L’accès aux courriers et aux emails :
– Lorsque le mail est identifié comme privé ou personnel, l’employeur ne peut y avoir accès (Cass. soc., 2-10-01, n°99-42942 ; Cass. soc., 12-10-04, n°02-40392). Il ne peut produire en justice des informations dont il a eu connaissance en ouvrant un courriel identifié comme personnel ou révélant son caractère personnel (Cass. soc., 18-10-11, n°10-25706 : l’employeur ne peut produire en justice le contenu d’une correspondance amoureuse d’ordre privé pour attester de la volonté du salarié de démissionner).
S’il le fait, le salarié peut prétendre à des dommages et intérêt pour violation de la vie privée. Un chef d’entreprise qui ouvre, de manière intentionnelle, un pli ou un mail portant la mention « personnel » se rend même coupable du délit d’atteinte au secret des correspondances et est passible des peines prévues à l’article 226-15 du code pénal (un an d’emprisonnement et 45 000 € d’amende). Toutefois, le chef d’entreprise peut toujours saisir le juge afin qu’il ordonne l’ouverture des messages privés litigieux. Il appartient dans ce cas au juge d’apprécier l’utilité d’une telle mesure, la demande devant être fondée sur un motif légitime (ex : concurrence déloyale) et nécessaire à la protection des droits de la personne qui la sollicite et l’ouverture devant normalement se faire en présence du salarié (Cass. soc., 23-5-07, n°05-17818.).
Notons qu’un salarié ne commet pas de faute en utilisant la messagerie professionnelle à des fins personnelles ou en recevant sur son lieu de travail un courrier personnel, même si l’employeur interdit de telles pratiques, dans la mesure où il n’abuse pas de cette liberté fondamentale garantie par l’article 9 du code civil, l’article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 et l’article 8 de la CEDH.
A notre sens, l’employeur ne peut interdire totalement, sauf éventuellement un impératif de sécurité, le courrier et les mails personnels dans l’entreprise, sans méconnaître les dispositions de l’article L 1121-1 du code du travail.
L’employeur ne peut avoir accès aux mails issus d’une messagerie personnelle, distincte de la messagerie professionnelle, même si le salarié se sert de son ordinateur professionnel pour envoyer et recevoir ses messages (Cass. soc., 26-1-16, n°14-15360).
Egalement, un employeur ne peut accéder à des messages électroniques, échangés au moyen d’une messagerie instantanée, provenant d’une boite électronique personnelle distincte de la messagerie professionnelle, ceux-ci étant couverts par le secret des correspondances (Cass. soc., 23-10-19, n°17-28448).
– Lorsque le mail ou le courrier ne porte pas de mention particulière, il est présumé professionnel et peut être ouvert en dehors de la présence du salarié (Cass. soc., 15-12-10, n°08-42486 : « les courriels adressés ou reçus par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l’employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l’intéressé, sauf s’ils sont identifiés comme personnels » ; Cass. soc., 11-7-12, n°11-22972).
Un mail ou un courrier dépourvu de toute mention particulière révélant son caractère strictement personnel ne peut servir de fondement à une sanction disciplinaire (Cass. ch. mixte, 18-5-07, n°05-40803). Le pli ayant révélé son caractère purement personnel, l’employeur est tenu de le mettre, dans les plus brefs délais, à la disposition de son destinataire.
Si le règlement intérieur prévoit des modalités particulières de consultation, comme la présence obligatoire du salarié, l’employeur est tenu de les respecter sous peine de rendre la consultation illégale (Cass. soc., 26-6-12, n°11-15310).
L’accès aux fichiers ou documents détenus dans le bureau ou l’ordinateur professionnel :
– Les fichiers informatiques créés sur un ordinateur professionnel, ou les documents détenus par un salarié dans son bureau, sont présumés avoir un caractère professionnel, de sorte que l’employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l’intéressé, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels (Cass. soc., 18-10-06, n°04-47400 et n°04-48025 ; Cass. soc., 16-5-07, n°05-43183 ; Cass. soc., 4-7-12, n°11-12330). Si l’employeur peut toujours consulter les fichiers qui n’ont pas été identifiés comme personnels par le salarié, il ne peut toutefois les utiliser pour le sanctionner ou les produire dans une procédure judiciaire si leur contenu relève de la vie privée (Cass. soc., 10-5-12, n°11-11252 ; Cass. soc., 5-7-11, n°10-17284.). A noter qu’une clé USB, dès lors qu’elle est connectée à un outil informatique mis à la disposition du salarié par l’employeur pour l’exécution du contrat de travail, est présumée utilisée à des fins professionnelles, l’employeur peut donc y avoir accès hors la présence du salarié, sauf pour les fichiers clairement identifiés comme personnels (Cass. soc., 12-02-13, n°11-28649).
– Si les dossiers informatiques créés sur l’ordinateur professionnel ou les documents détenus dans le bureau sont identifiés comme personnels, l’employeur ne peut y avoir accès, sauf risque ou évènement particulier, qu’en présence du salarié ou celui-ci dûment appelé (Cass. soc., 17-5-05, n°0340017.) La Haute juridiction a déjà eu l’occasion d’indiquer que ne constitue pas un risque ou un évènement particulier, la découverte de photos érotiques dans le tiroir du bureau d’un salarié. Egalement, ne constitue pas un risque ou un évènement particulier la réception par l’employeur, dans une entreprise classée Seveso, de lettres anonymes faisant état du contenu de courriels ultraconfidentiels et verrouillés, libellés « sécurité-sûreté » (Cass. soc., 17-6-09, n°08-40274).
Même si l’ouverture se fait en présence du salarié ou celui-ci dûment appelé, on peut penser que la Cour de cassation ne validera un tel contrôle que s’il est justifié par la nature de la tâche à accomplir et proportionné au but recherché. Attention, la seule dénomination « mes documents » donnée à un fichier ne lui confère pas un caractère personnel (Cass. soc., 10-5-12, n°11-13884). Également, un fichier portant comme dénomination les seules initiales du salarié ou son prénom ne constitue pas un document de nature personnelle (Cass. soc., 21-10-09, n°07-43877). Il est donc recommandé aux salariés d’utiliser expressément la mention « personnel » ou « privé ».
Le fait de dénommer le disque dur d’un ordinateur « D :/ données personnelles » ne peut conférer un caractère personnel à l’intégralité des données qu’il contient (Cass. soc., 4-7-12, n°11-12502). Un employeur peut donc ouvrir librement le disque dur d’un ordinateur professionnel, sauf les fichiers identifiés comme personnels.
Dans une décision du 19 juin 2013, la Cour de cassation est venue préciser que des courriels et fichiers intégrés dans le disque dur de l’ordinateur mis à disposition du salarié par l’employeur ne sont pas identifiés comme personnels du seul fait qu’ils émanent initialement de la messagerie électronique personnelle du salarié (Cass. soc., 19-06-13, n°12-12138). L’employeur qui accède aux documents litigieux sans respecter les règles énoncées ci-dessus ne peut valablement pas les invoquer comme mode de preuve.
A noter que l’employeur peut valablement produire en justice l’agenda du salarié disponible sur son ordinateur professionnel dès lors et que celui-ci n’a pas été identifié comme étant personnelle par son auteur (Cass. soc., 9-11-22, n°20-18922).
Dès lors qu’il n’a eu recours à aucun stratagème pour les recueillir, un employeur peut produire en justice des éléments du compte Facebook privé d’un salarié au soutien d’un licenciement disciplinaire. Autrement dit, l’employeur peut produire en justice des éléments extraits du compte Facebook privé d’un salarié, à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice du droit à la preuve et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi (Cass. soc., 30-9-20, n°19-12058, PBRI).
Dans la continuité de l’arrêt du 30 septembre 2020, la Cour de cassation à jugé que les preuves illicites, au regard de la loi sur l’informatique et les libertés, ne sont plus automatiquement rejetées. Si, lors d’un litige la production de cette preuve est indispensable, et non plus seulement nécessaire, à l’exercice du droit à la preuve, et que l’atteinte au droit au respect de la vie personnelle du salarié est strictement proportionnée au but poursuivi, elle peut être acceptée (Cass. soc., 25-11-20, n°17-19523).
Toutefois, la production d’une vidéosurveillance, considérée comme une preuve illicite, n’est pas indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur dès lors que celui-ci disposait d’une autre preuve (un audit) qu’il n’a pas versée aux débats (Cass. soc. 8-3-23, n°21-17802).
L’accès aux outils personnels du salarié :
Dans une décision du 23 mai 2012, la Cour de cassation a reconnu, pour la première fois, qu’un employeur pouvait contrôler les outils personnels d’un salarié (smartphone, tablette…). Dans cette affaire, l’employeur avait accédé à des enregistrements de conversations effectuées à l’aide d’un dictaphone personnel. La Haute juridiction a précisé que l’accès aux outils personnels ne pouvait se faire en l’absence du salarié ou sans qu’il ait été dûment appelé (Cass. soc., 23-5-12, n°10-23521.). Contrairement à ce qui est prévu pour l’accès aux fichiers informatiques créés sur l’ordinateur professionnel, elle ne fait aucunement référence à la notion de « risque ou évènement particulier » justifiant un contrôle en dehors de la présence du salarié. Il est évident que la Cour de cassation n’admettra un tel contrôle que s’il est justifié par la nature de la tâche à accomplir et proportionné au but recherché.
Le cas spécifiques des salariés investis de mandats représentatifs :
Pour les salariés investis de mandats représentatifs, la Cour de cassation a posé un principe fort : l’entreprise doit veiller à ce que les outils informatiques mis à leur disposition préservent la confidentialité qui s’attache à l’exercice de leurs missions légales (Cass. soc., 6-4-04, n°02-40498 : cette décision rendue à propos des autocommutateurs téléphoniques a vocation, par sa formulation générale, à s’appliquer à l’ensemble des nouvelles technologies de l’informatique et des télécommunications. Voir également Cass. soc., 4-4-12, n°10-20845).
Est-ce tout matériel susceptible d’être utilisé par un représentant du personnel qui doit être équipé d’un matériel garantissant la confidentialité ou suffit-il d’équiper le matériel mis à la disposition des IRP dans leur local ? La Cour de cassation semble pencher pour la première solution. Ces salariés peuvent exiger que le courrier et les mails qui leur sont adressés soient couverts par le secret des correspondances. Concernant les fichiers informatiques, l’employeur ne peut pas également, à notre sens, y accéder, même en présence du salarié ou celui-ci dûment appelé. Dans l’attente d’une position claire de la Cour de cassation, il est conseillé à ces salariés d’identifier comme tels leurs dossiers syndicaux.