Les algorithmes dangereux d’Ikea et Amazon

Europe par Secteur International Europe

Photographie de Álvaro Ibáñez (CC BY 2.0)

Le culte de la productivité trouve aujourd’hui son expression dans des algorithmes numériques, des logiciels utilisant des informations collectées au préalable, permettant à certains employeurs de contraindre leurs salariés à des cadences infernales sous peine de sanctions, pouvant aller jusqu’au licenciement. Des entreprises comme Ikea ou Amazon appliquent aussi ces algorithmes même si elles se vantent de leur politique socialement responsable. La réalité est tout autre comme le montre l’exemple de cas récents en Italie.

Lettre
électronique
n°42

Mi-novembre, une mère de famille ayant à sa charge deux enfants et salariée chez Ikea depuis 17 ans à Corsico en Italie est licenciée par la direction, déclenchant l’intervention du syndicat italien CGIL. Le licenciement a été prononcé en raison du non-respect de son planning qui lui demandait notamment de venir au travail à 7 heures du matin, ce qui lui était impossible car elle s’occupe seule d’un enfant handicapé et bénéficiait de la loi 104 de 1992 relative à l’assistance, l’intégration sociale et aux droits des personnes handicapées et censée offrir une meilleure conciliation entre la vie privée et la vie professionnelle d’un salarié ayant à sa charge une personne handicapée. Face à ce licenciement jugé inacceptable, une grève de solidarité a été organisée le 28 novembre 2017 et devait se répéter le 5 décembre.

Le 29 novembre 2017, c’est un autre salarié d’Ikea en Italie qui a été licencié pour avoir pris cinq minutes supplémentaires pendant une de ses pauses. Il a contesté le motif du licenciement et jugé la réaction de son employeur disproportionnée au même titre que le syndicat italien UIL qui le soutient dans ses démarches juridiques. Les « erreurs » commises par ces deux salariés licenciés par Ikea en Italie ont pu notamment être décelées à cause des algorithmes qui surveillent l’activité de ces salariés sur leur lieu de travail au quotidien et qui sert aujourd’hui de base à la décision de licenciement.

Ces exemples écornent sérieusement l’image du modèle socialement responsable suédois incarné par Ikea qui ne cesse de miser sur des publicités à la tonalité sociale pour rassurer les consommateurs. Les organisations syndicales italiennes reconnaissent d’ailleurs l’existence d’un véritable dialogue social au sein d’Ikea par le passé mais ce temps semble aujourd’hui révolu avec un durcissement des relations entre les partenaires sociaux.

Ces derniers exemples font écho à la mobilisation massive des travailleurs d’Amazon en Italie et en Allemagne le jour du Black Friday, rebaptisé pour l’occasion Strike Friday vendredi de grève »), le 24 novembre 2017. Ces travailleurs demandaient notamment une meilleure redistribution des profits de l’entreprise, une meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle et une amélioration des conditions de travail avec une réduction des cadences (infernales) et des cibles de productivité qui ponctuent chaque journée de travail. En réponse, Amazon Italie a soutenu que les salariés d’Amazon étaient les mieux payés du secteur de la logistique, qu’elle leur fournissait une assurance maladie privée et payait pour des programmes de formation…

Force Ouvrière est solidaire envers ces salariés, énièmes victimes d’une productivité poussée à l’extrême, et condamne le comportement de ces entreprises, aux antipodes du modèle « socialement responsable » dont ils se vantent, illustrant une nouvelle fois les limites de ce principe de responsabilité sociale, concept creux et non contraignant juridiquement.

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