Les jours passent sans que la perspective d’un futur déconfinement ne se précise encore pour le monde de la Culture. L’exécutif a annoncé le 13 avril que les lieux culturels (cinémas, musées, salles de spectacle…) ne pourraient caler leur réouverture sur la date du 11 mai. Plus encore, les grands festivals et événements avec un public nombreux ne pourront se tenir au moins jusqu’à la mi-juillet.
Imprécise, cette date met dans le flou les événements devant s’organiser dans la foulée. Sans surprise, les annonces d’annulation et de report… en 2021 se multiplient, à l’image de l’annulation du festival des Vieilles Charrues à Carhaix (Finistère) qui devait se tenir du 16 au 19 juillet. Avec elles, des milliers d’heures de travail prévues par les salariés intermittents du spectacle partent en fumée !
FO demande une réunion d’urgence
C’est le pire des scénarios pour le monde du spectacle vivant, mis complètement à l’arrêt depuis le début de la crise : l’été, avec ses quelque 300 festivals en juillet-août, est la période cruciale en termes d’engagements et, donc, de salaires et ressources financières. L’urgence est d’éviter, coûte que coûte, que les salariés du spectacle vivant, qu’ils soient artistes ou techniciens, ne sortent du statut d’intermittent et se retrouvent au RSA, parce que la crise sanitaire les a mis dans l’impossibilité de réunir le nombre d’heures nécessaires pour s’assurer une continuité de droits et de revenus
, martèle Françoise Chazaud, secrétaire générale de la FASAP-FO (Fédération des Arts, du spectacle, de l’audiovisuel et de la presse).
La militante « presse » l’exécutif d’apporter une réponse à la hauteur de la situation, et demande une réunion d’urgence au ministère de la Culture. Car l’annonce le 13 avril d’un plan de soutien spécifique pour le secteur culturel reste à ce jour… une annonce. Aucune des instances possibles de rendez-vous et de concertation avec le ministère de la Culture, tel le Conseil national des professions du spectacle, n’a été consulté sur le sujet. Aucune date de réunion n’est fixée
, déplore Françoise Chazaud.
Porter à deux ans la période de référence pour le calcul des droits
Pour la FASAP-FO, la situation exige un soutien à l’emploi de bien plus large ampleur que celui annoncé le 19 mars par les ministres de la Culture et du Travail. La décision alors prise de ne pas prendre en compte la période de confinement (depuis le 15 mars et jusqu’à une date toujours inconnue) dans le calcul de la période de référence ouvrant droit à l’assurance-chômage pour les intermittents est une réponse largement insuffisante pour la fédération. D’autant plus qu’elle ne règle que partiellement le problème : quantité de spectacles ont été annulés dès le 4 mars, date du premier arrêté interdisant les rassemblements de plus de 5.000 personnes dans des lieux clos. Le secteur des musiques actuelles (jazz, pop, rock, chanson…) a ainsi été touché de plein fouet.
La FASAP-FO propose de porter à deux ans (contre un an actuellement) cette période de référence au cours de laquelle artistes et techniciens du spectacle doivent réaliser 507 heures de travail pour pouvoir être éligibles à l’assurance-chômage spécifique au secteur, en raison de leur activité discontinue. Ainsi, à la date « anniversaire » du calcul de son éligibilité, un intermittent devrait justifier alors de 507 heures de travail sur les 24 derniers mois, et non plus sur les douze derniers mois. Le doublement de la période de référence vaudrait aussi pour la période d’indemnisation. Pour être mise en oeuvre, une telle mesure exige une modification des annexes 8 (techniciens) et 10 (artistes) de l’Unedic.
Le risque d’une année blanche
La crise va s’inscrire dans la durée, il faut tout de suite le prendre en compte. C’est du simple réalisme. Certains événements, souvent liés à la venue de groupes et artistes internationaux, ne pourront être reportés. D’autres, dont la programmation repose majoritairement sur des artistes français, pourraient l’être mais en format très réduit. Une année « blanche » se profile pour trop d’artistes et de techniciens
, commente Françoise Chazaud.
Car la militante reste très sceptique sur cette annonce d’une levée (potentielle) de l’interdiction de grands rassemblements à mi-juillet. Des pays, moins touchés que la France, ont décidé d’interdire les grands rassemblements jusqu’à fin août
, rappelle-t-elle. L’exécutif se garde d’ailleurs de tout engagement. La situation sera collectivement évaluée à partir de mi-mai, chaque semaine, pour adapter les choses
, a-t-il expliqué.
Parmi les mesures d’adaptation des annexes 8 et 10, la FASAP-FO demande aussi une révision des délais de franchise (ou de carence) et une clarification des modalités de prise en compte des périodes d’activité partielle au regard des droits à l’assurance-chômage des salariés intermittents du spectacle.
Créer un fonds d’aide d’urgence
Une autre revendication portée par la fédération est la création d’un fonds d’aide d’urgence réunissant les différents secteurs (audiovisuel et cinéma, arts plastiques, livres, médias, musique et spectacle vivant) et qui soit doté d’une instance de contrôle paritaire. Elle permettrait de garantir le mode de répartition des aides et une prise en compte particulière des petites structures, aujourd’hui particulièrement mises en difficultés. La solidarité doit profiter à l’ensemble du monde de la culture afin que tous ses acteurs aient une chance égale de résister à la crise
, explique Françoise Chazaud.
En effet, les initiatives se multiplient… en ordre dispersé. Dans l’audiovisuel et le cinéma, la société Netflix a décidé de contribuer à hauteur de 1 millions d’euros au fonds d’urgence (10 millions d’euros) créé par Audiens, le groupe de protection sociale du secteur, et le Centre National du Cinéma et de l’Image Animée (CNC) à destination des professionnels les plus fragilisés. Côté spectacle vivant et musique enregistrée, la plateforme en ligne Spotify va abonder le fonds de secours du Centre National de la Musique (CNM). Des fonds sectoriels européens sont aussi attendus.
Honorer les contrats de travail non-réalisés
La FASAPS-FO appelle également l’ensemble des structures du secteur à soutenir l’emploi. Sur cette revendication, elle a rejoint, la semaine dernière, la déclaration commune des organisations d’employeurs et de salariés du spectacle vivant et enregistré.
Les structures subventionnées doivent honorer et payer, sur la base des financements qui leur ont été alloués, les contrats de travail non réalisés. Qu’ils aient été signés ou simplement évoqués par un mail, par l’inscription dans un planning ou sur une affiche. Et l’ensemble des employeurs peuvent recourir à l’activité partielle
, tient à préciser Françoise Chazaud.