans l’entreprise (art. L. 3141-2 du code du travail).
La salariée partant en congé parental à l’issue de son congé maternité sans avoir soldé ses congés payés les perd, tout comme l’indemnité compensatrice correspondante, si elle revient après l’expiration de la période de prise. Cette position de la Cour de cassation est remise en cause par la CJUE, qui admet le report au terme d’un congé parental d’éducation des congés payés acquis avant celui-ci par la salariée (CJUE, 22 avr. 2010, aff. C-486/08).
Quoi qu’il en soit, l’employeur doit mettre le salarié en mesure de prendre effectivement son congé payé. De cette règle, il en découle que l’employeur a l’obligation d’informer le salarié qu’il perd ses congés s’il ne les prend pas avant le congé parental. L’employeur ne mettrait pas le salarié en mesure de prendre son congé payé dès lors qu’il ne le préviendrait pas de la perte de ses congés payés dans le cas où son congé parental fait immédiatement suite au congé maternité. En cas de litige, il renvient à l’employeur de prouver qu’il a accompli les diligences nécessaires pour que le salarié prenne effectivement ses congés payés légaux ou conventionnels (Cass. soc., 18-3-15, n°13-17763 ; Cass. soc., 13-6-12, n°11-10929 ; Cass. soc., 21-9-17, n° 16-18898). D’ailleurs, l’employeur, qui n’accorde pas à la salariée ses congés payés après le congé de maternité avant qu’elle ne prenne son congé parental, est redevable de l’indemnité compensatrice de congés payés correspondante, et de dommages et intérêts (Cass. soc., 2-6-04, n° 02-42405).
Dernière minute : Les droits à congés reportés ou acquis ont la même nature, de sorte que les règles de fixation de l’ordre des départs en congé annuel s’appliquent aux congés annuels reportés. Autrement dit, un employeur ne peut contraindre un salarié à prendre l’intégralité de ses congés payés reportés sans respecter un délai de prévenance suffisant (Cass. soc., 8-7-20, n°18-21681). |
Le salarié, arrêté pendant ses congés payés, les conserve-t-il ?
La CJUE a jugé qu’un salarié malade pendant sa période de congé annuel conservait ses jours de congés payés (CJUE, 21-6-12, aff. C.78/11, Anged).
Elle relevait que les congés payés et les congés maladie poursuivent deux finalités différentes : les congés payés visent à permettre au salarié de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisir alors que le congé maladie est accordé afin qu’il puisse se rétablir d’une maladie.
Afin que le salarié puisse effectivement se reposer durant ses congés payés, il y avait donc lieu d’admettre le report des congés payés lorsque la maladie survient pendant un tel congé. Cette solution est actuellement en contradiction avec le droit français (Cass. soc., 4-12-96, n°93-44907).
La Cour de cassation considère dans cette situation que l’employeur a rempli son obligation légale d’accorder des congés et ne s’attache pas à la prise effective du congé par le salarié.
Tout laisse à penser que si la Cour de cassation était à nouveau saisie de cette question, elle jugerait dans le même sens que la juridiction européenne, rien ne l’empêchant de faire une interprétation conforme du droit français au droit européen.
Les périodes d’arrêt de travail permettent-elles d’acquérir des jours de congés ?
Les absences pour accident de trajet, accident du travail et maladie professionnelle ouvrent droit, dans la limite d’une durée d’un an, à des congés payés (Cass. soc., 10-7-02, n°00-43759 ; Cass. soc., 3-7-12, n°08-44834). S’agissant des absences pour raison non professionnelle la solution est plus complexe.
La CJUE précise que tout travailleur, qu’il ait été absent à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie de quelque nature qu’elle soit, doit avoir droit à un congé annuel payé d’au moins 4 semaines (CJUE, 24-1-12, aff. C-282/10, Dominguez).
En d’autres termes, toutes les périodes d’arrêt de travail, quelle que soit leur durée, doivent être prises en compte pour le calcul de la durée du congé payé. Cette solution de droit européen a des effets limités en droit interne. Tout dépend de la nature de l’entreprise.
Si l’entreprise peut être assimilée à l’État, la décision de la CJUE a un effet direct en droit interne ; ce qui veut dire notamment que les absences pour raison non professionnelle ouvrent droit à des congés payés. Dans un arrêt en date du 2 mars 2022, la Cour de cassation a confirmé ce principe en énonçant que la directive 2003/88/CE étant directement invocable à l’égard d’un employeur, assimilé à un organe étatique, le salarié est fondé à revendiquer l’application de l’article 7 de ladite directive, lui ouvrant droit à des congés payés d’au moins 4 semaines du seul fait de sa qualité de travailleur, peu important qu’il ait été absent à raison d’un arrêt de travail pour maladie (Cass. soc., 2-3-22 n°20-22214).
A la qualité d’État « tout organisme, quelle que soit sa forme juridique, qui a été chargé, en vertu d’un acte de l’autorité publique et sous le contrôle de cette dernière, d’accomplir un service d’intérêt public et qui dispose à cet effet de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers ».
Si l’entreprise n’a pas la qualité d’État, alors la décision de la CJUE n’a aucun effet direct en droit interne.
Il reste au salarié la possibilité d’agir contre l’État devant le tribunal administratif et demander des dommages et intérêts pour transposition incomplète de la directive européenne en droit français.
Au niveau interprofessionnel, FO a engagé une action devant les juridictions administratives pour faire condamner l’État Français pour non-conformité du droit français au droit européen !
La CJUE considère dorénavant que le droit aux congés payés est un principe général du droit de l’Union pouvant être invoqué en droit interne dans un litige entre particuliers (CJUE, 6-11-18, aff. C-596/16, C-570/16 et C-619/16). Ainsi, dans le cadre d’un litige opposant un particulier à un employeur de droit privé, les parties peuvent directement devant la juridiction prud’homale invoquer une violation de l’article 7 de la directive 2003/88 par la législation française et demander que celle-ci soit écartée au profit du droit communautaire en vertu de l’article 31 §2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union (notamment sur la question de l’acquisition de congés payés pendant une période de maladie).