L’évaluation du salarié

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L’évaluation est un outil « RH » ayant le vent en poupe.

Il s’agit d’un procédé visant à déterminer la « valeur » du salarié, ses compétences professionnelles.

L’évaluation prend différentes formes (entretien informel dans le couloir, recours à un tableau de reporting, à la période d’essai [1], etc.) et de multiples appellations (entretien d’évaluation, de fin d’année, etc.). Nous nous intéresserons principalement à l’entretien d’évaluation.

L’entretien d’évaluation ne doit pas être confondu avec les entretiens professionnels périodiques organisés pour permettre aux salariés de définir leur projet professionnel. Ces différents entretiens ne seront donc pas abordés dans la présente étude.

L’évaluation n’est pas sans incidence pour le salarié. Elle peut avoir un impact notamment, sur sa formation, sa rémunération et sa carrière.

Ces dernières années, l’évaluation en entreprise a considérablement évolué.

Elle s’est généralisée et est devenue un outil de management « à la mode ».

L’objet de l’évaluation a, quant à lui, changé.

Dans le passé, les entreprises cherchaient à évaluer la prestation de travail fournie. On portait une appréciation sur le travail en procédant à une comparaison avec ce qu’on était abstraitement en mesure d’attendre du salarié.

Aujourd’hui, nous sommes entrés dans l’ère de la performance. Le défi ne consiste plus uniquement à atteindre, chaque année, des objectifs mais à les améliorer d’année en année.

Les dérives actuelles atteignent leur paroxysme lorsque l’évaluation vise à comparer les performances respectives des salariés créant ainsi une compétition malsaine.

A ce titre, de nouveaux procédés d’évaluations, provenant généralement des États-Unis, apparaissent.

Tel est le cas du « ranking ». Il s’agit d’un procédé RH visant, en premier lieu, à évaluer les salariés puis à les classer au sein de différentes catégories allant du plus au moins performant.

Le « 360° » consiste à faire évaluer le collaborateur par le manager mais aussi par ses collègues, clients et fournisseurs. Dans ce système, tout le monde est évalué par tout le monde, instaurant un climat de suspicion généralisé.

« L’assessment center » vise à mettre les salariés en situation afin d’observer leur réaction et déterminer leur potentiel.

L’évaluation apparaît, de plus en plus, comme « une machine à exclure » [2].

Ces dérives rendent, plus que nécessaire, l’encadrement des dispositifs d’évaluation par le droit.

Mais, les garanties offertes aux salariés sont-elles aujourd’hui suffisantes ?

Si l’évaluation du salarié est parfaitement licite (I), le droit actuel n’offre, en revanche, pas les garanties suffisantes concernant l’encadrement de ces pratiques (II).

I. LA LEGALITE DE L’EVALUATION DES SALARIES

Si procéder à une évaluation est un droit pour l’employeur (A), c’est inversement une obligation pour le salarié (B).

L’employeur dispose du droit d’évaluer ses salariés.

Au regard de l’obligation d’adaptation qui pèse sur lui, a-t-il un devoir de procéder à l’évaluation de son personnel ?

1. Un droit pour l’employeur

La jurisprudence estime que (Cass. soc., 10-7-02, n°00-42368) :

« L’employeur tient de son pouvoir de direction, né du contrat de travail, le droit d’évaluer le travail de ses salariés ».

2. Un devoir pour l’employeur ?

Aucune disposition légale n’impose la tenue d’un entretien d’évaluation.

Seule une convention collective peut l’exiger, elles sont rares en pratique.

En cas de non-respect des dispositions conventionnelles, des dommages et intérêts peuvent être octroyés au salarié à condition de démontrer un préjudice. Peut être invoquée à ce titre, la perte de voir évoluer sa carrière (Cass. soc., 10-11-09, n°08-42114).

Le non-respect des dispositions conventionnelles imposant la tenue d’un entretien d’évaluation peut, également, en présence d’une disparité de rémunération, laisser présumer l’existence d’une discrimination syndicale (Cass. soc, 31-3-09, n°07-45522).

L’obligation pour l’employeur d’évaluer (sous quelque forme que ce soit) son salarié découle indirectement de son obligation d’adaptation (art. L. 6321-1 du Code du travail).

Cette obligation impose à l’employeur de veiller au maintien de la capacité du salarié « à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations ».

L’adaptation du salarié à l’évolution de son emploi nécessite, au préalable, une évaluation de celui-ci par l’employeur. L’obligation indirecte d’évaluer le salarié est alors perçue sous l’angle de la formation.

En tout état de cause, l’employeur a intérêt à procéder à l’évaluation de ses salariés.

Évaluer les salariés rend la justification du respect de l’égalité de traitement par l’employeur plus aisée.

L’employeur peut s’appuyer sur l’entretien d’évaluation pour tenter de démontrer que la différence de traitement repose sur des critères objectifs (Cass. soc., 5-11-09, no08-43112).

Un salarié ne peut refuser de se soumettre à une évaluation au motif que celle-ci n’est prévue ni par l’accord collectif, ni par le règlement intérieur, ni par le contrat de travail.

Non seulement le salarié est tenu d’être présent lors de l’évaluation, mais il est aussi tenu de répondre de bonne foi aux questions posées.

Face au refus du salarié de se soumettre à l’entretien d’évaluation, l’employeur serait parfaitement en droit d’évaluer l’intéressé de façon unilatérale.

Le refus de se faire évaluer est constitutif d’une faute pouvant aller, suivant les circonstances, jusqu’au licenciement (Cass. soc., 10-7-02, n°00-42368).

Le pouvoir de l’employeur d’évaluer ses salariés est fort heureusement encadré par le droit du travail. Le non-respect par l’employeur de la législation en la matière, exonère le salarié de toute obligation de se soumettre à une évaluation.

II. L’ENCADREMENT DE L’EVALUATION

Pour pouvoir évaluer ses salariés, l’employeur doit accomplir, au préalable, un certain nombre de formalités (A).

Pour que l’évaluation du salarié soit conforme à la législation, une procédure doit être respectée et les critères et méthodes retenus doivent présenter un lien avec le travail (B).

Préalablement à sa mise en place, tout dispositif d’évaluation doit faire l’objet d’une information collective (1) et d’une information individuelle (2).

1. L’information collective

a - Le CSE

Le CSE est informé et consulté, préalablement à la décision de mise en œuvre dans l’entreprise, de moyens ou techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés (art. L.2312-38 du Code du travail).

La Cour de cassation en a déduit que (Cass. soc., 12-7-10, n°09-66339) :

Un système de contrôle et d’évaluation individuels des salariés ne peut être instauré qu’après information et consultation du comité d’entreprise.

Le CSE doit donner son avis sur la pertinence et la proportionnalité entre les moyens utilisés et le but recherché (Cass. soc., 10-4-08, n°06-45741).

Le défaut de consultation du CSE caractérise un trouble manifestement illicite permettant de saisir le juge des référés d’une demande visant à suspendre le dispositif d’évaluation jusqu’à la consultation des représentants sur le projet (Cass. soc., 10-4-08, n°06-45741).

Cette omission est, par ailleurs, constitutive d’un délit d’entrave.

En présence d’un avis négatif, l’employeur pourra, pour autant, mettre en place l’entretien d’évaluation.

b - La Commission santé, sécurité et conditions de travail

Le CHSCT, devenu Commission santé, sécurité et conditions de travail, intervient sur les questions relatives à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail (art. L.2315-38).

La consultation du CHSCT est obligatoire lorsque les modalités et les enjeux de l’entretien sont manifestement de nature à générer une pression psychologique entraînant des répercussions sur les conditions de travail (Cass. soc., 28-11-07, n°06-21964).

Faut-il déduire de l’arrêt rendu le 28 novembre 2007 (n°06-21964) le caractère systématique de la consultation du CHSCT avant l’introduction de tout projet d’évaluation ?

La Cour de cassation a répondu par la négative dans son rapport annuel publié en 2007 en précisant que :

Il convient cependant de ne pas conclure que tout projet d’évaluation du personnel doit, en soi, donner lieu à une consultation préalable du CHSCT. Pour que cette obligation soit requise il faut que le projet par son objet et ses conséquences entre dans les prévisions de l’article L. 236-2 du code du travail [nouvellement L.2315-38]. Les constatations des juges du fond sont ici déterminantes.

Ainsi, la nécessité de consulter le CHSCT est laissée à l’appréciation souveraine du juge du fond. Tout dépendra de la lourdeur du dispositif d’évaluation et de ses enjeux pour le salarié.

Cette solution apparaît peu convaincante.

En effet, toute évaluation vise à porter un jugement sur le salarié. Ce jugement est nécessairement source de stress pour le salarié. L’évaluation devrait automatiquement nécessiter la consultation du CHSCT.

c - La Cnil

Antérieurement, les données collectées lors de l’entretien d’évaluation, enregistrées dans un fichier informatique, devaient faire l’objet d’une déclaration préalable à la Cnil suivant une procédure dite « simplifiée » (norme simplifiée n°46).

La réglementation en matière de protection des données a été refondue. Le Règlement général sur la protection des données (RGPD) a supprimé ce système de déclaration simplifiée pour une responsabilité accrue des acteurs. Les employeurs devront désormais tenir un registre des traitements personnels et s’assurer de leur conformité au Règlement, à charge pour la Cnil de procéder à des contrôles a posteriori.

2. L’information individuelle

L’employeur doit informer les salariés des méthodes et techniques d’évaluation professionnelle les concernant préalablement à leur mise en œuvre (art. L. 1222-3).

La collecte de données personnelles au cours de l’entretien d’évaluation nécessite également une information préalable des intéressés (art. L. 1222-4).

Ces dispositions ont pour but de garantir une certaine transparence sur les opérations d’évaluation afin que le salarié ne soit pas mis devant le fait accompli.

Comment le salarié est-il tenu informé ?

La réglementation du travail est silencieuse quant aux modalités de cette information.

Cette information peut être effectuée soit de manière individuelle soit de manière collective (réunion de service, courriel, affichage, etc.).

La méconnaissance par l’employeur de son obligation d’information rend le procédé d’évaluation inopposable au salarié. L’intéressé est alors en droit de demander des dommages et intérêts s’il est en mesure de démontrer un préjudice (Cass. soc., 11-4-08, n°06-45804).

Les opérations d’évaluation nécessitent de respecter une procédure (1).

Les critères et les méthodes retenus par l’employeur doivent être conformes à la législation (2).

1. La procédure d’entretien

Des particularités procédurales peuvent être instituées par voie de convention collective voire par le règlement intérieur.

a - La convocation du salarié

Aucune obligation légale n’existe en la matière.

Il semble, pour autant, que l’employeur doit informer le salarié de la date de son entretien antérieurement à la tenue de l’entretien.

En effet, pour que le salarié puisse préparer son entretien encore faut-il qu’il en soit tenu informé dans un délai raisonnable.

Un entretien « surprise » pourrait être constitutif d’un abus de l’employeur de son droit d’évaluer et un manquement à son obligation de transparence.

La convocation peut être orale.

b - Les parties à l’entretien

Le salarié

o Le salarié est-il en droit de bénéficier de l’assistance d’une tierce personne, comme cela est prévu en cas de sanction disciplinaire ou de procédure de licenciement ?

La Chambre criminelle semble rejeter cette possibilité dans la mesure où cela n’est pas expressément prévu par les textes (Cass. crim., 11-2-03, n°01-88014). L’évaluation n’est ni un entretien disciplinaire ni un entretien préalable à un licenciement.

La lecture de cet arrêt invite, néanmoins, à la prudence eu égard à la particularité de l’espèce : le salarié était l’initiateur de l’entretien. Il n’est donc pas certain qu’il faille tirer des conclusions trop générales de cette décision.

Mais pourrait-on considérer que la fixation d’une mauvaise note ou le classement dans la catégorie des salariés la plus basse puisse être assimilable à une sanction disciplinaire ?

Les juges ont été amenés à se prononcer sur cette question à propos du « ranking » (CA Grenoble, 12-11-02, n°02/02794).

Ce système, inspiré du modèle américain, consiste à classer les salariés en différentes catégories en fonction de leur performance individuelle.

L’enjeu est considérable.

Une réponse positive engendrerait deux conséquences :

  d’une part, le droit pour le salarié de se faire assister au cours dudit entretien ;
  d’autre part, l’obligation d’intégrer le système d’évaluation au règlement intérieur.

Des syndicats soutenaient que le classement dans la catégorie des « salariés les moins performants » était constitutif d’une sanction.

Les juges, en examinant l’utilisation faite du « ranking » par la société, ont considéré que ce système d’évaluation ne contenait :

Aucun caractère disciplinaire et ne peut être considéré comme une étape avant la prise d’une sanction quelle qu’elle soit (blâme, avertissement, rétrogradation, mise à pied disciplinaire ou même licenciement) ; […] que la Société […] ne s’est pas placée sur le terrain disciplinaire.

Par ailleurs, les juges ont pris en considération le fait que le système en question comprenait un plan d’actions correctives comprenant notamment des actions en matière de formation.

La législation mériterait d’évoluer sur ce point afin de donner davantage de garanties aux salariés.

o Quelle est l’attitude que doit endosser le salarié durant l’évaluation ?

Au cours de l’entretien, le salarié est tenu de répondre de bonne foi aux questions posées par l’employeur (art. L. 1221-6) dès lors que les informations demandées présentent un lien direct et nécessaire avec l’évaluation de ses aptitudes (art. L. 1222-2).

Le salarié peut-il formuler son désaccord sur les remarques formulées par son employeur lors de l’entretien ?

Le salarié qui bénéficie de la liberté d’expression dans le cadre de son travail est parfaitement libre d’exprimer son désaccord à son employeur sous réserve que les propos tenus ne soient ni injurieux ni abusifs (Cass. soc., 19-6-08, n°07-40939).

L’employeur

La loi n’apporte aucune précision quant à la personne devant effectuer l’entretien.

Généralement, cet entretien est réalisé par le supérieur hiérarchique direct puisque c’est celui qui connait le mieux le salarié. Il peut également s’agir du N+2 voire du directeur des ressources humaines.

Mais, peut-il s’agir d’une personne tierce à l’entreprise (ex. cabinet de recrutement) ? Un doute existe à ce sujet.

c - Le compte-rendu d’évaluation

A l’issue de l’entretien, un compte-rendu d’entretien peut être rédigé par l’employeur. Dans ce document généralement figurent le bilan de l’année passée, les objectifs pour l’année à venir ainsi qu’une appréciation générale.

Le salarié a-t-il l’obligation de signer un tel document ? Rien ne l’impose. Le refus de signer le compte-rendu d’évaluation ne peut être constitutif d’une faute (CA Chambéry, 19-1-10, n°09/01180).

Par ailleurs, rien n’interdit au salarié d’émettre des réserves expresses en cas de désaccord avec les appréciations de l’employeur.

Si le salarié souhaite signer son compte-rendu, la prudence s’impose !

Le salarié doit être très attentif lors de la relecture du compte-rendu en vérifiant très soigneusement les termes employés. Il est, en effet, fréquent que ce document soit l’occasion pour l’employeur d’assigner de nouveaux objectifs ayant une incidence directe sur la rémunération du salarié. Il serait alors à craindre que le document signé soit analysé comme un avenant au contrat de travail (valant accord du salarié sur la modification opérée). De plus, il n’est pas rare que l’employeur produise les comptes rendus en justice dans le cadre d’un contentieux ultérieur.

Le salarié peut demander copie du compte-rendu d’évaluation, ainsi que la signification des codes et valeurs qui lui sont appliqués (Communiqué CNIL, 13 avr. 2007). Le refus de l’employeur de communiquer les résultats de l’évaluation peut être un élément de nature à caractériser une discrimination (Cass. soc., 23-10-01, n°99-44215).

Ce compte-rendu revêt un caractère confidentiel (art. L. 1222-3). Cela signifie que le salarié est le seul destinataire du compte-rendu. Ce document ne peut être communiqué à des tiers sans l’accord du salarié.

2. Les méthodes et critères retenus

Le choix des critères et méthodes d’évaluation appartient a priori à l’employeur. Ce choix n’est pas, pour autant, dépourvu de limites.

Les méthodes et techniques mises en place pour évaluer le salarié doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie (art. L. 1222-3, al. 3).

Les informations demandées au salarié doivent présenter « un lien direct et nécessaire avec l’évaluation de ses aptitudes » (art. L. 1222).

Un système d’auto-évaluation présente-il un tel lien direct avec les aptitudes professionnelles ?

Dans un premier temps, le TGI de Nanterre (TGI Nanterre, 12-9-13 nº 11/12781) avait retenu qu’un système d’auto-évaluation ne pouvait constituer une information en lien direct et nécessaire avec l’évaluation des aptitudes professionnelles du salarié en ce que :

Le regard qu’il [le salarié] est obligé de porter sur lui-même n’est non seulement pas une information sur ses aptitudes professionnelles proprement dit, mais en sus ne présente avec elles qu’un lien indirect, en l’occurrence totalement oblique.

Malheureusement, la cour d’appel n’a pas été sensible à cet argument (CA Versailles, 6e ch., 19-12-14, n°13-03952). Celle-ci a validé l’auto-évaluation des salariés, aux motifs que :

Aucune disposition régissant la matière ne proscrit l’implication du salarié dans son évaluation, par sa propre appréciation des résultats qu’il a atteint et des conditions dans lesquelles il est parvenu à ces résultats.

Nous sommes dans l’attente des précisions de la Cour de cassation sur le sujet.

a - Les critères retenus

L’employeur peut évaluer « le travail de ses salariés » et non les salariés eux-mêmes (Cass. soc., 10-7-02, n°00-42368).

L’évaluation des salariés doit se fonder sur des critères précis, objectifs et pertinents au regard de la finalité poursuivie (Cass. soc., 14-12-15, n°14-17152).

Si une question étrangère à l’activité professionnelle venait à être posée durant l’évaluation, aucune conséquence ne pourrait être tirée de l’absence de réponse ou du caractère inexact ou erroné de la réponse.

L’existence d’un lien entre la question et le travail du salarié relève de l’appréciation souveraine du juge. Cette appréciation n’est pas toujours aisée à réaliser. Qu’entend t-on par critère précis, objectifs et pertinents au regard de la finalité poursuivie ?

L’évaluation ne peut porter sur la vie privée du salarié.

Un critère ne peut être trop flou.

N’est, par exemple, pas un critère objectif, celui reposant sur la numérologie ou l’astrologie.

Les critères comportementaux, quant à eux, sont admis à condition qu’ils rejaillissent sur le travail du salarié.

A titre d’illustrations, peuvent figurer dans un procès-verbal d’entretien d’évaluation des appréciations négatives quant aux difficultés de travailler en équipe et à la susceptibilité excessive du salarié à l’égard de sa hiérarchie (Cass. soc., 20-2-08, n°06-40085).

Sont, en revanche, prohibés les critères discriminatoires. Des critères tels que l’âge, la santé, l’origine, l’appartenance syndicale ne peuvent être pris en considération (art. L. 2141-5).

L’absence de prise en considération, lors de l’évaluation, de l’appartenance syndicale n’est pas toujours aisée à manier.

Certaines situations ne posent pas de difficultés.

Le fait que le mandat soit présenté par l’employeur de manière négative constitue un indice de nature à laisser supposer l’existence d’une discrimination syndicale.

Un employeur ne peut mentionner dans l’entretien professionnel la mention suivante :

M. X... n’est pas motivé pour la vente de par ses nombreuses activités syndicales. Sa présence irrégulière ne permet pas un management correct et une implication satisfaisante de sa part (Cass. soc., 17-10-06, n°05-40393).

La même solution s’applique s’agissant de la mention de prétendues perturbations dans la gestion de l’emploi du temps du salarié engendrées par les activités prud’homales (Cass. soc., 1-7-09, n°08-40988). Une telle mention laisse supposer l’existence d’une discrimination syndicale.

D’autres situations posent davantage de difficultés.

Comment apprécier la performance (via la réalisation des objectifs) d’un salarié qui, du fait de son mandat, n’a pas autant de temps à consacrer à son activité professionnelle que ses collègues ?

Le principe est que le salarié ne saurait subir une diminution de sa rémunération du fait de son mandat.

L’intéressé ne saurait être privé de sa prime d’assiduité (Cass. soc., 28-6-06, n°05-41350).

Concernant les primes d’objectifs et les rémunérations variables, l’employeur doit procéder à une adaptation des objectifs en proportion du temps de présence du salarié afin de garantir l’absence de perte de rémunération du fait du mandat (Cass. soc., 6-7-10, n°09-41354).

Désormais, la loi impose de déterminer par accord les mesures à mettre en œuvre pour concilier la vie personnelle, la vie professionnelle et les fonctions syndicales et électives (art. L. 2141-5).

Ce type d’accord peut parfaitement prévoir une clause spécifique sur les modalités d’évaluation des titulaires de mandats syndicaux et électifs.

b - Les méthodes retenues

Les méthodes d’évaluation employées peuvent être de nature à générer des risques psychosociaux au sein de l’entreprise.

o Face à une telle situation, le déclenchement de la procédure d’alerte est engageable. L’Inspection du travail peut également être saisie de la question.

o Un tel système peut être contesté en justice pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Rappelons, en effet, que l’employeur a pour devoir de préserver la santé physique et mentale de ses salariés.

C’est, notamment, au vu de ces exigences que le système d’évaluation des salariés en catégories en fonction de quotas impératifs fixés à l’avance (dit de « forced rankings), a été jugé illicite (Cass. soc., 27-3-13, n°11-26539).

Dans le cadre de ce contentieux (notamment diligenté par FO) a été avancé l’argument suivant :

Il est interdit à l’employeur, dans l’exercice de son pouvoir de direction de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés, qu’un système d’évaluation mettant les salariés en compétition les uns avec les autres en fonction de critères en partie étrangers à leurs aptitudes professionnelles est source de stress et de souffrance.

Le système d’évaluation dit « benchmark » a également été contesté.

Ce dispositif consiste en une évaluation permanente des salariés pris individuellement, puis par comparaison permanente des résultats des salariés entre eux.

Un tel système d’évaluation a d’abord été jugé illicite dans son principe, aux motifs qu’il compromettait gravement la santé des salariés en raison de l’absence de définition précise des objectifs à atteindre et des risques sociaux qu’il engendrait (TGI Lyon, 2e section, 1re ch., 4-9-12, n°11/05300).

Malheureusement, par la suite, ce système a été validé en appel. Les juges ont alors estimé qu’un tel système ne pouvait être déclaré illicite en son principe. C’est l’application qui en était faite par l’employeur qui peut éventuellement conduire à affecter la santé des salariés (CA Lyon, ch. soc. C, 21-2-14, n°12/06988).

Face à un tel système d’évaluation, les juges examineront l’existence de garde-fous visant à éviter qu’un tel dispositif ne soit pas générateur de stress pour les salariés tels que, par exemple :

  la fixation d’objectifs précis (hormis celui de faire mieux que les autres salariés) ;
  la limitation de l’accès aux résultats des collègues ;
  préférer une comparaison par rapport à une médiane plutôt qu’à celle du meilleur salarié.

o Lorsque l’évaluation subie par le salarié porte atteinte à sa santé mentale, deux leviers peuvent être activés.

Une évaluation peut constituer un élément de fait laissant supposer un harcèlement moral subi au travail (Cass. soc., 8-12-09, n°08-43764).

Il a été jugé qu’une dépression nerveuse apparue deux jours après la tenue de l’entretien au cours duquel des reproches ont été formulés sur le travail fourni par le salarié peut être constitutive d’un accident du travail (Cass. 2e civ., 1-7-03, n°02-30576).

L’évaluation est susceptible d’avoir de nombreuses incidences pour le salarié (1).

C’est la raison pour laquelle il est généralement possible de la contester en justice (2).

1. Les conséquences de l’évaluation

a - Un outil de politique RH

L’évaluation peut servir de base à l’employeur pour justifier ses décisions en matière de « politique RH ».

L’évaluation du salarié peut mettre en exergue un besoin de formation.

Elle est également susceptible d’avoir une incidence sur le montant de la rémunération.

En effet, les augmentations individuelles ne peuvent être accordées de manière purement discrétionnaire et doivent correspondre à des critères objectifs et vérifiables (Cass. soc., 2-2-01, n°99-17577).

Le résultat d’évaluations pratiquées au sein d’une entreprise peut constituer des éléments objectifs et vérifiables de nature à justifier une différence de classification et de rémunération (Cass. soc., 17-10-06, n°05-40393).

A l’inverse, l’employeur ne pourrait justifier un écart de salaire par la mauvaise qualité du travail fourni lorsque le procès-verbal d’entretien d’évaluation contient exclusivement des appréciations positives (Cass. soc., 20-2-08, n° 06-40085).

L’évaluation peut amener l’employeur à proposer au salarié une promotion voire lui infliger une rétrogradation. Dans tous les cas, il s’agit d’une modification du contrat de travail qui ne peut être imposée au salarié.

b - Un outil probatoire en cas de contentieux

Dans le cadre d’un contentieux en contestation du licenciement pour insuffisance professionnelle, les comptes rendus d’évaluation seront généralement communiqués par les parties à l’instance.

L’employeur éprouvera des difficultés à justifier le licenciement pour insuffisance professionnelle d’un salarié en présence de comptes rendus d’évaluation élogieux (Cass. soc., 22-3-11, n°09-68693).

A l’inverse, le compte-rendu d’évaluation peut servir à justifier une insuffisance professionnelle.

Les évaluations ne peuvent, néanmoins, à elles-seules constituer un motif de licenciement pour insuffisance professionnelle.

La Cour de cassation a, par exemple, énoncé que (Cass. soc., 19-12-00, n°98-44362) :

Trois ans après l’embauche, l’employeur ne pouvait faire subir au salarié des tests de connaissance pour en déduire ensuite une insuffisante professionnelle.

Autre exemple, le compte-rendu peut aussi laisser présumer l’existence d’une discrimination syndicale lorsque celui-ci fait mention d’une disponibilité réduite d’un représentant du personnel en raison de ses fonctions syndicales (Cass. soc., 11-1-12, n° 10-16655).

En cas d’utilisation en justice par l’employeur des comptes rendus d’évaluation, la valeur à octroyer auxdits documents est laissée à l’appréciation des juges du fond.

A noter qu’en présence d’un licenciement pour insuffisance de résultats, le seul constat par l’employeur de la non-réalisation des résultats fixés contractuellement ne saurait suffire à justifier un licenciement. Et pour cause, l’insuffisance de résultat n’est pas en soi une cause de licenciement (Cass. soc., 12-2-02, n° 99-42878 ; Cass. soc., 19-10-07, n° 05-45980). Pour juger du bien-fondé d’un tel licenciement, le juge devra s’intéresser à la cause des mauvais résultats : les mauvais résultats sont-ils les conséquences d’une insuffisance professionnelle ou d’une mauvaise volonté fautive du salarié ?

Que faire en cas de production en justice d’un compte-rendu d’évaluation défavorable ?

L’une des stratégies susceptible d’être utilisée est de plaider le caractère unilatéral du document en rappelant au juge que ce document n’est qu’un écrit émanant de l’employeur. Or, il existe un principe fondamental en droit suivant lequel : Nul ne peut se constituer de preuve à soi-même. En d’autres termes, le fait d’être l’auteur de l’acte présenté devant le juge lui fait perdre, en toute logique, toute valeur probatoire.

2. L’éventuelle contestation de l’évaluation

a - La contestation collective du système d’évaluation

Une action en justice en contestation du dispositif d’évaluation est ouverte aux syndicats.

Et pour cause, un système d’évaluation illicite est de nature à porter une atteinte directe ou indirecte à l’intérêt collectif de la profession.

Cette action relève de la compétence du tribunal de grande instance.

Généralement, il sera demandé au juge de :

  juger le dispositif d’évaluation contraires aux dispositions légales (voire conventionnelles) ;
  ordonner la destruction des évaluations réalisées sur la base du système d’évaluation illicite.

b - La contestation individuelle du résultat d’une évaluation

Que faire en cas de désaccord avec les résultats de l’évaluation ?

Le premier réflexe, comme nous l’avons dit, consiste à refuser de signer son compte-rendu d’évaluation et, éventuellement, y inscrire des réserves.

Le salarié mécontent de son évaluation peut demander un entretien « informel ».

Certaines entreprises ont institutionnalisé des voies de recours internes (généralement par le biais de dispositions conventionnelles). Celles-ci consistent généralement en l’organisation d’une seconde évaluation en présence d’un autre responsable hiérarchique. La présence de représentants du personnel pourrait également être imposée (à l’image des commissions paritaires qui existent dans la fonction publique).

De telles voies de recours ne sauraient faire obstacle à la saisine directe par le salarié du conseil de prud’hommes (Cass. soc., 19-7-88, n°85-45004).

Lorsque l’entreprise pratique la sourde oreille face aux contestations formulées par le salarié à l’égard de son évaluation, se pose alors la question de l’opportunité de saisir le juge.

Lorsque l’évaluation a engendré des conséquences pratiques (privation d’une prime, licenciement insuffisance professionnelle, etc.), ce sont généralement ces décisions qui seront soumises au contrôle judiciaire. Les évaluations seront alors perçues comme des « outils probatoires ».

L’évaluation en elle-même peut-elle être contestée devant le juge « en son principe » c’est à dire avant même que l’employeur prenne une décision individuelle ?

Une telle action serait-elle automatiquement jugée recevable ?

Il ressort, en effet, des grands principes de la procédure civile que pour agir en justice le salarié doit disposer d’un intérêt légitime né et actuel (art. 31 du Code de procédure civile).

A titre d’illustration, dans le contentieux visant à remettre en cause le « ranking », la cour d’appel de Grenoble a considéré qu’en l’absence d’incidences actuelles pratiques d’une mauvaise notation, bien que l’inquiétude des salariés soit légitime, leurs griefs sont prématurés (CA Grenoble, Ch. Soc., 13-11-02, nº 02/02794).

Mais quelles sont les demandes susceptibles d’être formulées devant le juge ?

Les annotations défavorables au salarié figurant dans l’évaluation, peuvent, à charge de démontrer leur caractère injustifié, bien évidemment constituer un élément de fait faisant supposer un harcèlement moral subi au travail (Cass. soc., 8-12-09, n°08-43764).

Plus généralement, des annotations vexatoires ou injurieuses pourraient venir à l’appui d’une demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

On pourrait également avancer, à l’appui d’une demande de dommages et intérêts, qu’une annotation défavorable injustifiée génère un préjudice moral qu’il convient de réparer (stress et angoisse). La difficulté est que le juge ne semble pas toujours considérer que l’attribution d’une mauvaise notation, détachée de toute mesure concrète soit de nature à générer une crainte devant faire l’objet d’une indemnisation (CA Grenoble, Ch. Soc., 13-11-02, nº 02/02794).

Il est possible de demander au juge de ne pas prendre en considération une évaluation. Une demande d’annulation de l’évaluation pourrait également être formulée. Rien n’interdit de demander au juge que l’employeur procède à une nouvelle évaluation. Toutefois, dans la pratique, le salarié s’expose à ce qu’une seconde évaluation défavorable soit rendue à son encontre (en raison des rancœurs résultant du litige l’opposant à son employeur). Il n’apparaît, en revanche, pas possible de demander au juge de réviser directement l’évaluation réalisée par l’employeur.

Malheureusement, le droit positif n’est pas en mesure de protéger totalement le salarié des risques de dérives résultant de la généralisation de l’évaluation en entreprise. Des progrès sont à réaliser. Ce point mériterait d’être davantage présent dans nos conventions collectives afin d’établir des « garde-fous conventionnels ». Celles-ci pourraient, notamment, procéder à un encadrement strict tant concernant la procédure d’évaluation que dans des critères utilisés. Les droits des salariés s’en trouveraient davantage préservés.

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Notes

[1La période d’essai ayant, notamment, pour finalité «  d’évaluer les compétences du salarié dans son travail  » (art. L. 1221-20 du code du travail).

[2A. Chirez, «  Notation et évaluation des salariés  », Droit Ouvrier, 2003, p. 309.