Ford-Blanquefort : les salariés demandent à l’Etat de défendre les emplois

Industrie par Valérie Forgeront

© Sebastien ORTOLA/REA

Rien ne va plus à l’usine Ford de Blanquefort près de Bordeaux. Ce lundi 5 mars, cinq syndicats dont FO ont appelé à un débrayage de deux heures à la mi-journée. Les salariés contestent la décision du constructeur automobile américain de se désengager du site girondin. Alors que 915 emplois sont menacés, les syndicats, dont FO, ont demandé à l’État d’intervenir afin que Ford maintienne son activité dans cette usine ouverte en 1972.

C’est peu de le dire, les 915 salariés du site Ford de Blanquefort (Gironde) sont inquiets. Ils l’ont fait savoir ce lundi 5 mars en effectuant une assemblée générale et deux heures de débrayage à la mi-journée à l’appel de cinq syndicats dont FO (3e organisation du site). Les salariés craignent la fin prochaine de la production sur ce site ouvert en 1972. Concrètement les 915 emplois en CDI du site sont menacés.

Le 27 février dernier lors d’un CE extraordinaire, la direction du site Ford a annoncé en effet aux salariés la décision du constructeur américain de se désengager du site de la banlieue bordelaise qui fabrique actuellement des boîtes de vitesse. Plus exactement la transmission 6F35. Cette annonce a fait l’effet d’une douche froide. Les explications du constructeur aussi.

Selon Ford le coût du travail en France est trop élevé. Les volumes de production confiés à Blanquefort ne suffiraient pas pour assurer de la rentabilité à l’avenir s’indigne Jean-Marc Chavant, le secrétaire général adjoint du syndicat FO de Ford-Blanquefort.

Bénéfice : 7,6 milliards d’euros en 2017

Froidement, le constructeur avance des chiffres. Poursuivre la production de boîtes de vitesses en Gironde –soit la nouvelle gamme 8F-MID– coûterait 290 millions de dollars de plus qu’une production réalisée aux États-Unis. Pas convaincus par cette assertion, les syndicats dont FO et l’État par la voix du ministre de l’Economie, M. Bruno Le Maire, demandent des explications indique Jean-Marc Chavant.

Plus largement, le militant rappelle que le groupe Ford a réalisé un bénéfice net de 7,6 milliards d’euros au niveau du groupe en 2017. Par ailleurs depuis 2013 le site de Blanquefort a reçu des aides publiques à hauteur de 50 millions d’euros dans le cadre d’un plan de maintien des emplois qui s’achève en mai prochain.

Un « maintien » des emplois qui résonne douloureusement aux oreilles des salariés. En effet, en près de vingt ans, les effectifs de l’usine ont fondu comme neige au soleil. En 2000 il y avait 4 200 salariés à Blanquefort indique Jean-Marc Chavant.

Mais trois PSE (2006, 2009, 2011) plus tard le site ne comptait plus que 1 200 salariés. Bilan : 3 000 emplois en moins. En 2011, Ford vend le site à une holding puis le rachète deux ans plus tard, en 2013. Le constructeur américain réalise alors un nouveau PSE (36 emplois supprimés).

Aucune production prévue pour Blanquefort ?

Aujourd’hui, face à l’attitude de la direction du site et plus largement à celle du groupe qui semble nier les efforts des salariés durant toutes ces années, les personnels de l’usine sont déterminés à se faire entendre. Si Ford annonçait que nous allons continuer à fabriquer la transmission 6F35 qui doit équiper un prochain véhicule SUV distribué sur le marché européen et russe… Nous aurions du travail pendant quatre ans souligne Jean-Marc Chavant.

Ce ne semble pas être la stratégie de Ford regrette le militant. Ce type de boîte de vitesse est actuellement fabriqué à Blanquefort mais aussi au Mexique, en Chine et aux USA. Nous avons appris récemment que la production de cette boîte que nous pourrions assurer encore serait transférée aux États-Unis.

La nouvelle boîte de vitesse 8F-MID, actuellement fabriquée aux USA et en Chine mais qui doit équiper les véhicules Ford en Europe ? Les syndicats ont proposé qu’elle soit fabriquée à Blanquefort. Pour l’instant en vain. Ford ne semble pas vouloir de cette solution qui maintiendrait une activité de production à Blanquefort.

Conjuguant amertume et colère, depuis le 27 février, les syndicats du site multiplient les actions en direction des pouvoirs publics. Objectif : que ces derniers interviennent auprès de Ford pour que le constructeur américain infléchisse sa position. Ce qui n’est pas gagné. Illustration… Le 2 mars alors que les cinq syndicats de l’usine étaient reçus à Paris par le ministre de l’Economie lequel a annoncé la mise en place d’un groupe de travail restreint qui œuvrera notamment avec les représentants de Ford, au même moment s’indigne FO la direction de l’usine Ford faisait savoir qu’elle mettait en place une task force, concrètement une équipe chargée de trouver un repreneur pour le site.

Journée usine morte le 9 mars

Nouvelle douche froide pour les salariés de Blanquefort et par ailleurs pour l’équipe ministérielle découvrant en direct cette information.

En matière d’informations justement s’irrite Jean-Marc Chavant les délais évoqués par Ford avant un arrêt de la production à Blanquefort sont des plus flous. Selon le ministre, M. Le Maire, le patron européen de Ford s’est engagé verbalement vis-à-vis de lui à ce que la production se poursuive jusqu’à la fin de 2019. Or, la direction de Ford-Europe dit prévoir un arrêt de la production en milieu d’année 2019. Par ailleurs, nous, les salariés, savons qu’il n’y aura plus de commande au-delà de juin 2018 ! Toutes ces informations se contredisent.

Le vendredi 9 mars, se tiendra un « comité de suivi » en préfecture à Bordeaux. Il s’agira de faire le point sur la situation. Ce sera l’occasion d’apprécier si Ford a été sensible aux arguments des pouvoirs publics. Ce comité réunira la direction de Ford Blanquefort, les représentants du personnel de l’usine mais aussi des représentants des pouvoirs publics (État, élus locaux). Ce même jour les syndicats appellent à une « journée usine morte » assortie d’une manifestation à Bordeaux.

Le 15 mars constituera aussi une date importante dans le dossier Ford-Blanquefort. La direction européenne de Ford devrait apporter des informations aux élus du CE. Les syndicats dont FO, évoquent par ailleurs la possibilité de se rendre très bientôt à Cologne (Allemagne) où se situe le siège de la direction Ford-Europe dont dépend Blanquefort.

 

Valérie Forgeront Journaliste à L’inFO militante

Sur le même sujet