La dette infernale

Histoire par Christophe Chiclet, L’inFO militante

Imposer à un État de rembourser sa dette vaille que vaille ou l’effacer totalement ou partiellement ?
L’actuelle pandémie de Covid-19 remet cette question en lumière. L’histoire de la planète regorge de dettes qui ont été délaissées... Aperçu.

Document original d’une obligation de 125 roubles-or de la sixième émission d’un emprunt russe destiné à financer les chemins de fer russes. Eymery CC BY-SA 4.0

T out commence en France en 1815 quand Louis XVIII refuse d’honorer les dettes de Napoléon, estimant le remboursement contraire aux intérêts des Français, et indiquant que ce n’est pas son régime qui a contracté ces dettes ! Aux États-Unis, en 1864, les nordistes vainqueurs refusent d’honorer les dettes des sudistes faites en Europe pour financer leur guerre. En 1883 au Mexique, les jeunes forces républicaines refusent, elles aussi, de rembourser les emprunts contractés par l’empereur Maximilien. Les révolutionnaires publient une loi qui déclare : Nous ne pouvons pas reconnaître, et par conséquent ne pourront être converties, les dettes émises par le gouvernement qui prétendait avoir existé au Mexique. En 1914, Villa et Zapata entrent dans le palais présidentiel de Mexico. Ils suspendent définitivement le paiement de la dette. Avec la guerre hispano-américaine de 1898 qui conduit à l’indépendance de Cuba, les Américains poussent les Cubains à ne pas honorer les dettes du régime colonial espagnol. La Havane obtient gain de cause lors du traité de paix de Paris fin 1898.

Le célèbre emprunt russe

Le non-remboursement le plus connu, et qui fait encore grincer des dents nombre de petits épargnants, est le fameux emprunt russe des tsars. En 1918, le régime bolchévique annonce qu’il ne remboursera pas les emprunts russes. Paradoxalement, c’est Alexander Nahum Sack, ancien ministre des Finances de Nicolas II, émigré en France dès 1917, qui théorise cette idée dans une publication en 1927 : Si un pouvoir despotique contracte une dette pour fortifier son régime despotique, cette dette est odieuse pour la population du pays en entier. Par conséquent, elle tombe avec la chute de ce pouvoir.

En 1918 aussi, la nouvelle Pologne reconstituée reçoit l’aval du traité de Versailles pour rejeter les dettes du Kaiser pour coloniser le pays. En 1923, le petit Costa Rica refuse de payer sa dette canadienne. En 2005, le Paraguay déclare nulle sa dette contractée auprès des banques européennes.

En 2008, l’Équateur fait de même.

Les Grecs n’auront pas cette chance. Ils seront pressés comme un citron par la troïka : le FMI, la Banque centrale européenne et la Commission de Bruxelles. Pourtant en 2007, l’ONU s’était penchée sur les possibilités d’un non-remboursement. Mais le machin, comme l’appelait de Gaulle, est visiblement moins fort que le FMI.

 

« Adults in the room »
Le gouvernement − gauche radicale (Syriza) − arrivé au pouvoir en Grèce en 2014 a demandé à Bruxelles de renégocier la dette du pays. Mais l’Union européenne et Berlin furent intraitables. Costa-Gavras en a fait son dernier film, sorti en novembre 2019, Adults in the room, basé sur le livre témoignage Conversations entre adultes de Yanis Varoufakis, alors ministre des Finances. Glaçant.

Christophe Chiclet Journaliste à L’inFO militante

L’inFO militante Le bimensuel de la Confédération