Le 21 septembre 2016, la Cour de cassation précisait, à propos de l’incidence d’une saisine du juge sur le délai de consultation du comité d’entreprise (CE), que cette saisine n’interrompait pas le délai de consultation, si bien que le juge ne pouvait plus se prononcer sur les demandes d’un CE lorsqu’au jour où il statue le délai de consultation du CE était expiré (Cass. soc., 21-9-16, n°15-16363, PBI).
Un autre arrêt du même jour indiquait que le juge ne pouvait accorder un nouveau délai après l’expiration du délai initial (Cass. soc., 21-9-16, n°15-19003).
Dans une décision du 4 août 2017, le Conseil constitutionnel avait jugé que le quatrième alinéa de l’article L 2323-3 du code du travail et le dernier alinéa de l’article L 2323-4 du même code, dans leur rédaction résultant de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, étaient conformes à la Constitution (Conseil constit., 4-8-17, QPC n°2017-652).
Ces décisions ont fait l’objet de nombreuses critiques.
FO plaidait que ces décisions avaient pour effet d’entraîner la suppression de l’accès à la justice pour les instances représentatives du personnel.
Dernièrement, la Cour de cassation semble avoir infléchi sa position intenable dégagée dans les arrêts du 21 septembre 2016. Dans une décision en date du 28 mars 2018, la Cour de cassation a jugé, s’agissant du point de départ du délai de consultation, que lorsque la loi ou l’accord collectif prévoit la communication ou la mise à disposition de certains documents, le délai de consultation ne court qu’à compter de cette communication
(Cass. soc., 28-3-18, n°17-13081). Ainsi, le délai couperet ne devrait plus commencer à courir lorsque les informations transmises sont insuffisantes. La décision de la Cour de cassation a été rendue, à propos des consultations annuelles obligatoires, reste à la Cour à dégager un principe général selon lequel le délai de consultation ne court pas si une information essentielle à l’expression d’un avis éclairé par les représentants du personnel n’a pas été communiquée par l’employeur. Cette décision de portée générale se fait encore actuellement attendre…
Concernant la possibilité pour le juge judiciaire de prolonger le délai, la Cour de cassation a jugé, en 2019, qu’une juridiction pouvait prolonger le délai de consultation pour une durée de trois mois courant à compter de la « réception complète » des informations complémentaires considérées comme nécessaires à l’expression de leur avis éclairé.
Autrement dit, faute de remise de la totalité des documents ordonnés par le premier juge, un second juge peut considérer que ce délai de trois mois n’avait toujours pas commencé à courir et ne commencerait qu’à compter de la réception de l’information complète et précise définie par le juge (Cass. soc., 30-1-19, n°17-23025).
Si le mécanisme du délai couperet, tel qu’envisagé par les arrêts de septembre 2016, était susceptible de faire échec aux stratégies d’obstruction, il était clairement de nature à rompre irrémédiablement le dialogue dans cette matière, en aggravant les tensions entre le CE et l’employeur. La ligne qui semble se dessiner permet de dire que la Cour de cassation apparaît avoir pris conscience de la nécessité de respecter l’effet utile de la consultation.
Reste toujours en suspens, la compatibilité des dispositions du code du travail avec les normes internationales et européennes. La conformité du quatrième alinéa de l’article L 2323-3 du code du travail et le dernier alinéa de l’article L 2323-4 du même code, dans leur rédaction résultant de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l’emploi, avec l’article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et concrétisé par la directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 qui, exige que les représentants du personnel soient saisis à un moment, par des moyens et avec un contenu appropriés au regard du projet considéré, pose question. Enfin, la conformité des articles contestés est posée au regard de l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il reste à la Cour de cassation d’examiner l’ensemble de ce débat, ce qu’elle doit faire prochainement.
Egalement, le décret du 29 décembre 2017 issu des ordonnances Macron (n°2017-1819), notamment les nouveaux articles R 2312-5 et R 2312-6 du code du travail sur les délais de consultation relatifs au CSE, a fait l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’État. Nous sommes dans l’attente du résultat de cette procédure.
Le contentieux est loin d’être clos… mais la Cour de cassation semble avoir jugé nécessaire de mettre une dose de pragmatisme dans sa jurisprudence issue des arrêts de septembre 2016. Une lueur d’espoir…