Intervenant au premier jour du congrès, à l’instar des autres invités, le président de la commission européenne, Jean-Claude Juncker, a notamment déclaré : la croissance européenne est remontée à 2%, notamment suite au plan Junker. J’avais décidé de mettre un terme à cette austérité stupide et je pensais qu’il fallait rendre plus sage le plan de stabilité et de croissance. La crise économique et financière n’est pas venue de nulle part. Le gain et l’appât du gain étaient la seule priorité au cœur du fonctionnement de nos économies (…) Il est important de témoigner notre respect à tous les travailleurs grecs (…) Nous devons nous battre pour l’État de droit car il protège les pans les plus faibles de notre société.
Ces propos ont suscité plusieurs réactions à la tribune du congrès. La FGTB (Belgique), pour qui M. Juncker devrait descendre de son nuage
, a appelé la commission européenne à changer de politique
.
Les CC OO (Espagne) ont rappelé qu’alors qu’au précédent congrès de Paris, M. Juncker avait affirmé vouloir renforcer la cohésion sociale, quatre ans plus tard le renforcement de la macro-économie a été de pair avec l’aggravation des inégalités.
Oui au social, mais non à un énoncé destiné à se donner bonne conscience
Marjorie Alexandre, secrétaire confédérale FO chargée des relations internationales et des droits fondamentaux a elle aussi vertement remis les choses à leur place. (…) Hier, devant notre congrès, Monsieur Juncker s’est posé en fervent défenseur du social en Europe, dans un autosatisfecit destiné à nous mettre des étoiles plein les yeux. Pourtant, le bilan de cette commission est loin de faire rêver les travailleurs européens. Et le dernier discours sur l’état de l’Union du 12 septembre 2018 poursuivait dans la logique libérale où l’économique attaque toujours plus le social et l’environnemental
, a- t-elle notamment rappelé.
Il n’y aura pas d’Europe des travailleurs sans un bilan de l’échec économique et social de cette gouvernance néolibérale de l’Europe
, a lancé la secrétaire confédérale FO, non sans avoir fait référence au Traité de Rome comme traité fondateur mettant l’économie au service du progrès social.
Après avoir réaffirmé le soutien plein et entier
de Force Ouvrière aux travailleurs grecs et à la confédération syndicale GSEE, de même qu’à l’ensemble des travailleurs qui subissent encore les conséquences (de) choix politiques
, la secrétaire confédérale de FO a conclu : non, les travailleurs ne sont pas un coût mais une richesse ! Non, les investissements publics n’alourdissent pas la dette puisqu’ils sont un investissement pour le futur ! Oui, les services publics sont un outil de redistribution des richesses nécessaires à l’égalité. Oui au social, mais non à un simple énoncé juste destiné à se donner bonne conscience !
Quid du socle européen des droits sociaux ?
Si, comme l’a rappelé le secrétaire général sortant de la CES, Luca Visentini, la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux a commencé avec notamment la révision de la directive sur le détachement des travailleurs, nous devons nous battre pour la mise en œuvre de ce socle, pour de meilleurs salaires et conditions de travail pour tous
, a- t-il ajouté
La confédération autrichienne, l’OGB, qui accueille le congrès, aux prises avec une remise en cause brutale du temps de travail et du système de protection sociale dans son pays a également souligné l’urgence d’une mise en œuvre « concrète » de ce socle, bien au-delà du peu qui a déjà été fait.
La journée de 12 heures, la semaine de 60 heures, le détricotage de notre système de protection sociale, une politique du marché de l’emploi qui réduit les salaires… Les syndicats ont été maltraités ces derniers mois et nous ne pouvons pas l’accepter. Il n’y a plus de dialogue. Nous avons appris les réformes par les média
, a ainsi témoigné le représentant de l’OGB.
La défense de la démocratie
Comme l’a rappelé le secrétaire général de la CES, il n’y a pas de hasard à ce que le congrès de la CES se tienne en Autriche, où la coalition droite-extrême droite, mise en place depuis fin 2017, ne s’est fracturée que samedi dernier, 18 mai.
Luca Visentini, qui s’est déclaré très préoccupé par une tendance générale européenne qui vire parfois au néofascisme
, a rappelé le souhait de la CES de voir une coalition des partis pro-européens et démocratiques
remporter les élections européennes, et pas une coalition de partis conservateurs qui s’allient souvent aux partis d’extrême-droite.
Les élections du futur parlement européen ayant commencé ce 23 mai (dans certains états membres), la question ne pouvait qu’être fortement présente dans les débats. Un appel de la CES a ainsi été lancé ce même 23 mai, appelant tous les citoyens à participer au scrutin et à voter pour des candidats et des partis qui œuvreront en faveur d’une Europe plus juste (pas moins d’Europe), de la démocratie et de la justice sociale.
L’indépendance de FO
La confédération FO, elle, fidèle à sa tradition d’indépendance, ne donne aucune consigne de vote pour ce scrutin. Nous ne nous inscrivons pas dans l’engagement politique actif de la CES dans le cadre des élections européennes et ne participons à aucune initiative de la CES pouvant remettre en cause l’indépendance de FO
, indiquait déjà Marjorie Alexandre, à la veille du congrès.
Cela n’empêchera pas la délégation FO de rappeler ses valeurs à la tribune du congrès d’ici la fin des débats, contre le racisme, la xénophobie et la discrimination. Son Secrétaire général Yves Veyrier a déjà déclaré hier, 22 mai : Lorsque face à la crise, les États, dans le cadre de l’UE, ont privilégié les mesures d’austérité, FO a prévenu : l’austérité est dangereuse –nous avions même dit suicidaire– non seulement sur le plan social et économique mais y compris pour la démocratie. Nous y sommes mes camarades. La crise n’est plus seulement économique et sociale mais prend des formes politiques dangereuses pour la démocratie.