Le Défenseur des droits : Une institution à part entière

Vos droits par Secteur des Affaires juridiques

© LUDOVIC/REA

Créée en 2011 [1] par la fusion du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants, de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE) et de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), le Défenseur des droits est une autorité administrative indépendante inscrite dans la Constitution.

Cette autorité, dont le but est de veiller à la protection des droits et des libertés et de promouvoir l’égalité, est chargée de cinq missions définies par la loi organique :

 défendre les droits et libertés dans le cadre des relations avec les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics et les organismes investis d’une mission de service public ;

 défendre et promouvoir l’intérêt supérieur et les droits de l’enfant consacrés par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France ;

 lutter contre les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France ainsi que de promouvoir l’égalité ;

 veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République ;

 orienter, vers les autorités compétentes, toute personne signalant une alerte dans les conditions fixées par la loi, de veiller aux droits et libertés de cette personne (cette dernière mission ayant été rajoutée par la loi organique n°2016-1690 du 9 décembre 2016 chargée de protéger les lanceurs d’alerte).

Le Défenseur des droits est nommé par le Président de la République pour un mandat de 6 ans non renouvelable, afin de lui assurer une réelle indépendance vis-à-vis de tous les pouvoirs (politiques, juridictionnels, lobbyistes notamment).

Seule la lutte contre les discriminations retiendra notre attention dans cette étude, tant son rôle devient fondamental et presque incontournable en matière de droit du travail.

La définition de la discrimination n’a pas été codifiée et est spécifiée à l’article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, ce qui lui confère une force supplémentaire :

Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son origine, de son sexe, de sa situation de famille, de sa grossesse, de son apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son patronyme, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, de son état de santé, de sa perte d’autonomie, de son handicap, de ses caractéristiques génétiques, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable.
Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.
La discrimination inclut :
1° Tout agissement lié à l’un des motifs mentionnés au premier alinéa et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ;
2° Le fait d’enjoindre à quiconque d’adopter un comportement prohibé par l’article 2.

Ainsi, une discrimination est l’opération par laquelle deux personnes sont traitées de manière différente en raison d’un motif tiré de :


 l’origine,
 du sexe,
 de la situation de famille,
 de la grossesse,
 de l’apparence physique,
 de la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique, apparente ou connue de son auteur,
 du patronyme,
 du lieu de résidence
 de la domiciliation bancaire,
 de l’état de santé,
 de la perte d’autonomie,
 du handicap,
 des caractéristiques génétiques,
 des mœurs,
 de l’orientation sexuelle,
 de l’identité de genre,
 de l’âge,
 des opinions politiques,
 des activités syndicales,
 de la capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français,
 de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée.

Toute violation des articles 225-1 du code pénal et L 1132-1 et L 1132-2 du code du travail constitue une discrimination et peut faire l’objet d’une intervention du Défenseur des droits.

Ainsi l’article 225-1 du code pénal dispose :

Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur perte d’autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée.
Constitue également une discrimination toute distinction opérée entre les personnes morales sur le fondement de l’origine, du sexe, de la situation de famille, de la grossesse, de l’apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique, apparente ou connue de son auteur, du patronyme, du lieu de résidence, de l’état de santé, de la perte d’autonomie, du handicap, des caractéristiques génétiques, des mœurs, de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre, de l’âge, des opinions politiques, des activités syndicales, de la capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée des membres ou de certains membres de ces personnes morales.

L’article L 1132-1 du code du travail est adapté quant à lui, aux relations de travail :

Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.

L’article L 1132-2 vise quant à lui la discrimination en raison de l’exercice normal du droit de grève.

Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire mentionnée à l’article L 1132-1 en raison de l’exercice normal du droit de grève.

Ainsi, la discrimination peut être sanctionnée quelque soit la période à laquelle elle intervient :

 avant la naissance du contrat : lors d’une procédure de recrutement, d’accès à un stage ou à une formation ;

 pendant la relation de travail : prononcé d’une sanction, d’un licenciement ou d’une mesure discriminatoire en matière de :

  • rémunération, au sens de l’article L 3221-3,
  • mesures d’intéressement,
  • distribution d’actions,
  • de formation,
  • de reclassement,
  • d’affectation,
  • de qualification,
  • de classification,
  • de promotion professionnelle,
  • de mutation,
  • de renouvellement de contrat.

Le code du travail vise les matières sur lesquelles la discrimination est prohibée alors que l’article 1er de la loi vise les motifs de discrimination.

Elle est gratuite (article 6 de la loi organique).

• L’article 5 de la loi organique n°2011-333 dispose que le Défenseur des droits est saisi par :

(…)
3°Toute personne qui s’estime victime d’une discrimination, directe ou indirecte, prohibée par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, ou par toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits se proposant par ses statuts de combattre les discriminations ou d’assister les victimes de discriminations, conjointement avec la personne s’estimant victime de discrimination ou avec son accord.

La saisine du Défenseur des droits s’effectue directement par la personne qui s’estime discriminée ou par une association dont le but est la lutte contre les discriminations. Cette saisine s’effectuera conjointement avec la victime. L’action de substitution n’est pas envisagée.

Il n’est pas encore prévu que les syndicats puissent agir en substitution d’une personne discriminée, ni même conjointement avec elle.

Mais il est, à notre avis, tout à fait possible pour un syndicat de saisir le Défenseur des droits s’il s’estime discriminé en tant que personne morale, dans le cadre d’une différence de traitement entre deux syndicats dans une entreprise, ou dans l’attribution de locaux par une commune par exemple. En effet, la loi évoque la personne mais elle ne précise pas s’il s’agit d’une personne physique ou morale.

C’est le décret n°2011-904 du 29 juillet 2011 relatif à la procédure applicable devant le Défenseur des droits (JO du 30) qui précise, en son article 1er, que la réclamation peut être effectuée par une personne physique ou morale.

• Il peut également être saisi par un témoin d’une discrimination.

• Le Défenseur des droits peut également s’autosaisir s’il a connaissance de faits de discrimination.

Dans ce cadre, il doit en informer la victime par tout moyen. Si elle accepte explicitement cette saisine, le Défenseur des droits pourra utiliser tous les moyens d’information et les pouvoirs dont il dispose pour enquêter.

A défaut de réponse, le Défenseur des droits devra attendre 15 jours pour pouvoir engager une enquête (article 2 du décret).

Si la victime refuse l’intervention du Défenseur des droits, ce dernier ne pourra pas se saisir du dossier sauf s’il démontre que cette discrimination peut également impliquer des personnes non identifiées ou dont il ne peut recueillir l’accord (article 8 de la loi organique).

Toutefois, il peut toujours se saisir des cas lui paraissant mettre en cause l’intérêt supérieur d’un enfant et des cas relatifs à des personnes qui ne sont pas identifiées.

• Il peut enfin être saisi par un député, un sénateur ou par un représentant français au Parlement européen, qui aura été lui-même saisi par une victime, un témoin ou toute personne ayant connaissance de faits discriminatoires (article 7 de la loi organique).

Pour saisir le Défenseur des droits, il suffit de faire une réclamation par courrier simple ou sur le site du Défenseur des droits en indiquant par écrit les faits susceptibles de constituer une discrimination, en apportant toutes précisions utiles.

Cette réclamation peut également être effectuée auprès des délégués répartis sur tout le territoire.

ATTENTION : La saisine du Défenseur des droits n’entraîne pas de suspension du délai de prescription de l’action en discrimination devant les juridictions - civiles, pénales ou administratives - qui est de 5 ans à compter de la connaissance des faits (article L 1134-5 du code du travail). Seul le préjudice qui en résulte ne subit pas la prescription et doit être entièrement réparé.

Le Défenseur des droits peut transmettre la réclamation à une autorité compétente s’il s’estime incompétent.

Les pouvoirs d’investigations du Défenseur des droits sont très étendus.

• Il peut demander tout document ou toute information utile à son enquête, sur n’importe quel support –courrier, disque dur...– à toute personne physique ou morale, privée ou publique (article 18 de la loi organique). Ces personnes sont tenues de faciliter l’accomplissement de sa mission. Selon l’article 20, cette demande doit être motivée.

• Il peut demander des explications et effectuer des auditions.

Les convocations doivent mentionner l’objet de l’audition, et les personnes sont obligées de répondre à toute sollicitation.

Les personnes convoquées peuvent se faire assister par le conseil de leur choix et un procès-verbal contradictoire de l’audition est dressé et remis à la personne entendue.

Ses pouvoirs d’investigation sont tels qu’en cas de résistance des personnes auditionnées, le Défenseur peut les mettre en demeure de répondre aux auditions. A défaut, il pourra saisir le juge des référés d’une demande motivée aux fins d’ordonner toute mesure que ce dernier juge utile (articles 21 et 22 de la loi organique).

Le caractère confidentiel ou secret d’une information demandée ne peut être opposé au Défenseur des droits dans le cadre de sa mission, sauf en matière de défense nationale, sûreté de l’État ou politique extérieure.

Seuls le secret médical et le secret professionnel entre un avocat et son client doivent faire l’objet d’une autorisation de la personne concernée. Mais là encore, dans certaines situations, le secret médical ne peut lui être opposé.

Réciproquement, les personnes ayant failli à l’obligation de confidentialité ne peuvent être poursuivies par ailleurs pour violation d’une information à caractère secret.

• Il peut faire des vérifications sur place dans les locaux des personnes mises en cause.

Le responsable des locaux peut s’y opposer mais, dans ce cas, c’est le juge des libertés et de la détention qui autorisera cette visite.

Lorsque l’urgence, la gravité des faits à l’origine du contrôle, ou le risque de destruction ou de dissimulation de documents le justifient, la visite peut avoir lieu sans que le responsable des locaux en ait été informé, sur autorisation préalable du juge des libertés et de la détention. Dans ce cas, le responsable des lieux ne peut s’opposer à la visite.

• Le défenseur des droits peut également réaliser des testings.

Par exemple, en matière d’embauche, si une entreprise est soupçonnée de réaliser des discriminations à l’embauche, il peut envoyer de faux curriculum vitae afin de tester le comportement discriminatoire et contrôler la véracité des faits.

Si le Défenseur considère que les faits qui font l’objet d’une réclamation ne sont pas discriminatoires, il doit motiver sa décision (article 24 de la loi organique).

S’il considère que les faits sont discriminatoires diverses, solutions sont possibles.

• Il peut formuler une recommandation individuelle ou générale de nature à garantir le respect des droits et libertés de la personne lésée et à régler les difficultés soulevées devant lui ou à en prévenir le renouvellement.

• Il peut recommander de régler en équité la situation de la personne discriminée dont il est saisi dans un certain délai.

• Les personnes intéressées doivent informer le Défenseur des droits des suites données à ces recommandations.

En cas de carence ou de réponse insuffisante, il peut imposer à la personne de prendre les mesures nécessaires dans un certain délai.

Lorsqu’il n’a pas été donné suite à son injonction, le Défenseur des droits établit un rapport spécial, qui est communiqué à la personne mise en cause. Le Défenseur des droits rend public ce rapport et, le cas échéant, la réponse de la personne mise en cause, selon des modalités qu’il détermine.

• Le Défenseur des droits peut proposer, voire procéder, à une résolution amiable du différend porté à sa connaissance, par voie de médiation.

ATTENTION : l’article 26 de la loi organique précise que Les constatations effectuées et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être ni produites, ni invoquées ultérieurement dans les instances civiles ou administratives sans le consentement des personnes intéressées, sauf si la divulgation de l’accord est nécessaire à sa mise en œuvre ou si des raisons d’ordre public l’imposent.

• Il peut proposer une transaction pénale ou civile, afin d’éviter une procédure judiciaire longue et publique. Il peut, de ce fait, apporter son aide à la transaction.

En cas de discrimination syndicale ou de violation d’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, le montant de l’amende transactionnelle ne peut excéder 3 000 € s’il s’agit d’une personne physique et 15 000 € s’il s’agit d’une personne morale en plus de l’indemnisation de la victime.

Encore faut-il que ces faits discriminatoires ne soient pas déjà devant les tribunaux pénaux.

Cette transaction doit être homologuée par le procureur de la République.

Dans les deux cas de discrimination syndicale et de violation de l’égalité professionnelle, il peut imposer l’affichage d’un communiqué pendant un délai de deux mois maximum dans l’entreprise, ou transmettre ce communiqué aux institutions du personnel, ou encore le transmettre par voie de presse ou de communications électroniques.

Les frais d’affichage ou de diffusion sont à la charge de l’auteur des faits, sans pouvoir toutefois excéder le montant de l’amende susvisée.

L’exécution de la transaction éteint l’action publique.

• Si une procédure civile ou pénale est déjà engagée, il peut apporter ses observations devant la juridiction saisie à sa propre demande ou invité par les juridictions. Ce qui peut être un point supplémentaire pour la personne discriminée ayant introduit l’instance. Son audition ou ses observations devant les juridictions ne peuvent être refusés (article 33 de la loi organique).

En conclusion, le Défenseur des droits est une institution encore trop peu méconnue et utilisée en France, malgré un accès particulièrement facile : un simple courrier ou un formulaire en ligne sur le site du Défenseur des droits suffisent à engager la procédure.

Secteur des Affaires juridiques Le secteur des Affaires juridiques apporte une assistance juridique à la Confédération dans sa lecture du droit et dans la gestion des contentieux.

Notes

[1Lois organique (n°2011-333) et ordinaire (n°2011-334) du 29 mars 2011 (J.O. du 30/03/11).