Ils totalisent à eux deux 40% des émissions de gaz à effets de serre. Sur la plus haute marche du podium mondial : la Chine avec 24% des émissions. Juste en dessous, les États-Unis avec 17,9%. C’est dire si la ratification de l’accord de Paris sur le climat était attendue. C’est désormais chose faite. La Chine et les États-Unis l’ont annoncé en marge de la réunion du G20 qui s’est tenue les 4 et 5 septembre en Chine.
Il était temps, car à Paris on commençait à s’inquiéter sérieusement. L’accord issu de la Cop 21 fixe comme perspective de « contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et de poursuivre l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5 °C ».
Pour entrer en vigueur, le texte doit être ratifié par 55 pays représentant 55 % des émissions de gaz à effet de serre. Avant les signatures chinoise et américaine, seulement vingt-cinq pays représentant moins de 2 % des émissions mondiales, l’avaient jusqu’ici adopté.
Reste la ratification du 3e pollueur mondial : l’Europe. Si tout se passe aussi mal que prévu, tant les États sont en désaccord sur la répartition des efforts, la ratification ne devrait pas avoir lieu avant 2017.
Pour l’heure seuls trois États ont déjà ratifié le texte : La France, l’Autriche et la Hongrie. Mais la portée de ces signatures restera sans effet tant que les 25 autres États européens et que l’Union européenne n’auront pas déposé leur ratification au secrétariat général de l’ONU.
Grande avancée pour le climat ou simple coup de com’ ?
Reste à observer ce que feront les États-Unis et la Chine à la Cop22 qui doit se réunir en novembre 2016 à Marrakech. Enverront-ils une vraie délégation pour accentuer ces engagements ou vont-ils dépêcher des négociateurs sans mandat réel ?
La Cop 22 sera également une occasion d’observer la traduction concrète des négociations sur le plan des engagements sociaux. Et cela risque d’être sportif prévoit Pascal Pavageau « Nous risquons de devoir batailler encore plus qu’en décembre 2015 à Paris pour obtenir la moindre concrétisation sur ce que la Confédération syndicale internationale appelle "la transition juste" et ce qu’à Force Ouvrière nous appelons les conséquences sociales des engagements climatiques. »
Des obligations vertes ? Oui mais pour faire quoi ?
Autre annonce effectuée en marge du G20 de septembre 2016 : François Hollande a confirmé la création d’obligations vertes (green bonds, en anglais). Lancées dès 2017, ces obligations seraient destinées à financer des projets liés à l’environnement. « Nous sommes toujours favorables à tout ce qui peut aboutir à un financement ou à des levées de fonds en direction de grandes politiques publiques », poursuit Pascal Pavageau. « Mais la question reste toujours la même. Pour faire quoi ? »
Pour le secrétaire confédéral, l’efficacité sur le moyen terme de ces dispositifs nécessite un engagement international voire mondial. En France, la loi de transition énergétique fixe un cadre, mais rien de tout cela existe au niveau européen et encore moins à l’échelle mondiale.
La coopération européenne au point mort
Sur le plan européen, aucune politique énergétique et environnementale de coopération n’est pour le moment à l’ordre du jour. « Ce qui s’est passé avec Airbus, en matière de coopération interétatique ne serait plus reproductible aujourd’hui », regrette Pascal Pavageau. Quels sont les freins à la coopération ? D’abord l’opposition classique du lobby, très actif à Bruxelles, des entreprises privées ; mais surtout le positionnement de la Commission européenne enferrée dans le dogme de l’austérité et de la concurrence entre les États.
Préempter des surfaces importantes
« A FO, nous sommes persuadés qu’une vaste coopération européenne sur le photovoltaïque, sur l’éolien off-shore ou sur la déconstruction propre des navires, est indispensable et permettrait aux européens de prendre une longueur d’avance », détaille Pascal Pavageau qui cite l’exemple du photovoltaïque. De nombreux États de l’UE souhaiteraient développer cette alternative énergétique. Une belle occasion, pour le secrétaire confédéral, de mutualiser les investissements, tout en gagnant en coût carbone ce qui permettrait de réinvestir sur des opérations de grande envergure de parcs ou d’aide à l’investissement.
S’agissant de la déconstruction navale propre demandée depuis plus de 10 ans, il serait tout à fait envisageable de monter une coopération entre la France et d’autres pays européens ayant un littoral. La façade maritime, le savoir-faire sont réunis. Pour y arriver, l’État devrait préempter des surfaces importantes pour construire les infrastructures portuaires. Pourtant, malgré les besoins, rien dans ce sens ne pointe à l’horizon européen.
Émergence d’une réglementation internationale
Outre les milliers d’emplois que cette nouvelle filière créerait, elle favoriserait l’émergence d’une réglementation internationale inexistante actuellement. « L’ensemble des armateurs disent : vous n’allez pas nous mettre une norme de déconstruction de bateaux puisque les infrastructures permettant cette déconstruction propre n’existent pas », ajoute le secrétaire confédéral. « C’est comme si on disait que tous les véhicules doivent avoir un contrôle technique alors qu’il n’existe pas de centre de contrôle technique. La création d’un port européen de déconstruction propre, lancerait une réglementation européenne. Les pays pourraient contrôler, verbaliser et empêcher qu’on coule des bateaux-poubelle en pleine mer au large de l’Inde ou du sud de l’Afrique dans les conditions qu’on connaît sur le plan environnemental et social. »
La France ne peut agir seule
Si l’Europe, arrivait à prendre la main sur le sujet, cela obligerait d’autres États à se positionner. Mais la France ne peut pas agir seule, et les green bonds français ne suffiront pas à impulser une politique de grande ampleur énergétique respectueuse de l’environnement.
Passer des grandes déclarations stratosphériques des Cop à des réalisations concrètes en phase avec la lutte contre le changement climatique : pas si simple.