Une fois n’est pas coutume, les inspecteurs (IPCSR) et délégués (DPCSR) du permis de conduire et de la sécurité routière ont décidé de sortir de l’ombre et de tenir de piquets de grève le 18 octobre pour faire connaître les raisons de leur colère. L’appel à la mobilisation a été lancé par le syndicat Snica-FO qui représente près des deux tiers des personnels. Après avoir obtenu l’ouverture de discussions au début de l’été avec le ministère de tutelle - celui de l’Intérieur - le syndicat attend toujours des réponses à ses revendications.
La première d’entre elles concerne les effectifs. Le syndicat exige des recrutements supplémentaires de fonctionnaires pour permettre au service public de fonctionner correctement. Le manque de personnel entraine une réduction du nombre places d’examens du permis de conduire, avec des conséquences sur les délais de présentation du candidat après un premier échec (ceux qui réussissent du premier coup n’entrent pas dans le calcul). La situation est particulièrement tendue dans certains départements, notamment en Ile-de-France ou dans le Calvados. Elle entraîne parfois des tensions voire des agressions de la part des usagers, ces derniers ayant peur d’un échec suivi d’une longue attente derrière.
De l’argent il y en a, pour le projet de loi de finances 2022, le budget du ministère de l’intérieur augmentera de 1,5 milliard, mais aucun recrutement supplémentaire n’est prévu en faveur du service public des examens du permis de conduire, tout est question de choix
, dénonce Pascale Maset, secrétaire générale du Snica-FO.
Une explosion des fraudes
Le syndicat pointe aussi, l’abandon par l’État de tout un pan de ses missions, à savoir les contrôles du service marchand du permis de conduire au sens large. Et cela, faute d’inspecteurs en nombre suffisant. Depuis 2016 en effet, l’examen du code de la route a été confiée au secteur privé pour le permis B. Désormais, les candidats se préparent sur internet puis passent le code dans un centre d’examen agréé pour 30 euros. Cette réforme, mise en place notamment pour réduire le coût du permis de conduire, est selon le Snica-FO un fiasco total
.
Le taux de réussite est passé de 70% à 50%, explique la militante. Et comme les centres sont peu contrôlés, il y a une explosion des fraudes, notamment des usurpations d’identité à l’examen, avec des conséquences potentielles sur la sécurité routière.
Selon Pascale Maset, les moniteurs sont parfois contraints d’interrompre un cours de conduite pour réexpliquer le code de la route à un élève. Comme l’heure de conduite est facturée 50 ou 60 euros, au final ça revient bien plus cher au candidat que les anciens cours collectifs du code de la route
, ajoute-t-elle. La secrétaire générale ajoute que la qualité de l’enseignement dispensé dans les écoles de conduite n’est pas non plus contrôlée, faute d’effectifs encore une fois. Le seul filtre qui reste aujourd’hui à l’État, c’est donc l’examen du permis mené par un fonctionnaire
, ajoute-t-elle.
17 missions perdues depuis 2015
La militante dénonce aussi les réformes mal préparées
qui se sont succédé à un rythme effréné
ces dernières années, toujours dans le sens de plus d’externalisation et de privatisation des services publics. Le syndicat déplore une pression permanente pour produire toujours plus d’examens, limitant la diversification des missions des inspecteurs. Avec les réformes, selon mes calculs, nous avons perdu dix-sept missions depuis 2015
ajoute Pascale Maset.
La dernière réforme en date remonte à juin dernier, avec l’externalisation au ministère du Travail de l’examen de la circulation sur plateau pour les titres professionnels de conducteurs de marchandises ou de voyageurs. Demain ce sera tout le poids lourd, après-demain la moto
, redoute la militante FO.
Dans ce contexte, les inspecteurs du permis de conduire ont d’autant plus mal vécu l’absence de geste financier de la part du ministère alors qu’ils ont repris les examens à partir d’octobre 2020, en pleine crise sanitaire, alors que les auto-écoles étaient encore fermées. Même si nous portons un masque, nous passons les journées en voiture avec des candidats à un mètre de distance
, rappelle Pascale Maset.