Les négociations autour du 4e paquet ferroviaire se poursuivent, presque 20 ans après le lancement du Livre Blanc « Une stratégie pour revitaliser les chemins de fer communautaires », en 1996. Cet ensemble de textes législatifs vise à ouvrir le transport ferroviaire à la concurrence dans l’ensemble du marché européen. Les paquets n°1 et 2 (en 2001 puis en 2006-2007) avaient libéralisé les services internationaux de fret.
Loin d’avoir favorisé le report modal de la route vers le rail, cette libéralisation du transport ferroviaire de marchandises s’est soldée, en France notamment, par des suppressions d’emplois massives au sein de ce secteur à la SNCF - avec comme corollaire immédiat l’augmentation du nombre de camions sur les routes… Le 3e paquet ferroviaire sur les services commerciaux internationaux de voyageurs de 2007, concrétisé en 2010, autorisait également le cabotage dans le service international, c’est-à-dire la possibilité de prendre et déposer, dans certaines conditions, des voyageurs dans deux gares d’un même État membre.
Aujourd’hui le 4e paquet ferroviaire est le point d’orgue annoncé à cette libéralisation. Lancé en janvier 2013 par la Commission Européenne, il repose sur deux piliers :
Le premier pilier traite des questions techniques (sécurité et interopérabilité ferroviaire). Après des mois de discussions, courant 2015, le Parlement Européen et le Conseil des Ministres des Transports de l’Union Européenne ont adopté un compromis, qui devrait accentuer le rôle et les prérogatives de l’Agence Ferroviaire Européenne et favoriser l’accès aux réseaux européens pour les entreprises ferroviaires.
Le second pilier (volet « gouvernance ») politique, doit encore être adopté. C’est a priori l’étape la plus sensible tant les intérêts particuliers de chaque État sont divergents. Le 8 octobre 2015, un compromis a cependant été accepté en Conseil des Ministres des Transports européens.
Concrètement, à compter de 2020, les lignes commerciales nationales (essentiellement les lignes TGV en France) pourront être ouvertes à la concurrence. En dépit de quelques garde-fous (concernant le cadre social national ; la préservation de l’exploitation en service public de lignes nationales), dans cinq ans des entreprises concurrentes à la SNCF pourront faire circuler leurs propres trains sur les lignes à grande vitesse. Quid alors des trajets qui exigent de prendre plusieurs trains et/ou plusieurs réseaux à grande vitesse ? Et quid des tarifs préférentiels comme les abonnements, dont bénéficient bon nombre d’usagers ? La politique du « moindre coût » pratiquée par la SNCF aux dépens des cheminots – en se plaçant sur le terrain du transport multimodal et lowcost, en fermant les points de vente et en dématérialisant les titres de transport – nous offre un premier aperçu de ce que ce 4e paquet pourrait produire en France.
Quant aux trains régionaux (TER) et aux Trains d’Equilibre du Territoire (TET) le compromis adopté le 8 octobre prévoit un choix à partir de 2026. Soit un appel d’offre classique, soit la possibilité pour les autorités organisatrices d’attribuer directement les contrats, dans ce cas le donneur d’ordre devra apporter la preuve que l’attribution directe débouche sur une amélioration du service rendu… Dans les deux cas, le service public ferroviaire quotidien sera tributaire des exigences des autorités organisatrices, et les entreprises ferroviaires rentreront dans une compétition impitoyable pour acquérir ou conserver de nouveaux contrats.
Nous sommes loin des satisfecit gouvernementaux ou de certains syndicats, se félicitant d’un compromis équilibré et préservant le transport ferroviaire hexagonal. Peu importe le calendrier envisagé, à plus ou moins long terme, c’est bel et bien l’ouverture totale à la concurrence du monde ferroviaire qui se profile. Contre les intérêts des salariés des entreprises ferroviaires comme de leurs usagers.
Le compromis adopté le 8 octobre va maintenant faire l’objet d’échanges entre le Conseil et le Parlement européen pour déboucher sur un accord final. Contrairement à ce que prétendent celles et ceux qui voient dans le piler politique du 4e paquet ferroviaire, tel qu’il a fait l’objet d’un consensus entre les ministres des transports européens, la garantie d’une concurrence équitable, la fédération FO des cheminots y voit plutôt la destruction programmée du service public ferroviaire au niveau du continent et surtout en France.