L’exception française n’est pas forcément celle que l’on croit

Europe par Evelyne Salamero

L’institut COE-Rexecode, proche du patronat, stigmatise régulièrement les salariés français comme étant ceux, avec les Finlandais, qui totalisent le moins d’heures de travail en Europe. Il omet de préciser qu’ils figurent aussi parmi les plus productifs. En 2013, un salarié français rapportait 45,6 euros en moyenne par heure travaillée contre 42,8 euros pour un salarié allemand, 39,2 euros pour un salarié britannique (source Eurostat) et 39,7 euros pour un Finlandais.

La réduction du temps de travail n’est pas une tendance propre à la France. En soixante ans la durée du travail a baissé dans tous les pays développés, relève l’Insee. Et si en France la loi Aubry a effectivement fait chuter brusquement le temps de travail pour les salariés à temps plein, la baisse a stagné entre 2005 et 2012 alors qu’elle a été ininterrompue depuis le début des années 2000 en Allemagne. Du coup, l’écart entre les deux pays s’est réduit. En 2014, le nombre moyen d’heures travaillées par semaine par les salariés à temps plein (heures supplémentaires comprises, rémunérées ou non) était de 40,5 heures pour la France et de 41,5 pour l’Allemagne. Si l’on tient compte des contrats à temps partiel, les salariés allemands travaillent en moyenne 11,5 % de moins sur dix ans, contre 3,3 % pour les Français.

Multiplication des horaires atypiques

Depuis une dizaine d’années, la durée du temps de travail des salariés à temps complet a diminué dans la majorité des 28 pays membres de l’Union européenne, y compris au Royaume-Uni où elle plafonne toutefois encore à 42,9 heures. Elle a néanmoins augmenté dans huit d’entre eux : en Belgique, au Luxembourg, en Irlande, en Slovaquie, au Portugal, à Malte, à Chypre et en Grèce, qui détient la durée du travail moyenne hebdomadaire la plus longue : 44,2 heures. Elle est restée stable aux Pays-Bas. La productivité, elle, a augmenté partout mais la Grèce et les pays de l’Est, où l’on travaille le plus d’heures, ont la productivité la plus faible.

En France, l’augmentation de la productivité, avec un temps de travail réduit, a entraîné une intensification du travail mais aussi une multiplication des horaires atypiques, dont le travail de nuit, du samedi et du dimanche. En 2009, selon une enquête de la Dares, 37 % des salariés seulement avaient encore des horaires « normaux ».

Evelyne Salamero Ex-Journaliste à L’inFO militante