Rémunérations parfois très inférieures au Smic, heures supplémentaires non rémunérées, dépassement des durées maximales de travail, frais de transport et d’hébergement non remboursés, conditions de travail et d’hébergement parfois indignes, établissements boîte aux lettres créés dans un autre État membre pratiquant des taux de cotisations sociales plus faibles, défaut de déclaration de travailleurs détachés, la liste des dérives est longue. La Commission européenne a décidé en mars 2016 de réviser la directive qui s’applique aux employeurs envoyant un salarié dans un autre État membre pour y travailler temporairement. Elle propose en outre la création d’une nouvelle autorité commune du travail. Elle serait chargée d’inspecter et de faire appliquer les règles en matière de détachement sur tout le territoire européen, y compris dans les départements d’outre-mer.
Pourquoi cette révision ? En 1996, lors de l’adoption du texte initial, l’Union européenne (UE) était composée de quinze États au sein desquels les écarts de salaire minimum et de cotisations sociales étaient de un à trois. L’élargissement de l’UE à vingt-huit États membres entre 2004 et 2013 a fait bondir ces écarts à de un à dix. Résultat : entre 2007 et 2015, le nombre de travailleurs détachés est passé d’environ 600 000 à 2,05 millions.
Une majorité qualifiée
140 000
C’est environ le nombre de salariés détachés envoyés par la France dans les pays de l’Union européenne.
Aujourd’hui, la révision de la directive de 1996 est applaudie par les pays de l’ouest de l’UE, qui constituent les principales destinations des travailleurs détachés. En revanche, les trois pays baltes, la Bulgarie, la Tchéquie, la Pologne, la Roumanie et la Slovaquie voient d’un mauvais œil une réforme qu’ils considèrent comme une entrave à leur liberté de circulation.
En juin 2017, malgré les divergences de vue, une majorité qualifiée (au moins 55 % des États membres représentant au moins 65 % de la population de l’UE) d’États favorables à la révision semblait envisageable. Mais la France a demandé un durcissement de la directive, notamment la limitation à 12 mois du détachement, au lieu des 24 mois proposés par la Commission, et des règles plus strictes pour lutter contre la fraude.
Les négociations entre États ont repris en septembre afin d’essayer de trouver un accord, si possible avant la rencontre, le 23 octobre, des ministres de l’Emploi, des Affaires sociales, de la Santé et de la Protection des consommateurs.
De son côté, la commission emploi du Parlement européen a adopté, le 16 octobre, le rapport des députés Élisabeth Morin-Chartier et Agnes Jongerius. Ce dernier soutient la limitation à 24 mois. Ce rapport sera soumis au vote du Parlement le 26 octobre. Si aucun accord ne se détache, les textes actuels continueront de rester en vigueur.